series-avis-moonbase8-black-narcissus-saved-by-the-bell-big-sky-small-axe

Small Axe, Black Narcissus, Moonbase 8, Big Sky…  : Que valent ces séries ?

Dénonciation sociale aux allures de long-métrage, reboot aussi léger qu’improbable d’une sitcom au parfum des années ’90, drame historique et intimiste aux confins du monde, comédie loufoque moquant les codes du film d’astronaute, ou encore frissons dans le cadre luxuriant du parc de Yellowstone : il y en a pour tous les goûts, dans les pilotes de séries du mois de novembre ! On vous invite à un petit tour d’horizon particulièrement hétéroclite.

Small Axe : La vérité filmée sur le racisme en Angleterre 

Small Axe n’est pas juste une mini-série de divertissement. Réalisée par le créateur de 12 years a Slave, Steve McQueen, cette série anthologique dramatique présente six histoires se passant dans les années 60 à 80, sur le racisme subi par la communauté noire en Angleterre. Avec un épisode pilote d’environ deux heures, “Mangrove” est plutôt à voir comme le témoignage réaliste et captivant d’une part de l’Histoire qu’on aurait jusqu’ici rendue invisible : la ségrégation en Angleterre.

En 1968, dans le quartier de Notting Hill à Londres, le propriétaire noir (Shaun Parkes) d’un restaurant nommé le Mangrove, est victime de harcèlement policier. Très vite, l’événement prend une envergure politique, et le quartier entier se révolte contre les forces de l’ordre. On nous montre alors les violences policières subies et les quartiers défavorisés, mais jamais avec une volonté larmoyante ou misérabiliste. La réalisation de Steve McQueen est toujours à la fois juste et intimiste.

Si, au début, la longueur de ce premier épisode peut dérouter, l’histoire émouvante et prenante des personnages principaux, interprétés par John Boyega (Star Wars) et Letitia Wright (Black Panther), nous plonge rapidement dans cet univers d’injustice mais aussi d’empowerment de cette communauté.

Co-produit par Amazon et diffusé par la BBC, ce drame anglais en six épisodes est à prendre comme un long film divisé en chapitres plus que comme une série à binge-watcher. Une preuve de la qualité cinématographique des séries actuelles portées par les réalisateurs influents de notre génération.

4

 Céline Lacroix

Saved by the Bell

Saved by the Bell (version 2020) est la suite de la série du même nom (1989-93) et de sa suite, Saved by the Bell: The College Years (1993-94). La plupart des acteurs de ces séries reprennent d’ailleurs leur rôle, cette fois en tant qu’adultes, et l’on suit également et surtout les aventures de leurs enfants, adolescents à leur tour, qui voient débarquer dans leur lycée des quartiers riches plusieurs élèves issus de quartiers populaires. C’est le pitch de cette saison : le mélange des classes sociales et des origines ethniques, suite à la fermeture d’établissements scolaires décidée par le gouverneur de la Californie, Zack Morris.

Le moins que l’on puisse dire est que Saved by the Bell version 2020 garde cet esprit 90’s coloré et second degré qui saute aux yeux. Il faut regarder ce show de 2020 marqué par une esthétique des années 90 pour ce qu’il est : une parodie qui fait sourire en forçant le trait à outrance, de l’humour téléphoné au surjeu, notamment celui des personnages de classe sociale aisée qui affichent tous un sourire immaculé, un bronzage signe de bonne santé et semblent sortis d’une pub pour jus d’orange (avec supplément de vitamine C).
Saved by the Bell (Sauvés par le gong en français) promet des histoires rocambolesques entre élèves, professeurs et parents dignes des sitcoms les moins réalistes, et si cela peut paraître limité, les intrigues sont relevées par les questions d’inclusion, avec ces personnages non blancs et pauvres ayant envie de s’en sortir, mais aussi par exemple avec la présence d’un personnage trans joué par une actrice transsexuelle (Josie Totah), ce qui est assez rare pour être salué, tout comme le fait que les lycéens riches se montrent amicaux envers les nouveaux arrivants moins aisés.

En regardant Saved by the Bell, il faut garder à l’esprit que la série assume à 100% son côté sitcom parodique. L’esthétique peut plaire ou non, mais elle ne doit pas être le seul critère pour juger de la valeur de ce programme. Ce pilot annonce déjà beaucoup d’humour, mais aussi des questions de société traitées sur un ton léger et coloré.

3.5

Sarah Anthony

Black Narcissus 

La mini-série Black Narcissus est adaptée du roman éponyme de Rumer Godden paru en 1939. Il raconte l’histoire de cinq religieuses anglaises envoyées dans l’Himalaya, au palais déserté de Mopu, pour y établir une école et un dispensaire. Le palais leur est prêté par le général indien en place. Il avait auparavant été construit pour servir de harem au père du général. Installées dans ce palais perdu au bord d’une falaise, habité par le vent qui s’engouffre par chaque fenêtre, les religieuses sont livrées à elles-mêmes et à leurs émotions… L’histoire du lieu, mais aussi leur propre vie ne tardent pas à troubler leur esprit soumis à un code de conduite religieux très strict.
Gemma Arterton tient le rôle principal, incarnant Sœur Clodagh, qui est à la tête de ce groupe de religieuses. C’est en la suivant que le spectateur découvre ce palais merveilleux et exotique accroché à l’extrême bord d’une falaise, au milieu de paysages extraordinaires que les religieuses ne sont pas censées regarder. Au-delà du caractère sublime de l’endroit, un mystère semble dissimulé… refluant du temps où les murs abritaient un harem. Ce lieu de passion est à présent dévolu aux femmes traquant le péché, laissées à leur solitude et à la présence de Mr. Dean (Alessandro Nivola), sorte d’homme à tout faire censé les aider, qui a été envoyé par le général.
Dès le pilot, la série intrigue autant qu’elle fascine, donnant au spectateur l’envie de voir davantage ces décors superbes, d’en apprendre plus sur l’histoire du palais-harem, captivé par ces nonnes si sévères envers elle-mêmes et soumises autant que nous à la nature humaine.

