Les éditions Autrement publient l’Atlas géopolitique d’Israël. Cet outil précieux permet de mettre en lumière certains des grands enjeux d’un État juif sis au Proche-Orient.
L’analyse cartographique de l’État d’Israël permet de comprendre la complexité de ce pays soumis à des nombreuses tensions, territoriales, géopolitiques et énergétiques. Avec des implantations en Cisjordanie, des intérêts sur le plateau du Golan et dans le Sinaï, un territoire morcelé et des frontières mouvantes, évoluant au gré des implantations, le pays hébreu se prête particulièrement bien à l’exercice. De plus, la diversité des populations qui cohabitent à l’intérieur de ses frontières en fait un objet d’étude passionnant. Juifs, Arabes, Druzes y côtoient d’autres minorités, dans un agencement de l’espace souvent stratégique. Les cartes proposées dans cet atlas permettent de visualiser les zones où ces populations se concentrent, ainsi que les endroits dits de tension. Elles se complètent d’infographies utiles à l’objectivation des grands enjeux historiques et contemporains du pays.
Les auteurs ne s’en cachent pas : ils entendent faire de la représentation cartographique le pivot de la réflexion et de la juste appréhension d’Israël. Bâti en 1948 sur le territoire de la Palestine, qui connut une domination ottomane puis britannique, l’État hébreu a été confronté, à peine son indépendance proclamée, à l’hostilité de cinq armées arabes coalisées, avant de vivre deux guerres importantes en 1967 et en 1973. La première a abouti à la redéfinition de son territoire et de son espace stratégique, tandis que la seconde, concomitante avec le choc pétrolier, a remis en question, pour la première fois, l’existence même du pays : prisonniers, ponts aériens et gabegies militaires en ont constitué l’une des principales dimensions. C’est à l’aide de cartes didactiques, commentées avec clarté, que les auteurs en expriment les faits et les effets.
L’atlas anticipe cependant la création de l’État d’Israël, puisqu’il revient sur les premiers textes sionistes et l’exacerbation nationaliste et antisémite en Europe qui poussa les Juifs, au tournant du XXe siècle, à envisager un retour à Sion, sur leurs terres ancestrales. À la suite de l’assassinat du tsar Alexandre II en mars 1881, deux vagues de pogroms s’abattent sur le judaïsme russo-polonais ; des milliers de juifs sont tués, pillés ou battus, et l’immigration vers l’Occident s’accélère de façon exponentielle (en particulier vers les États-Unis). Dans le même temps, plusieurs milliers de jeunes Juifs rejoignent Israël et cherchent à y forger un homme juif nouveau. Cette première aliyah date de 1881-1882, se compose d’intellectuels russes et possède un caractère préfigurateur certain. La suite se constitue des plans Peel et onusien, de la déclaration Balfour et d’une série ininterrompue de conflits, dont certains impliqueront des organisations plus que des nations souveraines, dont le Hezbollah ou le Hamas.
L’atlas revient abondamment sur les questions démographiques, hydrauliques et territoriales. Faisant état d’un effondrement rapide du taux de fécondité des citoyennes arabes, les auteurs avancent que les positions démographiques devraient se rapprocher et se stabiliser. Ils rappellent la part due à la croissance naturelle et à l’immigration à travers le temps. Israël étant dépourvu de grands fleuves et n’ayant pas de pluviométrie abondante, l’eau y demeure un enjeu majeur. Pour atténuer le stress hydrique, au-delà d’une coopération avec des voisins plus favorisés, les autorités recherchent des apports supplémentaires tels que le cheminement maritime ou par pipeline ou le dessalement d’eau de mer. Il est à noter que la consommation d’eau y est importante et en croissance. Les enjeux territoriaux se posent quant à eux partout : dans la capitale, Jérusalem, divisée ; au Golan, bassin hydro-stratégique et sentinelle précieuse ; dans la bande sablonneuse littorale de Gaza, surpeuplée ; en Cisjordanie, où une présence de confinement, de dislocation et de contrôle est actée.
Sans les épuiser – une gageure –, les auteurs passent en revue de nombreux sujets caractéristiques d’Israël. Si certains étaient attendus – les négociations échouées d’Oslo ou de Camp David, le commerce avec l’Occident ou les hautes technologies par exemple –, leur mise en perspective n’en est pas moins passionnante. C’est ainsi que la tradition scientifique du Yishouv est réaffirmée et que l’immigration en provenance d’Allemagne et d’ex-URSS est scrutée sous l’angle du savoir, des médecins aux ingénieurs en passant par les chercheurs. D’autres éléments, plus rarement commentés, figurent également en bonne place dans l’ouvrage. On pense notamment au dispositif de séparation visant à empêcher les kamikazes de pénétrer en territoire israélien depuis la Cisjordanie. Son tracé est long de 730 kilomètres, avec des barrières électroniques en zones rurales et des barrières renforcées d’une paroi murale en béton en zones urbaines. Le bilan est sans appel, puisqu’entre 2002 et 2022, le nombre de victimes d’attentats kamikazes sur le sol national est tombé de 451 à 0.
Le profane y trouvera de quoi s’initier à une réalité socioculturelle, géopolitique et territoriale complexe. Le lecteur averti relèvera quelques points nouveaux et bénéficiera d’un tableau d’ensemble permettant de mettre en miroir les faits les uns avec les autres.
Atlas géopolitique d’Israël, Frédéric Encel
Autrement, mars 2023, 96 pages