les-levres-rouges-critique-film-fifam

FIFAM 2022 : Delphine Seyrig, créature de la nuit dans « Les Lèvres rouges » de Harry Kümel

Un couple de jeunes mariés va passer sa lune de miel dans un palace désert sur la plage hivernale d’Ostende. Là, il rencontre la comtesse aux lèvres rouges, une femme vampire magnifiquement incarnée par la beauté glaçante et énigmatique de Delphine Seyrig. Le voyage de noces tourne bientôt au cauchemar. Film culte du cinéaste belge Harry Kümel sorti en 1971, Les Lèvres rouges est projeté au FIFAM dans le cadre de la programmation « robe à paillettes ».

Étonnante relecture du mythe de la comtesse hongroise Bathory, qui, afin de conserver jeunesse et beauté éternelles, vampirisait ses jeunes victimes, Les Lèvres rouges de Harry Kümel distille une atmosphère envoûtante, hypnotique, lorgnant souvent vers le cinéma d’horreur esthétisant d’Argento. Derrière le film de vampire classique dont le cinéaste belge triture les codes avec délice, se cache surtout une déclaration d’amour à la divine Delphine Seyrig, à son aura magnétique, sa bouche écarlate, son murmure sensuel. Créature des ténèbres glamour, vamp hollywoodienne mi-Harlow mi-Dietrich, l’actrice troque ici la vaporeuse robe de la Fée des lilas de Demy contre le manteau funeste d’une chauve-souris manipulatrice assoiffée de sang. Traité comme un personnage à part entière, son timbre de voix spectral se fond dans la partition pop et expérimentale composée par François de Roubaix (Le Vieux Fusil) et fabrique une mélodie effrayante, perverse, qui va peu à peu empoisonner le récit. 

Dangereuses prédatrices de la nuit, la comtesse blonde et sa servante brune Ilona (Andrea Rau) descendent dans un hôtel abandonné au bord de la mer. Elles jettent leur dévolu sur deux jeunes tourtereaux, Stefan (John Karlen) et Valérie (Danielle Ouimet), les seules proies disponibles séjournant par malheur dans la suite nuptiale voisine. Rodé comme du papier à musique, le tendre piège ne tarde pas à se refermer ; film d’ambiance à l’esthétique voluptueuse, Les Lèvres rouges bascule alors dans un érotisme triangulaire trouble et lesbien caractéristique du cinéma bis des seventies.

Doué d’un sens aigu du cadrage, Harry Kümel promène sa caméra dans les halls déserts du palace, traverse d’inquiétantes arcades à la De Chirico, fait de la ville d’Ostende un labyrinthe métaphysique, hostile, glacial, nimbé d’une brume rouge sang et filme avec élégance ces corps engouffrés dans la pénombre, soumis à des pulsions scopiques. La lecture chromatique des nombreux décors et costumes se fait d’ailleurs le reflet de leurs fantasmes les plus obscurs, les plus enfouis. Fasciné par la représentation picturale de la mort — fuyant la lumière du jour, la comtesse terminera sa course dans les flammes, empalée sur une branche —, le metteur en scène se réapproprie également la cultissime séquence de la douche de Psychose dont il propose une variation tout aussi découpée mais plus sanglante. Un classique du cinéma fantastique belge, transcendé par la grâce fantomatique de Delphine Seyrig. 

Sévan Lesaffre

Les Lèvres rouges – Extrait

Synopsis : Valérie et Stefan, immobilisés à Ostende, séjournent dans un vaste hôtel désert en cette morte-saison. Le couple fait alors la connaissance de l’inquiétante comtesse Bathory et de sa protégée Ilona, ténébreuses créatures de la nuit. Elles envoûtent d’abord le jeune homme, fasciné par des meurtres mystérieux perpétrés dans la région, puis Valérie, intriguée par l’étrange relation qui unit les deux femmes…

Les Lèvres rouges – Fiche technique

Réalisation : Harry Kümel
Scénario : Pierre Drouot, Jean Ferry, Manfred R. Köhler, Jo Amiel
Avec : Delphine Seyrig, John Karlen, Danielle Ouimet, Andrea Rau…
Photographie : Eduard van der Enden
Costumes : Bernard Perris
Production : Paul Collet, Henry Lange et Luggi Waldleitner
Musique : François de Roubaix
Distribution : Malavida Films
Durée : 1h36
Genre : Fantastique
Date de sortie initiale : 7 octobre 2020

Critique cinéma LeMagduCiné