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Rétrospective Clint Eastwood : Pale Rider/L’Homme des Hautes Plaines

Depuis toujours associé au western, Clint Eastwood ne s’est pourtant frotter au genre que quatre fois au long de sa gigantesque carrière. En inscrivant ses films dans un héritage leonien, il leur donne une teinte des plus crépusculaires où la vengeance est le moteur principal. Avec L’Homme des Hautes Plaines et Pale Rider, il convoque même le fantastique. L’occasion de revenir sur ces deux chefs-d’œuvre au travers de leur approche très symbolique du mythe de l’homme sans nom.

Si l’on demande à quelqu’un ce que lui évoque le nom de Clint Eastwood, il y a fort à parier qu’on nous réponde « Western ». Malgré sa très grande carrière en tant que cinéaste, l’image du cowboy charismatique reste scotchée à ce cher Clint. Une aura qu’il s’est forgé surtout en participant à la fameuse trilogie du dollar de Sergio Leone. Trois chefs-d’œuvre du genre dans lesquels il aura joué ce rôle de l’homme sans nom, un pistolero mystérieux. Bien que Clint Eastwood ait navigué au grès des styles au cours de sa carrière en tant que réalisateur, allant du film policier au drame, le western ne l’a jamais vraiment quitté. Il en réalisera même quatre au long de sa fructueuse carrière dont un qui lui vaudra l’oscar, Impitoyable. Parmi ces quatre films, deux sont particulièrement marquants et s’inscrivent à la perfection dans un héritage leonien de la part d’Eastwood.

Le premier est L’Homme des Hautes Plaines, deuxième réalisation de l’américain sortie au début des années 70. Pour sa première incursion en tant que metteur en scène dans le western, Eastwood ne s’inspire pas des grands classiques de John Ford ou Howard Hawks. Il préfère le côté crépusculaire des westerns de la fin des années 60, exprimant le déclin d’un genre fétiche de l’industrie hollywoodienne. Il trace sa route dans le sillon de ses mentors Sergio Leone et Don Siegel, donnant naissance à une œuvre très sombre ou le thème de la vengeance prédomine. Une thématique qu’il n’aura pas fini d’exploiter au cours de sa carrière. L’Homme des Hautes Plaines reprend également ce mythe de l’homme sans nom auquel Eastwood donne à nouveau ses traits. Le film situe l’action dans la ville de Lago, qui se trouve sous le joug d’une bande de malfrats. Un étranger tout de noir vêtu va débarquer un matin et prendre les choses en main.

Une dizaine d’année après, au milieu des années 80, période sombre pour le western, Eastwood marque à nouveau un grand coup avec Pale Rider, le cavalier solitaire. Dans ce nouvel essai, Eastwood reprend un schéma d’intrigue semblable à L’Homme des Hautes Plaines. L’acteur/réalisateur s’offre à nouveau le premier rôle, celui d’un pasteur énigmatique dont le nom ne sera à aucun moment évoqué. Ce pasteur fait la rencontre d’une bande de chercheurs d’or à Carbon Canyon, se faisant harceler à répétition par les hommes de main d’un riche propriétaire minier. Encore une fois l’arrivée du pasteur semble providentielle, motivant les troupes à se dresser face à la menace. Comme pour son personnage d’Étranger, Eastwood enrobe le personnage du pasteur d’une aura mystérieuse et d’un passé aux allures troubles.

Les similitudes entre les deux protagonistes sont nombreuses, bien que leur motivation ne soient pas les mêmes. L’Étranger fait preuve d’une volonté plus vengeresse et surtout plus personnelle. Apparaissant dans un premier temps comme un sauveur, il va se jouer des habitants de la ville de Lago, quitte à les humilier. Il nomme même le nain et bouc émissaire du village, shérif. De son côté le pasteur cherche plutôt à rétablir une justice, tout en se vengeant d’un shérif accompagné de ses sbires. Dans Pale Rider, Eastwood délivre également un message écologique, le pasteur cherchant à éliminer l’exploitation minière causant des ravages à la nature. D’un côté nous retrouvons alors un homme tout de noir vêtu aux allures vindicatives et de l’autre un homme chevauchant un cheval pâle cherchant à restaurer un certain équilibre, quitte à faire justice lui-même.

