Women in Motion, le premier événement avec Jodie Foster, actrice-réalisatrice (Taxi Driver, Le Silence des Agneaux, Contact, Panic Room, Le complexe du castor, Money Monster, entre autres)
« Je fais des films à propos des femmes, des films à propos des hommes, d’autres à propos des enfants, c’est l’humanité. »
Invitée par Kering, Jodie Foster, artiste de talent dénonce la place réservée aux femmes dans l’industrie du cinéma à l’occasion d’une conférence.
– Jodie Foster, le jeudi 12 Mai 2016, Cannes, Hotel Barrière-Majestic.
En parallèle du festival de Cannes, Kering et Variety ont organisé plusieurs talks, ou séances de conversation, à propos des situations des femmes au cinéma. Réalisatrices, actrices, productrices… Quels sont les rôles des femmes au cinéma et quelle importance leur donne-t-on ? Le combat de l’égalité homme-femme a lieu aussi dans l’art industriel ou l’industrie artistique du cinéma. Avec ces talks Women in motion, le but est donc de poursuivre la réflexion en invitant des productrices, actrices telles que Salma Hayek et Susan Sarandon, des présidentes d’organismes observant et luttant pour la place de la femme au-delà – des arts et industries –, et « d’aborder des solutions » (dixit le communiqué de presse) afin de progresser sur ce terrain, champ de bataille du quotidien.
Sur l’arrivée des femmes réalisatrices au cinéma :
« Il faut être extrêmement organisé. Ce qui est extraordinaire, c’est que lorsque j’étais jeune, j’étais dans un monde d’hommes. Plus tard, (…) il y a eu un changement drastique. (…) Dans le film mainstream, il y avait quelques femmes, maintenant ça augmente. Dans le cinéma européen, il y avait aussi des femmes et ça a grandi, pareil à la télévision. (…) »
Comment expliquez-vous ce changement ?
« Je pense que les studios ont peur. La technologie a changé (…) et on doit explorer de nouveaux territoires. [Mais] je ne pense pas qu’il y ait un gros complot qui serait que les femmes mettraient à bas le business du cinéma, je pense que c’est progressif, et il y a des modèles traditionnels qu’on doit affronter »
Est-ce une bonne nouvelle que les femmes arrivent de plus en plus à la réalisation ?
« Je pense que c’est une bonne idée, (…) la plupart du temps, on est dans le noir (…), si vous pouvez amener une femme dans le processus de création, si vous êtes attentionnés, ça permettra bien des choses »
La télévision leur donne plus de place que le cinéma…
« Oui, la télévision soutient beaucoup de femmes. Et là maintenant, la télévision est la place pour le narratif. (…) Je ne pense pas que les histoires télévisuelles sont plus intéressantes, mais elles sont plus narratives. (…) On peut faire plus de choses que ne le permet le cinéma. »
Elle revient sur le cinéma : « Je peux vous promettre qu’il y a plein de films différents pour bien des femmes (…) le problème est une issue financière (…) il s’agit d’investissements risqués » ; puis sur la télévision : « la télévision et le câble sont deux choses différentes, mais parlons juste de Télévision, qui peut apporter beaucoup de possibilités. »
Dernièrement une enquête a exposé que les femmes étaient les spectateurs majoritaires au cinéma, qu’en pensez-vous ?
« Il y a beaucoup de femmes qui aiment des films d’hommes. (…) Il y a tant de possibilités dans la construction des films, dans les médias… (…) Nous savons aussi que le public veut voir de nouvelles têtes. (…) Il s’agit de gros paris, les studios font d’énormes films, des paris de casino (…) je pense que cela change les habitudes des spectateurs qui changent leurs attentes. ». Elle poursuit sur la démocratisation des technologies : « Vous pouvez faire un film avec du matériel professionnel, c’est très bien, vous en faites un avec iPhone, c’est aussi très bien. Si vous êtes un artiste, vous créez, (…) vous vous adaptez à ce qui est autour de vous. »
Sur sa cinéphilie et son arrivée à la réalisation :
« J’ai vu des films européens, et beaucoup des films que j’ai vus sont des films réalisés pas des femmes. Plus tard j’ai décidé de réaliser mes propres films et c’était parti (…) Mes agents m’ont incroyablement soutenue, ma mère et mon père m’ont (…) fait confiance. » Et « j’ai fait mon premier film il y a déjà 25 ans. ». [Toutefois] beaucoup ne m’ont pas donné de chance. Mais je ne regarde pas excessivement vers le passé. (…) Pour certains films, je regrette d’avoir passé du temps dessus. »
Quelle sont les différences entres des réalisateurs et des réalisatrices ?