4

Sarah Anthony 

Moonbase 8 : les Sous-doués sur la lune 

La prémisse de Moonbase 8 est délicieusement irrévérencieuse. Dans le genre habituellement si sérieux des fictions se déroulant dans l’espace (qu’il s’agisse ou non de science-fiction), l’humour absurde et potache de la série agit comme une petite bouffée d’air frais. Et cela même si 2020 a été une année riche en comédies de science-fiction pour le petit écran (Avenue 5, Space Force). Le spectateur suit trois astronautes particulièrement idiots et incompétents (John C. Reilly, Tim Heidecker et Fred Armisen, également les créateurs de la série aux côtés de Jonathan Krisel) dans leur entraînement sur un avant-poste lunaire installé en Arizona. Leur rêve ? Être sélectionnés à l’issue de cet exercice de simulation pour être l’équipe que la NASA enverra coloniser la Lune. Le sujet est tout ce qu’il y a de plus sérieux, l’agence aérospatiale américaine ambitionnant d’envoyer une nouvelle mission humaine sur la Lune d’ici 2024, suivie d’une occupation humaine de longue durée quatre ans plus tard. Le ton adopté par la série évite par contre rapidement toute méprise : nous n’avons pas affaire à une fiction d’anticipation, mais à une comédie tournant en dérision tous les codes du genre avec un plaisir jouissif.

Judicieusement calibré sur un format de sitcom d’une vingtaine de minutes, le pilote dévoile quatre astronautes (le joueur de football américain Travis Kelce joue exceptionnellement les invités de luxe aux côtés du trio de comédiens permanents) peu dégourdis, qui commettent bourde sur bourde. On s’amuse à retrouver John C. Reilly, un comédien à l’aise dans tous les registres, dans un nouveau rôle comique, celui d’un improbable chef d’équipe crétin et totalement dépourvu de confiance en soi. Le gag central de l’épuisement de la réserve d’eau et des solutions que nos quatre andouilles vont imaginer, provoque quelques francs éclats de rire. Hélas, tout n’est pas du même tonneau et l’humour ne fait pas toujours mouche dans ce premier épisode. Si le bilan reste pour l’heure positif, Moonbase 8 fait partie de ces séries qu’il faut laisser s’installer dans le temps afin de juger de la réussite ou de l’échec de la « formule » adoptée.

3.5

Thierry Dossogne

Big Sky : un thriller hybride dans le Montana

Créée par le chevronné David E. Kelley, auteur/producteur d’une pléthore de fictions télévisées à succès depuis le milieu des années ’80 (La Loi de Los Angeles, The Practice, Ally McBeal, Boston Justice, Big Little Lies ou encore la mini-série The Undoing, qui vient de s’achever), la série Big Sky navigue intelligemment entre plusieurs genres et registres. Le récit s’articule autour de trois jeunes femmes (une prostituée/un prostitué (?) et deux amies adolescentes) kidnappées par un inquiétant « Tanguy » camionneur. Ce point de départ, lui-même précédé de quelques fausses pistes et retournements de situation avant de se concrétiser, donne l’occasion à Kelley de proposer une variété de personnages et de situations. Ainsi, hormis le trio de jeunes femmes déjà cité, le pilote nous fait découvrir trois autres groupes de personnages : le houleux triangle amoureux constitué de Cassie, Cody et Jenny (Kylie Bunbury, Ryan Phillippe et Katheryn Winnick), qui se lance à la recherche des disparues, le flic débonnaire Rick Legarski, auquel John Carroll Lynch prête son allure de force tranquille trompeuse, et bien sûr le kidnappeur Ronald Pergman, constamment rabaissé par sa mère avec laquelle il vit. Si la série a été tournée au Canada – COVID oblige –, l’intrigue se déroule dans le Montana, et même en partie dans le parc national de Yellowstone. Le cadre a clairement son importance dans la série, cet épisode en particulier n’étant pas avare en magnifiques prises de vues.

Big Sky étonne et séduit surtout par son hybridité subtile des genres : au thriller se mêlent des éléments d’enquête policière, mais aussi de comédie romantique voire de teen movie et d’humour noir à la Fargo. Malgré la gravité du propos, il se dégage ainsi une impression de légèreté, que vient renforcer une bande-son généreuse en morceaux entraînants. Il faudra bien sûr attendre les prochains épisodes pour constater si les différentes pistes empruntées fonctionnent toutes aussi bien les unes que les autres. Une autre qualité consiste en de fausses pistes et retournements de situation ménagés par le scénario, avant un cliffhanger brutal qui clôture le pilote de manière fort marquante. Deux bémols toutefois : le fil narratif principal comme le style dégagent une impression de déjà vu, et certains acteurs sont un peu trop parfaits, trop beaux pour être crédibles (Cody, au corps tatoué d’athlète, est bien sûr partagé entre deux femmes magnifiques, et Brian Geraghty ressemble autant à un routier que Stéphane Bern à un Ange de la téléréalité). On oscille un peu trop entre coups de théâtre et clichés éculés dans ce premier épisode pour entraîner notre adhésion complète, mais Big Sky mérite sûrement de s’y attarder pour se faire une meilleure idée.

3.5

Thierry Dossogne