Rétrospective Films de Noël : Krampus de Michael Dougherty

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Dans la vie comme au cinéma, les fêtes de noël ne se déroulent pas toujours dans la joie, les cadeaux et le chocolat chaud en famille. Pour certains, la veillée du 24 décembre se passe dans les hurlements et la terreur.

C’est le cas pour les protagonistes de Krampus, réalisé en 2015 par Michael Dougherty. Dès la séquence d’introduction, le film commence par le sarcasme et l’ironie, avec des plans montrant une foule se ruer et se battre dans un magasin au cours de la fameuse course aux jouets de décembre, ou encore les visages déconfits de parents aux caisses dudit magasin à l’annonce du prix de leurs achats. Krampus se présente ainsi comme le film de noël pour le public qui en a marre des films de noël classiques de M6 et qui voit d’un œil moqueur ou critique la saison des fêtes. La figure paternelle et bénéfique du Père-Noël se voit d’ailleurs remplacée ici par Krampus, figure à mi-chemin entre un bouc et un démon du folklore européen. Selon la tradition, ce monstre est censé punir les enfants pas sages – une espèce de Père Fouettard cauchemardesque sous stéroïdes en somme. Mais le film cherche-il vraiment à moquer la fête de noël et son univers ? Ou au contraire, le film s’ancre-il plutôt comme un hommage à la fête de noël et à ses règles, tout comme le même réalisateur l’avait fait pour la fête de Halloween dans son Trick’R’Treat de 2007 ?

La première partie du film semble prouver la première hypothèse, en nous présentant le contexte classique de toutes comédie M6 ringarde de noël : une famille typique de notre époque avec Tom (joué par Adam Scott), le père un peu trop absent, Sarah (Toni Collette), la mère dépassée et exaspérée et leurs deux enfants, Max (Emjay Anthony) et Beth (Stefania LaVie Owen), ado rebelle accro aux video call avec son petit copain, reçoivent tante Linda (Allison Tolman), mère au foyer stéréotypée, et oncle Howard (David Koechner), beauf notoire, accompagnés de leurs 4 enfants et de la vieille et outrageante tante Dorothy. Tout le nécessaire est réuni pour le modèle de la comédie de noël où l’on assiste à diverses prises de bec entre membres d’une famille avant de les voir se réconcilier grâce à l’amour et à l’esprit des fêtes. Et c’est le cas, du moins pour la première partie du long-métrage. Un film de noël classique donc, dans le registre de l’importance de la famille et une morale prêchant la bonne entente et la gaieté. Le thème de la famille est ainsi très présent dans les dialogues, comme le classique thème des films de noël qu’il est. Seuls Max et sa grand-mère paternelle Omi restent attachés aux traditions face au reste de la famille. On retrouve ainsi le thème chère à la filmographie de Dougherty qu’est la tradition, de la place qu’on lui laisse dans notre société et du respect ou non qu’on lui doit. C’est en se demandant pourquoi il devrait continuer à entretenir l’esprit de noël avec une famille comme la sienne que le jeune Max invoque Krampus, au cours d’une scène que ne renierait d’ailleurs pas Tim Burton. Et ainsi, alors que l’on aurait pu croire à une énième comédie familiale, le film bascule enfin dans l’Horreur.

« Krampus ne venait pas pour récompenser, mais pour punir. Pas pour donner, mais pour prendre. »

La famille se retrouve alors bloquée par une tempête soudaine dans un huis-clos enneigé qui n’est pas sans rappeler le cultissime The Thing (1982) dans certaines scènes. Une hotte de jouets maléfiques abandonnée sur le seuil de la porte signera le début des réjouissances attendues. Les plus impatients auront pu regretter que Krampus soit assez absent à l’image pour un film qui porte son nom. Il ne s’attaque de plus jamais réellement aux victimes, laissant ses acolytes le faire à sa place. Le regret est d’autant plus grand que le travail effectué sur le costume est assez impressionnant (si l’on oublie sa mâchoire béante – probablement cassée – dans les dernières minutes de film), respectant les attributs du personnages : taille imposante, sabots, cornes, grelots et yeux de bouc. La barbe blanche et le long manteau qui lui sont ajoutés ne servent qu’à faire du Krampus un alter-ego démoniaque du père-noël, renforçant le côté insolent du long-métrage. Mais cela reste un procédé classique du cinéma d’épouvante, permettant de laisser planer une aura de mystère et donc de crainte autour d’un antagoniste. D’autres procédés de l’Horreur s’y retrouvent également, notamment avec le personnage de la grand-mère Omi, jouant le rôle de l’oracle qui essaye de prévenir du danger à venir. Elle est celle qui présente à la famille le monstre qui va les punir, au cours d’une séquence flash-back entièrement réalisée en animation qui vaut le coup d’œil. Krampus est ici celui qui punit en emmenant directement en Enfer ceux qui ne respectent pas les traditions, et apparaît « quand on a perdu tout espoir, quand on a oublié sa foi et que l’esprit de noël n’est plus ».

