La fleur de l’illusion, l’ipomée jaune

Japon à notre époque. Autour d’une fleur jaune mystérieuse, deux morts suspectes mettent en branle une enquête officielle et des recherches personnelles qui vont aboutir à des révélations franchement surprenantes.

Pour les protagonistes, l’histoire commence à l’adolescence de Sota (14 ans), rejeton de la famille Gamo qui suit à contrecœur ses parents au marché aux ipomées. C’est une sortie quasi rituelle pour la famille, ce qui permet d’emblée de découvrir un pan de la culture traditionnelle du Japon. Tentant d’échapper à ce qu’il considère comme une corvée, Sota s’assoit sur un banc où il fait bientôt la connaissance d’une jeune fille de son âge, avec qui il file rapidement le parfait amour (son tout premier, celui qu’on n’oublie jamais). Mais en raison de leur jeune âge, Gamo Sota et Iba Takami se verront interdits de toute relation par leurs familles respectives. Auparavant, en ouverture du bouquin, un court chapitre de 4 pages décrit une situation qui se finit par un drame : un double meurtre, apparemment gratuit, à la suite d’une sorte d’accès de folie.

Un meurtre et une disparition

Mais le drame qui va tout déclencher ici, c’est quand la jeune Lino, venue rendre visite à son grand-père, le trouve mort. Le meurtre ne fait aucun doute. Son grand-père avait parlé et montré à Lino une fleur jaune qui l’intriguait : une ipomée dont Lino ne se rend compte que quelques jours plus tard qu’elle a disparu. Si la police enquête sur une affaire de meurtre crapuleux (la maison a été chamboulée, comme si le meurtrier cherchait des objets de valeur), Lino acquiert rapidement la conviction que son grand-père a été assassiné à cause de cette ipomée jaune.

Un roman d’enquête

Keigo Higashino poursuit dans une veine qui l’inspire bien. Il aime les intrigues complexes et en réussit encore une de qualité, en faisant remonter ses ramifications profondes jusqu’à un passé lointain. Il illustre avec maestria le sens de l’honneur qui est une fondamentale de la mentalité japonaise. Et puis, tout ce qui tourne autour de la fleur mystérieuse apporte une ambiance particulière, sans compter les surprises qui s’enchaînent, jusqu’à une révélation vraiment étonnante, qui permet de comprendre le comment et le pourquoi d’une série de drames et de situations familiales, etc.

Le style Higashino

L’auteur en fait peut-être un peu trop dans l’enchevêtrement des circonstances et quelques coïncidences qui vont permettre de démêler un écheveau complexe. Pour un (une) lecteur (lectrice) français(e), le nombre des protagonistes et les noms japonais (régulièrement utilisés dans le sens originel, avec le nom de famille en premier) peuvent apporter quelques confusions en cas de lecture trop étalée dans le temps ou pas suffisamment attentive. Enfin, l’auteur déçoit par moments avec des passages qui n’apportent strictement rien. Destinés probablement à faire ressentir une certaine ambiance, ils créent parfois des longueurs agaçantes plutôt que de contribuer à étoffer les caractères des personnages ou de préciser la configuration des lieux, etc. Exemple avec : « Ils entrèrent dans un café et Sota commanda un café.»

Une enquête et son contexte

En ce qui concerne l’enquête, le roman s’intéresse plus particulièrement à celle menée par Gamo Sota en concertation avec Lino, qui sont quand même encore bien jeunes. Cela donne une certaine ambiance au roman, puisque de nombreuses péripéties l’orientent vers des activités prisées des adolescents. Il est ainsi question d’un groupe de rock, de ses répétitions et de concerts, avec situation nécessitant un remplacement de musicien sur le vif. L’auteur s’arrange également pour bien situer le roman dans son époque, puisqu’il est question d’un étudiant qui cherche désespérément à changer d’orientation suite à la catastrophe de Fukushima. De nombreuses pistes émergent, ainsi que l’action croisée avec la police qui enquête de son côté.

La fleur de l’illusion, Keigo Igashino
Actes sud (collection Actes noirs) : sorti le 5 octobre 2016

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3.5