La compétition des longs métrages français du Champs Elysées Film Festival 2019 a ouvert les hostilités avec un premier film réalisé par Marine Atlan. Tout droit sortie de la Fémis, la réalisatrice poursuit les thèmes déjà initiés dans son court métrage de fin d’étude dans Daniel fait face.
Daniel fait face est un objet de cinéma passionnant dans ce qu’il propose en terme de création pour traiter du voyeurisme et des premiers émois. Là où certains films le font par le biais de l’intime, du personnel et de l’éveil de la conscience de soi, Marine Atlan choisit un tout autre biais pour créer un fil entre ses personnages que celui de la conscience de l’autre. Car finalement, le regard que l’on se crée et se construit sur soi dépend de celui qu’on pose sur les autres, de ce qu’ils nous renvoient ou de ce qu’ils nous offrent à contempler, malgré eux parfois.
Dans une société où le voyeurisme est monnaie courante, même si peu le reconnaissent, il est évident que chaque individu est devenu voyeur. La cinéaste dresse de ce vice un poème dans Daniel fait face. Le film doit beaucoup à la musique car les silences sont au contraire parfois longs et pénibles, et pourtant, quelque chose enivre, transporte. Les fulgurances visuelles, les images métaphoriques du désir et des premiers émois, la beauté picturale d’une mise en scène épurée mais intelligente rendent finalement le tout assez riche. D’une grande sensibilité, le film fascinera par son imagerie intéressante des émotions. Le voyeurisme est souvent affaire de cinéma alors capter ces regards, capter l’acte même de regarder à travers une caméra rend le tout assez providentiel. Mais il est parfois moins question de ce regard que de sa découverte et de l’effet qu’il aura sur l’être, ici, le jeune garçon qu’est Daniel. Comment naissent les émotions, et les premiers désirs ?
C’est à travers des scènes flottantes où le jeune casting impressionne de vérité que l’on saisit l’ampleur de ces premières émotions. Peu de dialogues sont présents, tout est dans l’intensité des regards et la force de proposition dont les acteurs se sont emparés pour traiter leur personnage, c’est d’autant plus admirable qu’ils sont tous très jeunes. Parvenir à un tel niveau de jeu quasiment juste avec leur corps rend compte du grand talent dont la réalisatrice a fait part pour les diriger au plus vrai. Faire danser et chanter des enfants sur une chanson de Véronique Sanson et une belle scène de cinéma s’offre à nous. Un mélange des générations autour d’un thème qui n’a pas d’âge, que le film traverse durant toute sa durée, et dont les personnages s’emparent. L’amour, puis la mort. Ça commence par un réveil, ça s’achève avec un sommeil, tout y est fin et intelligent et les faiblesses de rythme gâcheront quelques moments que d’autres relèveront par leur éclat, particulièrement dû aux choix musicaux brillants et à la composition de Jonas Atlan. Un film passionnant, abouti, non sans défaut, mais que l’on apprécie.
Daniel fait face : Extrait
Synopsis : Tandis que sa classe se prépare pour la répétition générale d’un spectacle de fin d’année, Daniel, 10 ans, s’égare dans les couloirs de l’école. Il surprend alors Marthe dans les vestiaires. Entre les deux enfants un nouveau lien va se nouer…
DANIEL FAIT FACE, un film de Marine Atlan
Avec Théo Polgar, Madeleine Follacci, Tristan Bernard, Aurélien Gabrielli, Emmanuelle Cuau, Michelle Laudet
Durée : 59 minutes
Distribution : Bathysphere
MENTION SPECIALE OURS DE CRISTAL – BERLINALE 2019