Que peut l’image au droit ? Cette question qui traverse l’ensemble de l’ouvrage de Serge Sur, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas et membre de l’Institut, la situe comme une problématique de représente apte à approfondir le sens de certaines œuvres populaires.
C’est en effet le corpus convoqué par Sur qui assure d’abord la singularité de son étude. Empruntant tantôt au cinéma-spectacle classique (Ouragan sur le Caine [Edward Dmytryk, 1954] ; Le Pont de la rivière Kwaï [David Lean, 1957]), au cinéma d’auteur contemporain (Rien sur Robert [Pascal Bonitzer, 1999] ; Ave, César ! [Joel et Ethan Coen, 2016] ; Ma Loute [Bruno Dumont, 2016]), aux grandes productions du patrimoine francophone (Plein Soleil [René Clément, 1960] ou aux titres moins connus de ses réalisateurs (Nada [Claude Chabrol, 1974]), Sur ne se prive pas de lorgner du côté de la bande dessinée (Tintin, Spirou, Lucky Luke) pour développer ses arguments.
Cet éclectisme permet à l’auteur de revenir sur ses problématiques en valorisant leur pluralité. Le droit international et social, entre exercice du pouvoir et lutte des classes, trouve dans les images des modalités d’expression dont l’ouvrage explicite parfaitement les enjeux. L’intérêt de l’argumentaire de Sur est de ne pas considérer le film comme une simple illustration mais bien comme un document historique témoignant d’un point de vue singulier. Ce sont donc bien les images qui parlent et à travers elles l’opinion d’époques dont Sur s’emploie à éclairer les concepts et les prolongements contemporains (la politique de Trump, la guerre en Ukraine).
Si l’on peut regretter que la mise en scène n’occupe qu’une place minoritaire dans les réflexions de l’auteur, il faut reconnaître la qualité de cette lecture transversale des scénarii envisagés. À partir des exemples concrets que constituent films et bandes dessinées, Sur en vient à interroger les rapports souvent poreux entre l’imaginaire et le réel. Sur ce point, le normatif est justement relativisé à la lumière des genres et registres qui déterminent les récits filmiques et graphiques étudiés.
De l’idéal collectif au règne de l’individuel, Sur décrypte les mythes du monde moderne à travers une rigueur scientifique qui se répercute sur l’étude même des films. Considéré comme des symptômes historiques et culturels, ces derniers apparaissent comme des réservoirs de signification que Sur cherche moins à épuiser qu’à traduire en termes objectifs. Cette objectivité assure la cohérence de l’ensemble et invite à relire les productions selon des catégories critiques différentes.
Une originalité certaine se déploie ainsi au sein du travail analytique proposé par l’auteur qui invite à se ressaisir de l’écart entre le pouvoir et le droit. Au creux des images, nous suggère Sur, les luttes du réel se décalquent à la manière de reflets plus ou moins fidèles. Comme une invite à repenser notre monde.
Des images qui parlent, Serge Sur
PUF, mai 2023, 240 pages.