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Burning : le thriller poétique de Lee Chang-dong s’embrase en DVD/Blu-ray

Ariane Laure Redacteur LeMagduCiné

Après avoir enflammé la croisette lors du dernier festival de Cannes, Burning sort enfin en DVD/Blu-ray ce 5 février. Le film de Lee Chang-dong, adapté de la nouvelle Les Granges brûlées de Haruki Murakami, mêle satire sociale et drame amoureux dans un thriller envoûtant, dont la temporalité presque suspendue fige toute la beauté. Retour sur une oeuvre fascinante, à voir comme à redécouvrir.

Dans le sublime Poetry, Lee Chang-Dong racontait l’histoire d’une grand-mère âgée d’une soixantaine d’années, atteinte d’Alzheimer et se lançant dans l’art de la poésie. Si cette poésie ne constitue plus le cœur thématique de Burning, le réalisateur la distille habilement dans un thriller dramatique, aux ressorts proches d’une véritable tragédie grecque. La lenteur volontaire du premier acte, la longueur de plans fixes et de pures scènes contemplatives, dans lesquelles la jeune Haemi se livre à la pantomime ou à la danse africaine, laissent progressivement place à un développement angoissant, puis à une fin poignante quasiment annoncée.

Centrée sur les relations complexes nouées entre trois personnages, l’intrigue se déploie au fil de plus en plus tumultueux de leurs rencontres. Elle croise les destins de Jongsu, un jeune homme solitaire découvrant le désir amoureux, Haemi, une de ses anciennes camarades de classe qu’il retrouve par hasard, et Ben, un séducteur aussi riche qu’indéchiffrable. Si le thème du triangle amoureux a déjà été traité à maintes reprises à l’écran, il acquiert dans la nouvelle de Murakami et a fortiori dans Burning une dimension rarement égalée, entre passion amoureuse, fantasmes, pulsions et folie.

Lee Chang-dong dépeint dans son œuvre une société coréenne divisée, souffrant d’une fracture sociale entre la classe des riches et celle des laissés-pour-compte. Haemi, animatrice d’événements commerciaux, et Jongsu, fermier et livreur à mi-temps, peinent tous deux à gagner leur vie. Ils rêvent d’exercer des métiers, actrice et écrivain, totalement inaccessibles à leurs propres conditions, et logent respectivement dans un petit studio et une ferme presque à l’abandon. A leur opposé, Ben possède voiture et appartement de luxe, sans que l’on sache très précisément de quelle activité provient sa fortune. La rencontre de ces deux strates sociales n’est rendue possible que par le hasard, Haemi revenant avec Ben après son voyage en Afrique, et ne peut aboutir que par la poursuite réciproque de désirs cachés.

Lee Chang-dong utilise cette approche sociétale pour nouer un thriller bien ficelé, minimaliste mais prenant, dont l’ambiguïté surgit des silences, des non-dits et des métaphores. Tandis que l’on tente de saisir les protagonistes, le mystère s’épaissit. Si le réalisateur donne suffisamment d’indices pour s’assurer que le spectateur découvre l’abominable vérité ainsi que la nature des serres brûlées, il laisse planer le doute sur les émotions et les motivations de Haemi. Aimait-elle Jongsu ou Ben ? Recherchait-elle l’amour ou la garantie d’une vie confortable et luxueuse ? Ben demeure également assez énigmatique, entre ses expressions impassibles et ses propos souvent empreints d’un double sens rempli d’obscurité. C’est finalement à Jongsu, le personnage le plus humain et compréhensible, auquel on s’identifie. Grâce à ces individus impénétrables, aux émotions exacerbées, le suspense se maintient, la tension s’accroît jusqu’au final haletant.

En dehors du film, on regrette que cette édition DVD/Blu-ray ne propose pas à son public le moindre bonus excepté la bande-annonce. La richesse de Burning aurait pourtant mérité bien des analyses approfondies, tant du point de vue sociétal que littéraire et cinématographique. L’ajout d’un making-of, ou d’une simple interview de Lee Chang-dong, aurait sans doute permis d’apporter un éclairage sur ce film singulier et magnétique. Burning conserve ainsi tous les mystères de sa création et de sa symbolique, que chacun reste libre d’interpréter. Œuvre poétique par excellence, il faut croire que Burning ne s’explique pas, mais se ressent et se contemple comme le feu qu’il allume devant nos yeux ébahis.

Burning – Bande-annonce :

Caractéristiques du DVD :

Durée du film : 144 min
Durée totale : 146 min
Langue : coréen
Sous-titres : français
Image : 16:9 compatible 4/3
Son : Dolby Digital 5.1

Redacteur LeMagduCiné