En 2024, John Woo réinvente The Killer, accompagné par la somptueuse partition musicale de Marco Beltrami. Cette itération explore cette alchimie unique entre musique et narration, décryptant les choix d’orchestration et les motifs récurrents qui jalonnent le parcours de rédemption de Zee. Plongez dans ce voyage sonore et découvrez comment Beltrami insuffle une nouvelle vie à l’univers de John Woo à travers une composition magistrale et inspirée.
The Killer (2024) révèle comment Marco Beltrami façonne une architecture narrative qui entrelace l’isolement, l’introspection et les afflictions internes de Zee. À travers une composition complexe mêlant des solos de saxophone, de trompette, des harmonies orchestrales diversifiées et des progressions de violoncelle, la bande-son devient un élément essentiel de la narration, offrant une fenêtre sur l’univers psychologique du personnage principal. Cette étude explore comment les ambiances auditives façonnées par des solos de trompette solennelle ou des échos feutrés de violoncelle résonnent avec la psyché de Zee, réminiscent des textures sonores électroniques et percussives de François de Roubaix dans Le Samouraï (1967) réalisé par Jean-Pierre Melville. Par des choix instrumentaux tels que des cuivres qui se superposent pour créer une tension croissante, ou des nappes orchestrales qui s’entremêlent en arrière-plan, Beltrami orchestre un paysage sonore où chaque nuance contribue à la profondeur émotionnelle du film. Les techniques d’orchestration utilisées, telles que l’intégration de percussions répétitives dans des moments d’incertitude, servent à marteler le ressenti de Zee. En jouant sur des harmonies mineures descendantes, Beltrami évoque un sentiment de regret et d’abandon, tandis que la réverbération des guitares électriques confère un sentiment d’intensité désespérée. Nietzsche disait que « Sans la musique, la vie serait une erreur » — ici, la musique pulse une partition en clair-obscur, devenant la matrice filmique qui donne vie à l’univers de John Woo.
Techniques d’Orchestration : Un Voyage Musical au Cœur de The Killer
Beltrami nous plonge dès les premières notes dans un univers musical qui rappelle l’étendue infinie des westerns de Morricone, comme dans Le Bon, la Brute et le Truand. La guimbarde, avec son timbre métallique, crée un sentiment de déconnexion affective, évoquant la mélancolie des vastes paysages des tableaux de Caspar David Friedrich, comme un chuchotement lointain des tourments du personnage. Les vibrations de la guimbarde dessinent autour de Zee une frontière invisible, un halo spectral qui matérialise sa distance psychologique. Pourtant, à mesure que les modulations résonnantes et feutrées montent, un murmure parvient à franchir cette limite, réveillant en elle l’écho de liens humains réprimés. Ensemble, ces vagues sonores orchestrent son cheminement intérieur, entre le retrait affectif et l’espoir fragile d’une renaissance. La texture musicale se construit ensuite en ajoutant des nuances de chaleur mélancolique, une ombre mélodique qui accompagne le protagoniste dans chaque scène.
La musique de Beltrami n’est pas seulement interprétée : elle devient un drapé sonore, chaque modulation et chaque silence éveillant les tourments des personnages, reflétant leurs dilemmes et leurs quêtes personnelles. Les mélodies de la trompette et de la guitare électrique surgissent dans des moments d’adrénaline, leur réverbération pulsant comme une énergie brute, une intensité qui immerge et transporte. Les sons ténébreux et voilés murmurent des secrets, une ombre diffuse qui enveloppe le spectateur et laisse derrière elle une empreinte réverbérante, telle une onde persistante bien après que la musique s’est tue.
Certaines séquences où Zee (une redoutable tueuse connue sous le nom de Reine des Morts) est confrontée à elle-même évoquent une froideur clinique et détachée, rappelant l’univers de Chad Stahelski dans John Wick, où la récurrence des motifs sonores et l’élan contrapuntique bâtissent des murs intérieurs, formant un labyrinthe d’où l’esprit peine à s’échapper.
Isolement et Mélancolie : La Guimbarde et le Saxophone dans The Killer
Avec son timbre rauque, les sonorités ténébreuses accompagnent l’errance de Zee à travers des scènes clés, résonnant comme réminiscence lointaine des polars des années 70. Ce timbre rappelle des classiques comme Taxi Driver de Scorsese, où chaque accord résonne comme une confession et chaque silence devient un souffle ténu, lourd de sens.
L’entrelacement des vibrations métalliques et des harmoniques sombres ne traduit pas seulement une tristesse diffuse, mais tisse un dialogue subtil entre deux mondes : celui du repli sur soi et celui de la ville, plongée dans une lumière tamisée d’une nuit sans fin, où chaque personnage semble pris au piège d’un désespoir muet.