« [Les femmes réalisatrices] sont très attentionnées. Quand vous avez 24 ans, un film vous parle et vous vous lancez. (…) J’avais besoin de quelqu’un qui me soutienne. Les réalisatrices ont un bon instinct parental. »
« Si vous êtes une femme, vous allez avoir une manière de diriger différente selon votre background. Aussi a-t-on été surpris que je sois très directe. Je ne suis pas un garçon [mais] ça a été confus pour les gens, on s’attendait à ce que je sois en retrait, lâche. »
« À chaque fois que je commence à travailler avec un réalisateur, (…) je vois s’il est tenace, idiot ou autre… Un réalisateur que je trouve très intelligent a passé l’entièreté du tournage dans la salle de bain à appeler sa femme. Personne ne tournait quoique-ce-soit. »
Comment faites-vous pour travailler tout en assumant votre rôle de mère ?
« Je peux m’adapter. (…) Mes enfants peuvent me suivre (sur les tournages NDLR). (…) Parfois je ne trouvais pas d’appartement (…), je savais que je devais laisser ma vie avec les enfants, nous devons prendre de difficiles décisions, les hommes aussi (..) j’ai vu la peine grandir en eux, pas juste les réalisateurs, mais les techniciens aussi. (…) c’était difficile et empli de tristesse. »
Parlons de Money Monster (Cf. son nouveau film présenté en hors-compétition à Cannes avec George Clooney, Julia Robert, Jack O’Connell, Caitriona Balfe et Dominic West au casting, entre autres)
« C’est un film de genre mainstream, mais l’idée était d’avoir une histoire intelligente, et que l’expérience du public soit unique. »
Comment on appréhende un rôle de femme ?
« Vous dites oui à l’archétype, au personnage, et vous lui donnez de la chair, de la consistance. (…) Julia Roberts incarne un personnage multitâche, meilleure que les deux gars. (…) Enfin, c’est juste notre travail de faire de meilleurs films, je veux dire qu’on veut rendre nos films meilleurs. (…) Je veux éviter les personnages unidimensionnels. »
Il semble que vous n’ayez jamais participé à une suite ou eu de second volet à l’un de vos films réalisés ?
« Je ne fais jamais de suites, peut-être parce que je fais des films qui ne peuvent pas avoir de suites. »
Pensez-vous à être plus investie dans la politique dans le milieu du cinéma? C’est-à-dire à devenir plus activiste ?
« Vous devez être vous-même, certaines personnes sont plus activistes que d’autres, et à vous de voir ce qui vous convient le mieux (…) je fais juste des films, et j’ai trouvé ma voie (…) pourquoi ne pas être moi-même ? ». Elle continue sur le travail d’actrice / cinéaste : « Vous devez faire votre job quoiqu’il arrive, (…) vous le faites juste, et vous avancez ».
Dernièrement il y a une vague de film sur la crise financière, Wall Street…
« Des films comme Margin Call, The Big Short, Le Loup de Wall Street… Il est bon pour les gens de savoir tout cela. (…) Notre film n’est pas un exposé (Sur la crise, le système financier NDLR) The Big Short a été très courageux d’avoir cette volonté d’expliquer ce monde très complexe. »
Enfin, sur son investissement personnel dans un film :
« Tout ce que vous avez vécu a une influence. A chaque fois que je choisis un objectif, un plan (…) à chaque fois que je lis un script, je me projette à l’intérieur de ces corps (…) concernant les rôles d’homme, c’est peut être parce que je me sens en échec par rapport à ma mère… (…) Je pense que ce sont les réalisateurs mâles qui ont un programme, les femmes ne catégorisent pas. » Elles commencent à imiter un réalisateur mâle-type : « la fille pleure, et le réalisateur sort tout à coup qu’elle pleure parce qu’elle a été violée. (…) Ils sont inintéressés par toutes les sortes de complexité, (…) ils sont incapables de se projeter. Les réalisateurs devraient être de supers parents pour pouvoir se projeter, comprendre l’autre »