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The Rover de David Michôd : Critique du film

The Rover : Un western post-apocalyptique teinté d’une douce ironie

En 2010, sortait Animal Kingdom, premier film de l’australien David Michod, œuvre noire et cynique explorant le quotidien d’une famille de criminel dans les bas-fonds de Melbourne. Très justement récompensé au Festival de Sundance et aux Australian Institute Films Awards (Oscar australien), ce film avait séduit la critique tant par sa dextérité à introduire les notions de la famille et de noirceur dans un thriller que par sa contribution à la renaissance du cinéma australien, déjà initiée par John Hillcoat, réalisateur des films La Route et Des Hommes Sans Loi.

Très vite propulsé au rang de réalisateur à suivre, Michod aura pourtant pris son temps avant de présenter sa nouvelle réalisation, sur la Croisette qui plus est, avec The Rover, décrit par Thierry Frémaud, directeur général du Festival de Cannes comme un « western post-apocalyptique teinté d’une douce ironie ».

Une phrase étrange pour un mélange somme toute étrange, mais qui correspond avec précision a l’épopée a laquelle doit s’adonner le personnage principal du film, Eric, interprété par Guy Pearce (Memento ; Iron Man 3) qui évoluant dans une Australie en ruine, se voit voler sa seule possession : sa voiture ! Devant former un fragile tandem avec le frère du braqueur de ladite voiture, celui-ci va entamer un long périple pour la récupérer, périple qui sera empli de violence, de vengeance et d’obsession, dans une Australie agonisante et désespérée, et agissant comme la dernière frontière avant le néant !

Une Australie en lambeaux, des personnes se donnant justice eux-mêmes, des institutions qui se désagrègent et une contrée inhospitalière rongée par le soleil et la corruption : autant d’éléments qui rappellent la mythique saga de George Miller, Mad Max. Saga ayant lancé la carrière internationale de Mel Gibson, tout en donnant au monde un autre visage du cinéma australien, elle jouit encore aujourd’hui d’un statut inégalé dans le paysage cinématographique tant elle avait su montrer à l’époque, le tout avec un minimum de moyen, le reflet presque plausible d’un monde déshumanisé, en proie aux chimères héritées d’une crise économique, ayant instauré la loi du plus fort comme seul mode de vie.

Et pourtant, bien que l’influence madmaxienne reste forte, Michod préfère s’en affranchir en livrant un film à l’identité aussi bien visuelle que scénaristique affirmée. Cultivant ainsi la différence sur de nombreux aspects de son long-métrage, Michod opte alors pour un resserrement de son intrigue, préférant s’attarder sur l’évolution de ses personnages au sein de cet univers asphyxiant plutôt que de dresser un constat alarmiste sur le sort de la population entredéchirée entre sa volonté de survivre et sa volonté de s’en référer aux institutions vacillantes.

Et en opérant de la sorte, Michod surprend car le manichéisme régnant sur Mad Max se retrouve ainsi effacé au profit d’un désespoir et d’une animalité ambiante nourrissant tous ses personnages et notamment la bande de braqueurs, poursuivie sans relâche par Eric.

Désespérée, la population l’est mais Michod, préférant voir ce désespoir dans les yeux et les actes des personnages qui sont au cœur de son récit, opte pour une réalisation épousant ce tandem disparate. Un tandem qui renvoie efficacement à la notion de western qu’on attribue au film tant cette équipe forcée peut s’apparenter à celle du Bon, la Brute et le Truand !

Un choix certes surprenant mais pas tant que ça en fin de compte. Guy Pearce, comme Clint Eastwood dans le film de Sergio Leone, est un personnage, qui de par son magnétisme, suscite la sympathie du spectateur. Il est le leader, l’homme empli de volonté, d’obsession et d’acharnement pour récupérer son bien. Il est l’homme qui va devoir être contraint de compter sur le truand, joué par Robert Pattinson, sorte de simple d’esprit lâchement abandonné par son frère et qui est son seul espoir de retrouver la voiture !