Les subtones se métamorphosent en une voix intérieure pour Zee, vibrant comme un écho des souvenirs enfouis et des dilemmes tus. Chaque instrument agit comme un miroir acoustique de son cheminement intérieur. Les résonances métalliques de l’instrument tracent les contours d’une barrière invisible, un rempart tonal érigé pour protéger Zee de la vulnérabilité des attachements humains, de la douleur tapie dans chaque promesse de lien. Mais à mesure que les timbres sombres s’élèvent, ces sonorités semblent pénétrer cette forteresse de solitude, éveillant en elle des pulsations intérieures refoulées et la possibilité d’une connexion. Ainsi, la musique devient pour Zee une carte intime de ses émotions, une langue murmurée que seules les âmes isolées peuvent comprendre. Comme le disait Leonard Bernstein, « la musique peut nommer l’innommable et communiquer l’inconnu »
Leitmotifs et Transformation : Le Sifflement Iconique d’Introuvable et la Rédemption de Zee
Introuvable, co-écrit par Marco Beltrami et la chanteuse violoncelliste Jorane, devient un thème central de la composition de Beltrami dans The Killer, soulignant les moments d’incertitude et de questionnement intérieur de Zee. À chaque étape de sa transformation, ce leitmotiv agit comme une confession musicale. Ce thème est composé autour d’une mélodie descendante en tonalités mineures, souvent portée par des sonorités caverneuses et funèbres, dont les motifs traduisent les regrets et les dilemmes intérieurs de Zee, symbolisant à la fois son aliénation et son désir d’absolution.
À certains instants, la mélodie se pare de superpositions instrumentales où la guimbarde vient ajouter un timbre métallique et détaché, accentuant la fermeture introspective du personnage. Les dissonances graves, présentes lors des périodes de tension, renforcent l’atmosphère suffocante, comme si la musique elle-même hésitait et oscillait entre le regret et l’aspiration à une possible libération. Cette structure thématique, ancrée dans des motifs récurrents, traduit le combat intérieur de Zee tout en marquant chaque avancée vers une éventuelle renaissance, enrichissant la narration par une intensité cathartique persistante et un détachement inéluctable.
Dans The Killer, chaque écho introspectif se fait l’émanation de l’âme du protagoniste, un miroir de ses tourments et de ses aspirations. Le fond tonal, tel un écrin de nuances, ne se contente pas d’accompagner l’histoire : il la narre, offrant au spectateur une immersion totale où chaque silence, chaque cadence, chaque mélodie devient le vecteur d’une émotion, d’un souvenir, d’un rêve suspendu.
The Killer 2024 : Soundtrack
The Killer 2024 : the album track list
1. Zee Awakens (3:01)
2. Candles for the Dead (2:08)
3. Chasing Coco (1:32)
4. Serge’s Last Dance (2:01)
5. Bar Fight (2:13)
6. Tessier’s Shop (0:29)
7. Poison IV (1:08)
8. After Noone (1:50)
9. Not a Plain Heist (1:38)
10. No One’s Whore (1:11)
11. Paris By E-Bike (1:57)
12. Hospital Treatment (2:58)
13. Morgue Shootout (1:38)
14. Zee’s Apartment (2:01)
15. Fork You (1:12)
16. Takeout Stakeout (1:28)
17. Queen of the Dead (1:21)
18. Martini Murder (1:23)
19. Finn’s Ratchet (3:36)
20. Flower Mart (3:40)
21. How’s That for a Chip (2:17)
22. Candles for the Deserved (0:52)
23. Graveyard Shootout (1:16)
24. The Church (1:14)
25. Kick Ass Mass (3:10)
26. Zee’s Reckoning (3:32)
27. Vision Regained (1:25)
28. Sey Goodbye (0:54)
29. Killer Reborn (1:12)
30. Introuvable – Jorane (2:38)
31. Let’s Live for Today – Diana Silvers (2:30)
Explication :
« Récurrence cyclique » : Ce terme désigne la répétition continue de certains motifs musicaux, qui créent une impression de boucle inévitable. Dans le contexte de The Killer et John Wick, cette récurrence évoque la manière dont les personnages semblent piégés dans des cycles répétitifs de violence et d’introspection.
« Élan contrapuntique » : Ce terme fait référence à l’interaction entre différentes lignes musicales qui évoluent de manière indépendante mais se complètent pour créer une tension subtile et complexe. Le contrepoint est une technique où plusieurs voix ou instruments interagissent, apportant une richesse à la composition musicale.
« Subtones » : Le subtone est une technique couramment utilisée par les saxophonistes pour produire un son très doux, sombre, et feutré.
Liste des principaux instruments utilisés dans la musique du film : Musique de Marco Beltrami
- Piano : Andy Massey
- Solo Saxophone : Martin Williams
- Solo Trumpet : Tom Rees-Roberts
- Solo Jazz Bass : Rory Dempsey
- Solo Cello : Tim Gill
- Solo Soprano : Grace Davidson
- Drums : Hayden Beltrami