En mars, Michel Lafon publiait La Route des Lucioles, traduction de Firefly Lane, roman de Kristin Hannah publié en 2008. La sortie française faisait suite à la diffusion dès février d’une nouvelle série Netflix, adaptée du roman : Toujours là pour toi.
La Route des Lucioles nous raconte l’amitié d’une vie : celle de Tully et Kate, qui se rencontrent adolescentes, dans les années 70, et grandissent puis vieillissent ensemble, jusqu’aux années 2000.
Le roman de Kristin Hannah est un livre touchant, divertissant, qui plaira surtout aux femmes, et qui ne laissera pas indifférent. Au-delà de son aspect de divertissement, la fin poignante du roman délivre un message qui marquera définitivement l’oeuvre.
La vie et le temps qui passe
Kristin Hannah nous raconte une histoire qui commence par une rencontre en banlieue de Seattle, en pleine ère disco. La plume est efficace, attachée à retracer le fond, parfois un peu au détriment de la forme. Qu’à cela ne tienne, le lecteur n’en sera que peu dérouté tant il plongera avec joie dans cette histoire qui s’intéresse aux détails de la vie, bien avant une quelconque préoccupation littéraire. Très peu de sous-texte ici, pas d’analyse poussée à effectuer, de mots en cachant un autre. Kristin Hannah ne recherche pas une quelconque virtuosité littéraire : c’est une conteuse d’histoires. Son style familier fait mouche : elle nous emporte dans cette lecture facile qui finira par nous rendre accro. Tout au long des presque cinq cents pages qui composent ces trente ans d’amitié, le lecteur, attaché aux héroïnes, se préoccupera de leur sort.
Le roman peut parfois se révéler un peu inégal, certaines périodes intéressant davantage que d’autres. Parfois, c’est l’inverse, l’autrice, au moyen d’ellipses, saute des années qu’on aurait aimé connaître. Pourtant, c’est ainsi qu’on sent que le temps passe, que les héroïnes mûrissent puis vieillissent, sans avoir vu passer le temps elles-mêmes.
Le souvenir d’une époque
La Route des Lucioles, traduit en français treize ans après sa sortie américaine (2008) s’achève en 2006 (une suite inédite en France, Fly Away, a d’ailleurs été publiée en 2013). L’histoire débute en 1974, alors que les deux protagonistes ont quatorze ans. La majeure partie du roman est une collection de références que les lectrices vingtenaires ou trentenaires d’aujourd’hui ne comprendront pas – elles sont d’ailleurs bien souvent explicitées dans des notes de bas de page. Si le roman constitue un beau témoignage des années 70, puis 80, ainsi que 90 et enfin 2000, il peut être difficile pour les lectrices (ou lecteurs, bien que le roman soit, avouons-le, très orienté féminin) de s’identifier à ces femmes qui auraient aujourd’hui soixante ans. Ainsi, dans le monde de Tully et de Kate, une simple licence donne accès à un emploi dans une chaîne d’informations locales, un bon appartement dans le quartier branché et une paie minimale mais apparemment suffisante pour sortir tous les soirs. Il est aussi assez rare de nos jours qu’une femme ayant eu des petits amis tout au long de ses études reste vierge jusqu’à 25 ans, donnant l’impression d’une vie sentimentale peu adulte. Il en va de même pour ces disputes assez infantiles pour des femmes de vingt ans.
Dans le même ordre d’idées, le fait que les personnages deviennent facilement riches réduit encore toute possibilité d’identification – en particulier pour un lectorat actuel et jeune.
Un livre à la fois optimiste et critique
Pourtant La Route des Lucioles, malgré ces quelques défauts, demeure un livre profondément optimiste et agréable à lire. Il y a quelque chose de positif dans le regard que pose Kristin Hannah sur le monde et cela fait du bien. C’est aussi très agréable de voir une femme aussi déterminée que Tully. De manière un peu binaire, le livre oppose carrière et vie de mère de famille. Si Kate est heureuse de devenir mère au foyer, on ne peut toutefois s’empêcher de penser que ses talents d’écrivain sont un peu gâchés. Pourquoi également une mère au foyer ne devrait-elle vivre que pour ses enfants et n’avoir aucun autre centre d’intérêt que le bénévolat et les tâches ménagères ? On aurait aimé une critique plus subtile des choix laissés aux femmes.
Il est aussi intéressant, dans ce type de livres, de voir un portrait des ravages de l’alcool et de la drogue, notamment du point de vue de l’entourage. Ce sujet est traité de manière intermittente par les allées et venues au gré des pages de Nuage, la mère toxico de Tully.
Un roman très intense qui opère un revirement
La Route des Lucioles a aussi la particularité d’opérer un brusque revirement soixante page avant la fin (sur cinq cents). Ce dénouement inattendu modifie toute la saveur de l’histoire sans pour autant l’amputer de sa beauté, bien au contraire.
Par rapport à la série, le roman a plus d’intensité car il suit la vie des héroïnes de manière linéaire. On le sent, l’adaptation télévisuelle a pris le parti de conformer davantage l’histoire à l’ère actuelle (bien que se déroulant tout de même en 2003), sans pour autant perdre en intérêt. Pourtant, le roman, en nous permettant de nous glisser dans les personnages, nous donne un meilleur aperçu de leur vie, de leurs pensées. Si l’on aurait aimé voir davantage Tully, la suivre peut-être autant qu’on suit Kate, il est à noter que la suite du roman (Fly Away) se concentre sur sa vie.
La Route des Lucioles est un livre très touchant qui entre en résonance avec notre vie personnelle et nos espoirs de par l’humanité de ses personnages. Très simplement, Kristin Hannah nous conte avec force détails l’histoire d’une amitié, mais surtout, l’histoire d’une vie avec ses rires et ses larmes.
La Route des Lucioles, Kristin Hannah
Michel Lafon, 2021, 491 pages – adapté en série par Netflix, 2021