Impacté par la pandémie du COVID-19, le tournage de Caught by the Tides laisse planer toutes sortes d’incertitudes dans son déroulé, linéaire et ancré dans une réalité nostalgique et mélancolique. Au terme de la quatrième journée de la compétition cannoise, nous ne comptons plus les ovnis qui se sont crashés sur la toile. Cette œuvre chinoise représente sans doute la lettre d’amour la plus douce et amère que l’on a découvert depuis le début de la quinzaine.
Synopsis : Chine, début des années 2000. Qiaoqiao et Bin vivent une histoire d’amour passionnée mais fragile. Quand Bin disparait pour tenter sa chance dans une autre province, Qiaoqiao part à sa recherche. En suivant le destin amoureux de son héroïne de toujours, Jia Zhang-ke nous livre une épopée inédite qui traverse 21 ans d’histoire d’un pays en pleine mutation.
Grand habitué de la Croisette, Jia Zhang-ke (Plaisirs inconnus, I Wish I Knew, Histoires de Shanghai, 24 City, A Touch of Sin, Au-delà des montagnes) continue de sonder l’âme de ses protagonistes, que l’on retrouve après Les Éternels. Avec comme point de départ la ville de Datong, le cinéaste nous emmène du nord au sud d’un pays en pleine métamorphose. Et au milieu des différentes mutations, sociales et technologiques, il filme les trajectoires opposées, et pourtant parallèles, de Qiao (Zhao Tao) et Bin (Zhubin Li), un couple qui se cherche pendant plus de 20 ans depuis le début du XXIe siècle. Zhang-ke en appelle ainsi aux images d’archives qu’il a capturées sur cette période. À titre de comparaison, Richard Linklater a étalé sur douze ans de tournage pour Boyhood. Il n’existe pas véritablement d’intrigue dans cette épopée au cœur d’une Chine en pleine mutation, si ce n’est le fil rouge romantique qui lie deux âmes égarées.
Des femmes qui chantent à l’unisson, des rues qui ne dorment jamais : la vie a toujours continué contre vents et marées dans ce territoire encore méconnu des Occidentaux. Zhang-ke pose sa caméra dans tous les coins de rue possibles afin de prendre le pouls de son pays. Le film est tendre dans sa première partie, très contemplative, avant de museler ses personnages, dont on discerne très peu (voire pas du tout) les émotions. Faute d’avoir percé dans la danse ou le mannequinat, Qiao se contente de boulots routiniers, tandis que le corps de Bin encaisse mal le poids du temps.
Caught by the Tides se conclue toutefois sur une note optimiste, malgré le contexte sanitaire que nous avons connu il y a quatre ans. Zhang-ke ne filme pas une société paralysée mais plutôt survivaliste, qui vit avec ses tourments, tout en essayant de les dépasser. Cela passe d’abord par des initiatives individuelles, puis par un élan collectif. En somme, Caught by the Tides n’aspire qu’à aider ses personnages à retrouver le sourire, malgré les masques et les différentes rancœurs qui se sont accumulés une vingtaine d’années durant. Toute une poésie se dégage de ces conflits et des contradictions qui en découlent. Un geste aussi passionnant que séduisant !
Caught By The Tides est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.
Fiche Technique
Titre original : Feng Liu Yi Dai
Réalisé par : JIA Zhang-Ke
Année de production : 2024
Pays : Chine
Durée : 111 minutes