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Les plus belles palmes d’or : Paris, Texas de Wim Wenders

A l’occasion du Festival de Cannes 2019, LeMagduCiné revient sur les plus belles Palmes d’or qui ont marqué nos rédacteurs. Retour sur la Palme d’or de 1984, Paris, Texas de Wim Wenders, un film qui fait partie de ces chef-d’œuvres du cinéma qui semblent impossibles à décrire.

Synopsis : Après quatre ans d’absence, Travis est retrouvé au milieu du désert, visiblement amnésique et muet. Il est récupéré par son frère (Dean Stockwell), qui avait déjà recueilli et élevé Hunter, le fils de Travis. Sans donner d’explications sur sa disparition, Travis tente de renouer avec son fils et réunir sa famille. Ensemble, ils décident de retrouver la mère de Travis, Jane (Nastassja Kinski), qui travaille dans un peep-show à Houston.

C’est un road trip unique et émouvant. C’est l’histoire de Travis en quête d’amour et d’identité perdue. C’est 2h30 d’émotions pures et brutes. C’est un puzzle de photos de paysages vides et incroyables. Mais même si ce film est tout ça à la fois, pour l’aborder en son cœur, il faut s’accrocher à des images et des émotions poignantes.

Travis, le funambule à la recherche du temps perdu

Première image de Travis: la casquette rouge, la barbe hirsute, le regard perdu vers l’horizon. Harry Stanton n’est ni beau, ni jeune. Il fait même plutôt peur tel un revenant. Il ne fait qu’avancer dans ce désert des Tartares, en quête d’un peu d’eau. Amnésique et muet, il est recueilli par un drôle de docteur germanophone qui retrouve le contact de son frère.

Commence pour Travis cette redécouverte de l’homme qu’il fut : un père, un frère, un mari, qui a fui mais qui retourne au bercail. Le membre d’une famille éclatée, qu’il tente de reconstituer en même temps que sa mémoire.

Amour tragique : les retrouvailles d’un père et son fils

La plus belle scène du film reste pour moi celle de la reconnaissance de Travis dans son rôle de père (extrait ci dessous).

« Un père ça ressemble à quoi ? » demande Travis a la femme de ménage alors qu’il se choisit une tenue pour aller chercher son fils à l’école.

Chapeau haut et costume beige assortis pour ressembler à un magnat texan des affaires. Le père et le fils s’amusent à un jeu de miroir sur deux trottoirs, avant de remonter ensemble sur la même route vers leur maison. C’est à partir de cette scène qu’une réelle communication émerge naturellement entre eux. Et les deux partent à la conquête de la mère.

Photographies de l’Amérique : déserts arides et routes sans fins

Tout du long, le film nous fait voyager et découvrir le Texas authentique, fait de routes, de déserts et de lignes d’horizons. Ensemble, le père et le fils fuient Los Angeles en route vers Houston, faire face à leur passé et tenter de reconstituer leur famille détruite.

Alors, le film prend la forme d’un road movie fait de paysages de nuit, de néons de motels, de gyrophares et de lumières lointaines. Ces photographies mettent en pause le rythme, et hypnotisent jusqu’à s’imprimer sur la rétine du spectateur.

La femme surcadrée : Jane et son pull rose mohair

Devenue l’affiche de la ressortie du film, l’image de Natassja Kinski et son pull rose mohair est devenue symbolique.

Jane est une femme au visage de poupée qui est toujours vu « au travers de ». En premier à travers des images de Super 8 – des souvenirs du passé montés sur des images animées qui la rende encore plus irréelle. « Ce n’est pas elle… Ce n’est qu’elle dans un film » dira Hunter, son fils, lui-même conscient que sa mère telle qu’elle est dans le film a disparu.

Quand on la retrouve à son travail de peep-show, elle demeure dans sa position de femme enfermée dans le cadre, vue à travers une vitre teintée. On assiste avec émotions à d’étranges retrouvailles entre un mari et sa femme. Travis qui ne parle pas, et Jane qui ne le voit pas. Elle se retrouve face à sa propre réflexion, dans un long monologue, jusqu’à ce que la jalousie de Travis le pousse à devenir mesquin.

C’est finalement, sans se voir, toujours « à travers » le dispositif du téléphone et de la vitre teinté que Travis raconte à Jane…

…l’histoire de leur rencontre, leur coup de foudre et ce qui les a rendus heureux. Puis ce qui les a séparés, les disputes et les non-dits. Ce qui les a poussés à se détruire jusqu’à ce que chacun décide de s’enfuir pour retourner vers une forme de liberté. Jane explique l’abandon de son fils.

« Je n’avais pas ce dont il avait besoin. Je ne voulais pas l’utiliser pour combler mon vide »

Mais leur histoire d’amour est déjà terminée. Plus jamais ils ne pourront se réunir. Même le cadre refuse de les réunir. Ce sont finalement des retrouvailles à l’issue tragique. Même s’il n’y a pas de happy end traditionnel, les trois personnages sont moins seuls qu’au début. Ils ont chacun retrouvé au moins une part d’eux-mêmes et cessent de fuir.

Paris, Texas est plus qu’une palme d’or mais un chefs d’oeuvre du cinéma par ses thématiques, son esthétique et la performance de ces acteurs. Le film qui aura aussi révéler le génie de Wim Wenders, qui est devenu dès lors, un habitué de la croisette.

Venez découvrir d’autres Palme d’or qui ont marqué l’esprit de nos rédacteurs…

Paris, Texas – Bande Annonce

Paris, Texas – Fiche technique

Réalisation : Wim Wenders
Scénario : Sam Shepard
Interprétation : Harry Dean Stanton (Travis Henderson), Nastassja Kinski (Jane Henderson), Dean Stockwell (Walt Henderson), Aurore Clément (Anne Henderson), Hunter Carson (Hunter Henderson), Bernhard Wicki (Doctor Ulmer)
Photographie : Robby Müller
Décors : Anne Kuljian
Costumes : Birgitta Bjerke
Montage : Peter Przygodda
Musique : Ry Cooder
Producteurs : Anatole Dauman, Pascale Dauman, Don Guest, Chris Sievernich
Production : Road Movies Filmproduktion, Argos Films, Westdeutscher Rundfunk, Channel Four Films, Pro-ject Filmproduktion, Wim Wenders Stiftung
Durée : 145 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 19 Septembre 1984