Catalogue officiel de l’exposition Monet en pleine lumière au Grimaldi Forum Monaco, ce volumineux ouvrage bilingue, rédigé collectivement, comprend plus de 200 illustrations et s’inscrit dans le cadre du 140e anniversaire du premier séjour de Claude Monet à Monte-Carlo et sur la Riviera.
Né à Paris en 1840, Claude Monet prend rang parmi les pionniers du mouvement impressionniste. Ce dernier a radicalement transformé la peinture et donné une nouvelle direction à l’art moderne. La passion du peintre pour la nature et sa fascination pour la lumière et les couleurs ont façonné ses œuvres. Comme l’explique très bien le catalogue, Claude Monet privilégiait les lignes aux motifs, les teintes aux objets représentés. Il expérimentait, changeait parfois de paradigme, se reposait sur les accents du pinceau, les traits, la facture, qui comptaient à ses yeux davantage que le sujet. Traversant une grande diversité de paysages, l’artiste français a peint ce qu’il ressentait plus que ce qu’il voyait, rompant avec les standards académiques de son temps. La nature était son atelier et l’enseignement conventionnel, sa hantise.
La période d’Argenteuil
Entre 1871 et 1878, Claude Monet s’établit à Argenteuil, une période féconde qui marque un tournant dans son art. Il y peint plus de deux cents œuvres, s’inspirant de la vie locale, des paysages fluviaux, des jardins fleuris, des séquences de neige, et surtout de la lumière fugitive qui, pour lui, est l’actrice principale du tableau. C’est ici qu’il a développé sa technique du plein air, qui consiste à peindre en extérieur pour capturer les variations subtiles de la lumière et de la couleur. Cette période a profondément marqué l’essor de l’impressionnisme. Monet en pleine lumière exprime parfaitement l’intérêt du peintre pour les sapins, les bateaux de pêche, les tropes hivernaux. Celui qui est refusé au Salon à son retour d’Angleterre asseoit peu à peu son art.
La Principauté, Bordighera, Dolceacqua, Antibes…
En 1884, Monet se lance dans un voyage en Méditerranée qui le mène à la Riviera, un territoire dont la beauté lumineuse l’enchante. De la Principauté de Monaco à Bordighera, de Dolceacqua à Antibes, il est captivé par la diversité des paysages et la lumière éclatante. Cette période marque une nouvelle étape, séminale, dans sa peinture, où le sujet continue d’importer moins que la manière dont il est éclairé. Ses œuvres capturent la richesse du Sud, les oliviers, les palmiers, et surtout la lumière, or et bleue. C’est Renoir qui a fait découvrir à Monet la Riviera : il privilégie au départ la Ligurie italienne et le village de Bordighera, niché à la frontière franco-italienne. Il y voit une sorte de forêt méridionale, à l’abri du tumulte de Monte-Carlo.
Désormais établi à Giverny, où il va entretenir avec passion et transposer sur ses toiles un jardin harmonieux et régulièrement agrandi (provenance des fameux nymphéas), Claude Monet va retourner dans le Sud, cette fois seul, et poursuivre ses pérégrinations picturales, sur lesquelles le catalogue revient amplement. Car non seulement Monet en pleine lumière procède par monstration (des œuvres et des photographies), mais les auteurs y mettent en perspective, avec érudition, la topographie et l’histoire des lieux : la Principauté caractérisée par ses festivités, son port ou son casino ; Bordighera, l’ancienne bourgade d’agriculteurs et de pêcheurs devenue touristique ; le village de Dolceacqua d’où Monet tire des vues de château, d’habitats typiques ou d’un vieux pont…
Un style en rupture avec son temps
C’est l’un des éléments essentiels du catalogue : Monet a rompu avec les conventions de son temps en rejetant l’art académique strict, privilégiant l’observation directe et l’expression de la perception sensorielle. Il délaissait le dessin et les détails pour se concentrer sur l’ambiance, la lumière et la couleur. Au lieu de reproduire fidèlement la réalité, il s’est efforcé, de tout temps et partout, de capturer l’impression fugitive qu’un paysage peut laisser sur le spectateur, devenant ainsi une, si ce n’est la figure emblématique de l’impressionnisme.
Le marchand et ami Paul Durand-Ruel
Paul Durand-Ruel, marchand d’art et grand défenseur de l’impressionnisme, a joué un rôle déterminant dans la carrière de Monet. Il a permis au peintre de poursuivre son travail en lui fournissant un soutien financier significatif et en organisant des expositions pour faire connaître son art. Cette relation a été essentielle pour assurer la reconnaissance de Monet et l’établissement de l’impressionnisme comme mouvement artistique majeur.
Cependant, Monet en pleine lumière ne manque de souligner les problèmes inhérents à cette relation. D’abord parce que Paul Durand-Ruel prend des risques financiers en agissant en mécène lors des voyages de Monet. Ensuite parce que le marchand se retrouve avec une importante collection d’œuvres qu’il peine à écouler. Enfin car le héraut de l’impressionnisme n’hésite pas à revoir ses prix à la hausse, même lorsque son ami se trouve au bord de la faillite.
Un ouvrage éclairant
Qu’il se traduise par la représentation et le commentaire des peintures – Au pont d’Argenteuil, Pivoines, Le Château de Dolceacqua, Pommiers en fleurs, Antibes, le matin… – ou la correspondance de Monet (par exemple les lettres qu’il envoie à sa compagne Alice Hoschedé), le travail pédagogique et historiographique mené par les auteurs de Monet en pleine lumière est à la fois éclairant et passionnant.
En explorant les nuances de la nature, Claude Monet a apporté une contribution majeure à la peinture. En s’éloignant des conventions rigides de l’art académique pour créer un langage visuel nouveau et vibrant, il a contribué à la promotion de l’impressionnisme. De la période d’Argenteuil à la lumière dorée de la Riviera, chaque étape de sa carrière, ici synthétisée, illustre son ingéniosité et sa capacité à élever la peinture à un haut niveau d’expression, que l’on qualifiera de personnelle et émotionnelle.
Monet en pleine lumière, ouvrage collectif
Hazan, juillet 2023, 288 pages