Ce qui relie grandement les deux œuvres, c’est la symbolique et le mysticisme que déploie Clint Eastwood. Loin d’être des westerns classiques comme Josey Wales, L’Hommes des Hautes Plaines et Pale Rider peuvent à certains moments être assimilés au genre fantastique. La personnification du surnaturel se fait au travers de l’Étranger et du pasteur. Si elle reste assez subtile en ce qui concerne l’Étranger, celle du pasteur est évoquée dès sa première apparition à Carbon Canyon. La jeune Megan est en effet en train de lire le passage de la Bible évoquant les quatre chevaliers de l’Apocalypse, et notamment le dernier chevauchant un cheval blanc et répondant au nom de La Mort accompagné de l’Enfer. Un message prémonitoire qui annonce dès les premières minutes du film son issue dans le feu et le sang. Tout au long du film, Eastwood va alors jouer avec cette dimension religieuse du personnage. Comme un être fantomatique, ses apparitions vont se faire de façon abrupte, tout comme ses disparitions. En témoigne cet affrontement final face au shérif et ses 6 sbires, le nombre 7 ayant également une forte connotation biblique. Un duel pour le moins iconoclaste où tel un esprit frappeur, le pasteur va se débarrasser un à un de ses ennemis. Quelques paroles prononcées par les autres personnages, et notamment le shérif Stockburn faisant référence à la personne morte, suffisent à définitivement lever le doute quant à la nature sépulcrale du pasteur.

Si la mort personnifiée par le pasteur offre une justice pour la troupe des chercheurs d’or, celle que répand l’Étranger est bien plus ténébreuse. Contrebalançant avec le blanc, l’homme en noir va semer le chaos pur et simple dans la bourgade de Lago. Au fur et à mesure, on découvre que sa motivation est de venger l’ancien marshal de la ville qui a été fouetté à mort par les brigands sous les yeux du village tout entier, sans que quiconque ne soit intervenu. Ce n’est donc pas seulement les brigands qui vont subir le châtiment de l’Étranger mais la population tout entière qui va être jugée pour sa lâcheté. L’image marquante de ce film est bien évidemment celle de Lago repeinte entièrement en rouge avec « Hell » inscrit de manière funeste sur le panneau de la ville. C’est bien en enfer que va nous plonger Clint Eastwood lors d’un affrontement final au milieu des flammes où la silhouette sombre de l’Étranger apparaît et disparaît sous une musique des plus sinistres. Là encore la dimension biblique est forte, le duel final ayant des allures de jugement dernier. Alors que comme dans Pale Rider, les « qui êtes vous ? » ne trouvent aucune réponse, la sublime séquence de fin répond à cette question de la manière la plus parfaite qui soit. L’esprit vengeur y trouve ici son incarnation la plus marquante. À la manière de ces deux protagonistes, Clint Eastwood offre au western une aura fantomatique, comme un étranger dans un paysage qui n’est plus le sien, alors que le genre est en perdition. Tel un revenant, il vient asséner deux coups marquants pour y laisser finalement une trace indélébile.

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Fiches techniques :

Pale Rider 

Réalisation : Clint Eastwood
Scénario :  Michael Butler et Dennis Shryack
Interprétation : Clint Eastwood, Michael Moriarty, Carrie Snodgress, Chris Penn, Sydney Penny, John Russell
Image: Bruce Surtees
Production : Clint Eastwood
Société de production: The Malpaso Company
Distributeur: Warner Bros Pictures
Durée : 1H51
Genre : western
Date de sortie : 14 août 1985

L’Homme des Hautes Plaines 

Réalisation : Clint Eastwood
Scénario :  Ernest Tidyman et Dean Riesner
Interprétation : Clint Eastwood, Billy Curtis,Mitchell Ryan, Ted Hartley, Verna Bloom
Image: Bruce Surtees
Production : Robert Daley
Société de production: The Malpaso Company
Distributeur: Universal Pictures
Durée : 1H45
Genre : western
Date de sortie : 23 août 1973