Le dogme et la foi sont les maîtres-mots de cette hérésie chrétienne, où l’institution papale commet un enlèvement (rapito), arrachant ainsi un enfant à sa famille juive. Sa conversion devient alors un objet d’étude entre deux camps religieux, en parallèle d’une Italie qui déambule vers son unification.
Synopsis : En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, un fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…
Très attendu dans les coulisses et sur le tapis rouge, Marco Bellocchio est toujours le bienvenu dans un festival où la dissection de ses personnages déchus se remarque. Le réalisateur de Vincere, Le Traître et de la mini-série Esterno notte, présenté à Cannes l’an passé, évoque les déchirements historiques qu’a connu son Italie natale. Aux côtés de Susanna Nicchiarelli, il adapte le livre Il caso Mortara (L’affaire Mortara) de Daniele Scalise, où le jeune Edgardo Mortara (Enea Sala), un enfant de confession juive, est baptisé à son insu.
Rappelons que Steven Spielberg était initialement annoncé sur ce même récit, prévu pour fin 2017, de même que sur le cinquième volet d’Indiana Jones. La force des choses fait qu’aucun de ces projets fut mener à terme par l’Américain. Et le hasard du calendrier provoque que les deux œuvres ont pu atteindre la toile du Grand Auditorium Louis Lumière en cette 76e édition du festival.
Non possumus (nous ne pouvons pas)
L’intrigue débute sur les terres de Bologne, en 1858, où l’état Vatican missionne des agents afin de rapatrier Edgardo vers le lieu saint. Dès lors que l’enfant est sous la tutelle de l’Église, cela ne signifie pas pour autant que sa santé mentale soit garantie. À travers ses yeux effrayés, la caméra de Bellocchio nous offre un autre point de vue sur le Christ. Un peu plus tôt dans la semaine, nous pouvions déjà suivre cette démarche dans le dernier film de Warwick Thornton, The New Boy, où un aborigène australien se convertit peu à peu au sein d’un monastère. Ici, la suprématie papale occasionne que le quotidien des enfants tient d’un univers carcéral.
La figure du Pape Pie IX en subit les conséquences car les journaux remplissent leurs colonnes de caricatures grotesques, à faire cauchemarder le chef de l’Église. Ce dernier est vu comme un monarque capricieux, qui trompe Edgardo. Le garçon, n’ayant jamais renié ses origines ou sa famille, subit une métamorphose tragique, jusqu’au bout de sa vie. Sa volonté ne lui appartient plus et sa trajectoire devient fascinante.
À 83 ans, Marco Bellocchio continue de faire des étincelles, pensant via sa caméra une foi que ses personnages recherchent et redoutent. L’exercice apparaît néanmoins académique, que ce soit dans son découpage ou sa façon de mettre en lumière le divin dans les yeux des protagonistes. Traitant aussi tous les points attendus de son récit, le cinéaste survole la conclusion de Rapito et déçoit quelque peu sur sa thématique familiale.
L’Enlèvement (Rapito) de Marco Bellocchio est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Par Marco Bellocchio, Susanna Nicchiarelli
Avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese
25 octobre 2023 en salle / 2h 15min / Drame
Distributeur : Ad Vitam