Apprendre-a-resister-critique-livre

« Apprendre à résister » : contre les biais cognitifs

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Enseignant-chercheur et psychologue français, Olivier Houdé publie Apprendre à résister aux éditions Flammarion, dans la collection « Champs essais ». Il s’y penche sur les apprentissages, notamment durant l’enfance, ainsi que sur les biais cognitifs rencontrés tout au long de la vie.

Pour Olivier Houdé, la complexité de nos systèmes cognitifs ne fait aucun doute. Dotés de quelque 86 milliards de neurones, nos cerveaux se distinguent aussi par trois systèmes œuvrant de concert, l’heuristique basé sur la spontanéité et les expériences passées, l’algorithme exact qui rationalise et examine les informations et le cortex préfrontal, censé arbitrer les dissonances engendrées par les deux premiers cités. S’opposant au modèle conceptuel de Jean Piaget, jugé incomplet, mais aussi à celui de Daniel Kahneman, insatisfaisant, Olivier Houdé postule qu’il faut s’exercer pour apprendre à inhiber nos pensées erronées, et s’inscrit à l’encontre des modèles dits en escalier (par grades d’acquis). Les éléments neuro-cognitifs mis en lumière par l’imagerie cérébrale et les nouvelles technologies (TEP, IRM fonctionnelle, EEG à haute densité…) apportent de l’eau à son moulin.

L’observation des réactions visuelles à des événements impossibles ou inattendus tend à démontrer que le bébé, dès ses premiers mois, possède un noyau dur de connaissances sur les contacts, l’unité et la permanence de l’objet, ainsi que sur les phénomènes de continuité. Olivier Houdé y ajoute volontiers les schémas statistiques. Les recherches les plus récentes épinglent en effet les limites du modèle de Piaget. Elles font aussi dire à l’auteur qu’il faut lutter contre ses idées préprogrammées, à l’exemple de l’erreur A-non-B, ou à l’heuristique longueur = nombre, voire aux biais relatifs aux inclusions/catégorisations, ou de représentation. Apprendre à résister s’appréhende ainsi comme un voyage au tréfonds de nos systèmes cognitifs, à la rencontre de l’amorçage négatif ou de l’heuristique de croyance (si la conclusion est crédible, on l’accepte sans examen, mais si elle ne l’est pas, on cherche à vérifier qu’elle découle bien des prémisses…). L’ouvrage, très intéressant, se conclut par une longue interview qui en résume certains points.

Si l’évocation des biais cognitifs est loin d’être exhaustive (la bande dessinée L’Esprit critique couvre par exemple un spectre bien plus large), Apprendre à résister verbalise avec succès, et force exemples, la manière dont notre esprit peut se retourner contre nous-mêmes, en cédant à la facilité et aux intuitions. Le « système 3 », c’est-à-dire le cortex préfrontal, y apparaît comme un garant du cartésianisme (ou, plus prosaïquement, de la déduction logique et factuelle). C’est en papillonnant avec érudition autour de lui qu’Olivier Houdé charpente son essai.

Apprendre à résister, Olivier Houdé
Flammarion/Champs essais, mars 2022, 144 pages

Note des lecteurs0 Note
3
Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray