Ciné Illimité, paru aux éditions Marabout, se distingue par une approche ludique et souvent désopilante du cinéma. À travers ses quelque 300 pages d’analyses, mais surtout d’anecdotes et d’humour, cette encyclopédie partiale et partielle porte une vision à la fois comique et critique de certains films emblématiques, ou non.
L’ouvrage Ciné Illimité procède toujours de la même façon : un film, son résumé, ses points forts et faibles, des anecdotes, une citation, les conditions idéales dans lesquelles le visionner ou encore ce qu’il faut en retenir. Mais la singularité de ce volume concerne le ton adopté, puisque les auteurs privilégient l’humour à l’analyse pure, même si cette dernière n’est pas tout à fait absente.
Prenez John Hammond (Jurassic Park) : « Il songe d’abord à racheter le Paris Saint-Germain pour en faire le plus grand club de football d’Europe. Jugeant cette idée trop irréaliste, il préfère finalement recréer des dinosaures en laboratoire. » Une balle perdue pour le club francilien tout à fait représentative d’une ligne éditoriale portant l’ironie – et le mauvais goût – à incandescence. Vous en doutez ? On lira à propos du cinéma de Xavier Dolan : « Encore plus fort qu’une langue morte, le québécois est une langue qui donne envie de mourir. » Et la fiche sur Le Silence des Agneaux évoquera les tutos couture de Buffalo Bill tout en épinglant « l‘énorme faille du scénario qui consiste à faire faire quelque chose d’autre que du café à un stagiaire ».
Il en va ainsi de bout en bout. Le second degré, omniprésent, n’est jamais tout à fait gratuit. Qu’ils se moquent gentiment de la vanité de la saga Fast & Furious ou qu’ils évoquent Fight Club en rappelant que « la schizophrénie est une maladie très difficile à vivre dans la réalité mais tellement cool au cinéma », les auteurs font toujours preuve d’une certaine acuité. Le cinéphile se délectera ainsi à lire que « A History of violence, c’est un peu le John Wick des lecteurs de Télérama », ou que Taxi Driver prouve que la violence n’est pas toujours motivée par les jeux vidéo. Plus sérieusement (ou pas), les qualités de mise en scène et des effets spéciaux de Jurassic Park ou 2001, l’Odyssée de l’espace, les performances outrées de Klaus Kinski chez Werner Herzog ou encore les spécificités figuratives et programmatiques de La Nuit du chasseur ou Citizen Kane trouveront également leur place dans le volume.
Parfois, ce dernier se drape d’originalité, par exemple en recréant un jeu de plateau où les aléas des stars et des producteurs influencent une progression vers les Oscars. Cette mécanique parodique révèle évidemment des vérités sous-jacentes : le monde du cinéma est autant dicté par son art que par les vicissitudes humaines et les caprices du destin. Ailleurs, c’est une ligne du temps cinématographique subjective et comique, ou des duels imaginés entre des films dont le seul lien semble tenir à la parenté relative de leur titre (La Ligne verte versus La Ligne rouge, La Momie versus Mommy), qui donneront le sourire (on s’y engage) au lecteur. Et si cela ne suffit pas, la perspective de voir un reboot de The Dark Knight par Xavier Dolan, articulé autour d’une histoire d’amour fusionnel entre Dick Grayson et Bruce Wayne, fera peut-être mouche.
L’humour de l’ouvrage oscille régulièrement entre l’acide et l’affable. Ainsi, apprécier À bout de souffle serait synonyme d’affection pour les activités marginales, tandis que les tentative de suicide les plus mémorables de Tim Burton auraient lieu au moment de Noël à en juger par Batman, le défi ou Monsieur Jack. À défaut d’effeuiller les films, les auteurs les décapent, et cela fonctionne souvent très bien.
Ciné Illimité s’impose comme un recueil sans nul pareil qui, au-delà de sa nature divertissante, s’avère être un témoignage (eh oui) de la richesse infinie du cinéma. Entre satire et hommage, cet ouvrage offre une réflexion légère et amusée sur la manière dont le cinéma façonne et est façonné par nos imaginaires. En dépit de l’absence assumée de profondeur analytique, le livre réussit le tour de force de nous faire voir le cinéma sous un jour nouveau. C’est là toute la (l’im)pertinence de Ciné Illimité : en se prenant peu au sérieux, en se moquant même parfois de lui-même, il atteint une forme d’érudition (eh oui, bis), ludique mais éducative.
Ciné illimité, ouvrage collectif
Marabout, octobre 2023, 288 pages