« Et puis quoi encore ?! »

Dans la troisième partie du film, le comique surpasse à nouveau l’horreur, mais propose cette fois une apothéose burlesque dans la lignée de la série des Evil Dead, et plus particulièrement de Army of Darkness (1992) dans son côté mash-up entre comédie cartoonesque et horreur burlesque. L’oncle Howard campe alors une espèce de Ash Williams parodique, armé bien-sûr d’un boomstick. On a même le droit à une copie de la scène culte des mini-Ash du troisième Evil Dead, remplacés ici par des petits bonhommes de pain d’épices. Les personnages sont alors poussés à bout par les acolytes de Krampus au cours d’attaques jusqu’au-boutistes exutoires. Un exercice assez risqué, car la frontière avec le surjeu et le ridicule est mince. La réalisation prouve ainsi une bonne maîtrise des codes et pratiques du cinéma horrifique, magnifiquement sublimée par une photographie colorée dans le juste : on alterne entre une ambiance assez gothique, froide, à base de blanc – celui de la neige – et de bleu-clair – du blizzard et des fenêtres gelées – caractérisant Krampus et ses acolytes. Et les ambiances chaleureuses et colorées du foyer, de la famille : avec le rouge du pull de noël de Linda et du sang (symbolique bien-sûr, car film de noël oblige, pas question de montrer une seule goutte de sang à l’image) ou le vert du sapin et des décorations. Le tout rehaussé de lumière systématiquement chaude, en provenance d’un feu de bois, de bougies ou du gyrophare d’un chasse-neige à l’abandon.

Si Krampus semble ainsi être le vilain garnement des films de noël, on se rend compte que c’est dans son côté horrifique et burlesque que s’expriment les codes traditionnels du film de saison. Les thèmes du cinéma d’horreur et du film de noël vont ici de pair pour proposer un film respectant les valeurs des fêtes et le fameux esprit de noël. Tout comme il l’avait fait pour Trick’R’Treat en 2007, Dougherty signe avec Krampus une déclaration d’amour à une fête païenne aliénée de son message et de sa nature par les mœurs contemporaines. Mais c’est aussi une comédie d’horreur sarcastique finement réalisée, comme sait très bien le faire le réalisateur. L’horreur agît ici sur ceux qui ont abandonné l’esprit de noël et ne respectent pas les codes de cette fête. Et force est de constater que ce n’est pas la première fois que le cinéma horrifique s’essaye à cette fusion improbable entre l’univers bon-enfant et joyeux de noël et l’ambiance plus malsaine et inquiétante de ses codes : déjà en 1984 avec Gremlins, 10 ans avant avec Black Christmas (1974) ou encore en 2009 avec The Children.


Fiche technique – Krampus

Titre : Krampus
Réalisation : Michael Dougherty
Scénario : Todd Casey, Zach Shields, Michael Dougherty
Direction artistique : Jules O’Loughlin
Montage : John Axelrad
Musique : Douglas Pipes
Production : Thomas Tull, Jon Jashni, Alex Garcia, Michael Dougherty
Sociétés de production : Legendary Pictures, Zam Pictures
Société de distribution : Universal Pictures
Budget : 15 millions de dollars
Pays d’origine : États-Unis
Format : couleur – 2.35 : 1 – Dolby Digital
Genre : comédie, horreur, fantastique
Durée : 98 minutes
Dates de sortie : États-Unis : 4 décembre 2015 ; France : 4 mai 2016

États-Unis – 2015

Auteur : Jeap Horckman