The Burglars se déploie comme une traversée tranquille et mélancolique au cœur de la vie de deux vieillards à la dérive, dans un décor rural coréen. Plus qu’un simple récit de cambriolage, le film explore la solitude, l’errance et le désir de réenracinement, dans un ton doux-amer qui mérite d’être découvert.
Premier long-métrage de Kim Tae-hwi, The Burglars s’impose comme un road-movie minimaliste, une œuvre de patience et de précision qui respire au rythme des silences et des gestes infimes. Sur les routes de campagne, deux existences isolées se croisent : Eunja (Jeong Ae-hwa), veuve désabusée, et Palbok (Ki Ju-bong), marginal vivant dans sa voiture et accumulant des objets comme autant de vestiges d’une vie qui s’effiloche. La première rencontre entre eux aurait pu se solder par un conflit – alors qu’Eunja pourrait dénoncer les agissements de Palbok –, mais elle décide finalement de le suivre sur la route, espérant y retrouver le désir de vivre depuis le décès de son époux. Si le titre évoque le cambriolage, le film s’intéresse moins au crime qu’à ce qu’il révèle : le vide intérieur, la quête de lien et la fragile reconstruction de l’humanité.
Chaque plan fixe, chaque geste – conduire, trier des photos, s’installer dans une maison silencieuse – devient porteur d’un sens discret ; le banal s’imprègne alors d’une poésie presque palpable. Le road-movie, contemplatif et intimiste, invite à une lente exploration de la campagne coréenne, mais révèle peu sur la diversité des lieux traversés par le duo, malgré une variété notable des paysages. La photographie, elle, reste sublime à tout instant, réussissant parfois à amplifier les élans lyriques d’un film où l’on rit souvent au gré des chamailleries de ce couple de « cambrioleurs » atypiques.
Au détour de la solitude
Kim Tae-hwi aborde des thèmes universels avec une rare délicatesse : l’isolement des êtres vieillissants, le poids de la perte, la recherche de sens et la possibilité de renaître à travers l’autre. Entre Eunja et Palbok, la relation ne se déploie pas dans la douceur linéaire d’un apaisement, mais dans une succession de rapprochements et de fuites, de moments de tendresse contrariés par des heurts du quotidien. Leurs échanges parfois houleux, leurs scènes de ménage feutrées, révèlent la difficulté d’aimer quand la solitude a creusé son sillon. Chacun semble fuir l’autre pour finalement mieux se retrouver, comme si la confrontation devenait une forme détournée de rapprochement. À travers cette dynamique fragile, le film tente par instants de retrouver la délicatesse romantique de Sur la route de Madison, où le frémissement d’un geste ou d’un regard suffit à dire l’indicible.
La caméra, contemplative et bienveillante, encadre leurs silhouettes dans des espaces confinés – voiture, intérieurs étroits, objets entassés – métaphores d’un enfermement intime. Peu à peu, cette cage visuelle se fissure, laissant entrer la promesse d’un apaisement. C’est dans ces fêlures que réside la poésie du film : la beauté du geste humble, la rédemption par la présence de l’autre.
Cependant, cette approche méditative a ses revers. Le rythme, volontairement lent, flirte parfois avec l’errance ; l’absence de tension dramatique ou de conflit central peut désorienter. Les cambriolages, bien que mentionnés dans le titre, demeurent secondaires, presque anecdotiques, et n’apportent ni suspense ni réelle progression narrative. Les personnages, touchants mais partiellement opaques, laissent entrevoir leur passé sans jamais le dévoiler, ce qui pourra frustrer ceux qui attendent une structure plus marquée.
Malgré ces limites, The Burglars conserve une force poétique et une sincérité rares. En sublimant les gestes du quotidien et en transformant le silence en espace d’émotion, Kim Tae-hwi signe un film fragile mais profondément humain. Œuvre imparfaite, certes, mais authentique et porteuse d’une véritable sensibilité, The Burglars séduit par sa sobriété et sa lenteur.
Ce film est présenté en Section Paysage au FFCP 2025.
The Burglars : extrait
The Burglars : fiche technique
Titre original : 빈집의 연인들
Réalisation et scénario : Kim Tae-hwi
Interprètes : Jeong Ae-hwa, Ki Ju-bong
Montage : Kim Tae-hwi
Pays de production : Corée du Sud
Durée : 1h36
Genre : Comédie dramatique