Et comme dans le film de Leone, une certaine alchimie nait entre eux et forme ainsi un mélange intéressant. Car Guy Pearce, aveuglé par le désir de vengeance qui le consume, apparait comme une enveloppe corporelle dénuée d’âme, un homme qui tente tant bien que mal de survivre dans un monde ayant abandonné sa raison de vivre et ne fait que survivre. Un homme qui connaissant le monde dans lequel il évolue, peut se permettre d’adopter un tel comportement, comportement allant de la froideur extrême, a la fureur vengeresse en passant, mais dans des proportions moindres, par la pitié !

Une pitié qu’il entretient avec Rey, le frère simple d’esprit et lâchement abandonné par le voleur de la fameuse voiture. Campé par Robert Pattinson, qui après avoir enchainé les tournages avec Werner Herzog, Olivier Assayas, David Cronenberg et David Michod, peut se targuer d’avoir effacé l’étiquette Twilight, son personnage illustre la faiblesse d’une partie de la population, qui ignorante des instituions jadis existantes, peut afficher un comportement idiot, presque ignorant  et malgré tout une certaine stature crainte par beaucoup. Une stature qui n’impressionne nullement Eric, qui par plusieurs moments, transformera cette relation obligée en relation amicale.

Et au milieu du bush australien ou se rejoignent routes sinueuses, habitants dangereux et soleil accablant, le ton du film est lui aussi une surprise. A l’instar d’un Drive de Nicolas Winding Refn, le film malgré sa violence omniprésente et son ton sec et épuré, est très doux ! Un paradoxe obtenu grâce à un montage qui, non soucieux de coller au ton sec et rapide de Mad Max, préfère se concentrer sur la longueur du voyage et sur la déchéance d’un monde en pleine implosion.

Résultat, le montage, loin des délires steam-punk baroque de George Miller, est quasi onirique ! Un onirisme, qui doublée de plans atmosphériques et totalement maitrisées, rendent le voyage presque agréable, et loin de l’animalité exposée au grand jour par les protagonistes.

Une animalité et une fureur déployée jusqu’à une scène finale saisissante tant cette dernière en plus de clore ce trip rude et crasseux, est surprenante, révélant ainsi la réelle motivation se cachant sous la détermination et l’acharnement sans borne dont fait preuve Guy Pearce pour récupérer son bien !

Ainsi The Rover, fortement attendu au tournant et sélectionné à très juste titre en Sélection Officielle du dernier Festival de Cannes, comble toutes les attentes légitimement placées sur David Michod et laisse place à une longue attente pour son prochain film, déjà annoncé comme le récit d’un général américain basé en Afghanistan, campé à l’écran par le très beau et charismatique Brad Pitt.

Synopsis : Après l’effondrement de l’économie occidentale, l’Australie est devenue un véritable far-west où règne la loi du plus fort. Désespérée, la population est prête à tout pour survivre, même à tuer.  Les mines sont la seule industrie qui subsiste et la criminalité est galopante. Alors qu’il boit un verre dans un bar, Eric, un vagabond qui a tout perdu, se fait voler sa voiture par trois braqueurs de banque qui ont raté leur coup. Pour retrouver le gang qui lui a volé sa voiture, sa seule et unique possession, Eric, assoiffé de vengeance, est contraint de faire équipe avec Rey, le frère grièvement blessé du chef,  un simple d’esprit lâchement abandonné par les siens.

Ce film est présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2014.

Fiche Technique : The Rover

États-Unis, Australie – 2014
Réalisation: David Michôd
Interprétation: Guy Pearce (Eric), Robert Pattinson (Rey), Scoot McNairy (Henry), David Field (Archie), Anthony Hayes (Soldat 1), Gillian Jones (Grand-Mère), Susan Prior (Dorothy Peeples), Nash Edgerton (Soldat)…
Date de sortie: 4 juin 2014
Durée: 1h42
Genre: Drame
Scénario: David Michôd, Joel Edgerton
Image: Natasha Braier
Décor: Josephine Ford
Costume: Cappi Ireland
Montage: Peter Sciberras
Musique: Sam Petty, Anthony Partos
Producteur: Liz Watts, David Linde, David Michôd
Production: Porchlight Films, Lava Bear, Screen Australia
Distributeur: Metropolitan FilmExport

 

Rédacteur LeMagduCiné