L’ultime razzia, un film de Stanley Kubrick : critique

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Pour son troisième film, Kubrick creuse la veine du film noir. Nouvelle déclinaison sur les codes du genre, cet opus se concentre sur l’avant, le pendant et l’après braquage, orchestrant un collectif choral d’archétypes : le brutal, le fourbe, la femme fatale, le gentil altruiste, la jolie cruche…

Synopsis: Johnny Clay, récemment sorti de prison, organise un casse pour s’emparer de la caisse d’un champ de course un jour de grande affluence. Avec deux millions de dollars à la clé, les complices ne manquent pas et tous souhaitent la réussite de l’opération. L’opération est un succès, le timing est parfait ; mais c’est sans compter sur l’indiscrétion d’un des complices ainsi que la cupidité et la duplicité de sa femme. Le déclenchement du drame mettra à mal toute cette belle machination…

Engrenages, braquage, carnage

Mais sous le vernis du cahier des charges, Kubrick déploie une nouvelle fois sa maîtrise formelle. Le recours à la voix off d’un narrateur externe donne le ton d’un spectacle avec lequel on garde ses distances : le film sera une dissection, une étude clinique d’un puzzle, dont l’assemblage ne pourra s’achever. Kubrick évite ainsi le pathos un peu maladroit du Baiser du tueur et observe sa galerie d’impétrants à la richesse subite.

Pour peu qu’on accepte cette désincarnation volontaire et l’enfermement des personnages dans des types figés, on peut prendre la pleine mesure du projet. Kubrick travaille avant tout sur le montage et l’alternance, distribue à chacun un rôle spécifique dans une machine a priori parfaitement huilée. Film sur le collectif et le travail de groupe, il dissémine les indices comme il cache à certains le grand projet auquel ils contribuent, ne leur assignant que des tâches secondaires. C’est souvent le statut du spectateur qui ne comprend toute l’ampleur du casse qu’assez tardivement.

Cette construction s’accompagne d’une expérimentation sur le temps : en fonction des différents collaborateurs, la même séquence est montrée à plusieurs reprises et les retours dans le temps permettent de construire la dimension collective du braquage.

Attentif au timing, Kubrick ne l’est pas moins aux objets et aux éléments susceptibles de se transformer en grains de sable dans l’engrenage : le fusil, la valise, le caniche…

Convergeant vers le grand carnage, dans une tonalité des plus ironiques, L’Ultime razzia joue finalement cartes sur table : s’il on y traite de maîtrise et de succès, c’est bien de ceux du cinéaste, grand architecte d’une machine imparable.

Fiche Technique: L’ultime razzia

Titre originale: The Killing [1956, coécrit avec Jim Thompson, d’après le roman de Lionel White]

Réalisation: Stanley Kubrick
Scénario: Stanley Kubrick et J Thompson d’après le roman de: Lionel White
Interprète: Sterling Hayden (Johnny Clay), Coleen Gray (Fay),Vince Edwards (Val Cannon), Jay C Flippen (Marvin Unger), Marie Windsor(Sherry Peatty), Ted De Corsia (Randy Kennan), Elisha Cook Jr (George Peatty), Joe Sawyer (Mike O’Reilly), Timothy Carey (Nikki Arane), Jay Adler( Leo), Joseph Turkell(Tiny), James Edwards (Le gardien du parking)
Directeur de photographie: Lucien Ballard
Décors: Ruth Sobotka Kubrick
Montage: B. Steinberg
Musique: Gerald Fried
Production: James B. Harris

Auteur de la critique : Sergent Pepper