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Séries américaines automne 2016: portrait de pilotes des nouvelles comédies

Kim’s Convenience (CBC) 

Adaptée d’une pièce de théâtre à succès, cette famille sino-canadienne n’a rien d’exceptionnel et pourtant chacun des membres attire sympathie et répulsion. Le père tolérant à excès est un cliché ambulant, mais force est de constater que sa naïveté en fait un des personnages les plus attachants. Le premier épisode, centré sur la gay pride et la remise de 20% sur tous les produits de la boutique fonctionnant uniquement sur les personnes homosexuelles, est aussi bancal que génialement irrévérencieux, centré sur les ambitions mal définies des deux enfants, l’un nettoyeur automobile voulant passer assistant manager et l’autre étudiante en art au talent insoupçonné. La mère, effacée et pourtant marâtre au grand coeur, n’apporte rien de bien constructif et original sur la série qui reprend en un semblant de huis clos certains codes de la comédie déjà vus mille fois auparavant. Mais il y a un léger côté décalé que Fresh Off The Boat ou The Family Law (le pendant australien) n’arrivaient pas à doser. En poussant encore plus les personnages dans leurs retranchements, à la manière de Malcolm ou Raising Hope, la série américano-canadienne aurait gagné mille fois plus en zygomatiques. Mais il y a quelque chose de coloré qui se dégage de cette famille et du quartier, un brin d’audace à la Nounou d’Enfer, une pointe d’autodérision à la Goldbergs et une pousse d’empathie à la Six Feet Under, mais les situations peu développées réussiront-elles à inscrire la série dans le paysage audiovisuel de manière durable ? Il suffit de regarder le deuxième pour se convaincre que cette série mérite un tant soit peu le détour. A force de courage on arrivera peut-être à terminer la saison 1…

Antoine Mournès

Loosely Exactly Nicole (MTV) 

Nicole est la personnification du nouveau rêve américain. Comédienne en quête de l’amorce d’une carrière, elle a tout quitté pour s’installer à Hollywood. Résultat : elle est sans revenu fixe, vivant en colocation dans un appartement presque délabré, sans aucun plan de secours, et sans agent ni connexion établie dans le métier. De ce point de vue, cette série ressemble énormément à d’autres séries usant de ce sempiternel propos. Le personnage principal est souvent assez lisse et simple mais très « likeable », dans ce genre de contexte. Cependant, ce n’est qu’une façade. C’est au moins ce que les showrunners Christian Lander et Christine Zander nous laisse voir tout le long du pilote et ce, dès la fin du générique de début. Si le personnage principal paraît vivre une vie des plus progressistes, elle est loin d’être une réussite et elle est tout sauf lisse, simple et « likeable »! Comme à l’instar des séries MTV, le casting est assez diversifié (âge, sexe, ethnicité) et Nicole, en tant que femme noire, ne se définit pas forcément par ce fait, mais plus par sa personnalité qui dépasse souvent sa propre personne. Nicole est « loose » ; elle aime s’amuser et cela dans tous les sens du terme. Le pilote est dépourvu de second degré et explore la sexualité de la génération Y, entre curiosité et pratiques diverses. Ses amis, notamment Devin, ne dérogent pas à la règle et volent quelques fois la vedette à Nicole, montrant que cet état d’esprit est générationnel et non juste exceptionnel. Loosely Exactly Nicole remplit son cahier des charges : une demi-heure de pur non-sens, sans gène ni censure, mais qui reflète assez bien la réalité de bon nombre de jeunes adultes, vivant en métropole en 2016. Ils n’ont pas toujours les moyens et les atouts, mais pourtant ils n’abandonnent pas leurs rêves et osent rester exactement qui ils sont en toutes situations !

Pascal Topige

Insecure (HBO) 

Reprenant les codes de la série télévisée américaine pour jeunes trentenaires en mal d’amour, Insecure pourrait être comparée à Sex and the City. Cependant, cet amalgame préfabriqué a déjà été subtilisé par la saison 1 de Girls. De ce fait, soyons plus précis et osons dire qu’Issa, l’héroïne d’Insecure, est la Carrie Bradshaw de la communauté noire de l’Amérique moderne. Objectivement, ce serait tout un parallèle bien trop fortuit pour même être envisagé. Si Issa est tout aussi égarée que l’alter ego de SJP, elle est bien plus nuancée et accessible que cette dernière. Aussi, il faut énoncer que les séries Girlfriends ou Beign Mary Jane remplissent ce rôle représentatif depuis plusieurs années déjà. Alors, que peut-on dire sur le pilote d’Insecure ? Peut-être commencer par dire qu’Insecure n’est pas une série générationnelle comme les autres. Elle n’est pas juste autobiographique et réaliste, elle est inspirée et actée. Elle tire sa fiction d’un quotidien personnifié qui n’est pas juste représentatif mais hautement symbolique. Le pilote est à décrire en un mot : “Black”. Une nouvelle génération de femmes noires qui ne sont pas “Angry”, “Boogie”, ou “Cookie” (termes utilisés par la communauté afro-américaine, participant à l’effet de niche de cette série). Si Issa Rae joue sur sa culture en tant que femme noire d’une beauté non conventionnelle, elle représente aussi cette communauté et n’a pas peur d’affirmer que sa série n’est pas pour tout le monde. Nombreux ne comprendront pas ses propos. « Insecure as fuck » poursuit dans la vague de production artistique profitant de l’insurgence de la population afro américaine aux États Unis. Issa Rae serait la Solange Knowles (consultante musicale de la série) du petit écran, bravant les mœurs avec une œuvre singulière, ciblée, et affirmée.

Pascal Topige

Man With a Plan (CBS) 

Il nous tardait de voir le retour de Matt Leblanc à la tête d’une sitcom digne de ce nom. Après Friends et le succès intergénérationnel qu’on lui connaît, l’échec relatif de Joey ou l’annulation, après 4 saisons d’Episodes, n’ont pas aidé à relancer de façon durable sa carrière. Et il ne faudra certainement pas compter sur Man With a Plan pour y contribuer. Tout dans cette sitcom, où un père de famille devient homme au foyer après la reprise du travail de son épouse, respire le réchauffé. Que ce soit les personnages stéréotypés au possible (les enfants passifs et drogués aux nouvelles technologies, la mère décidant subitement de reprendre son travail ou le père en total décalage avec toute notion impliquant la vie familiale) ou les situations convenues et vues mille fois, ce pilote arrive tout juste à nous esquisser un ou deux sourires. La performance de Matt Leblanc, pourtant producteur et habitué à ce genre d’exercice, est tout juste passable. A voir prochainement si la saison arrivera à se renouveler. Car pour l’instant, nous ne sommes pas convaincus.

Kévin Béluche

No Tomorrow (the CW) 

Que feriez-vous s’il ne vous restait que huit mois à vivre ? Peu importe comment, le pilote de No Tomorrow ne nous promet encore rien à ce sujet-là, tout juste émet-il quelques hypothèses comme une astéroïde, un complot russe, des problèmes cardiaques…la suite nous le dira. Cependant, ce premier épisode nous rappelle combien la vie vaut la peine d’être vécue et que le vrai bonheur réside dans la liberté de choisir, d’agir et d’accomplir ses rêves – en les immortalisant, par exemple, sur une « Apocaliste ».
Ainsi, sous ses airs de comédie loufoque, la série a quelque chose de philosophique, d’épicurien et de touchant. Et les personnages principaux semblent plus complexes qu’ils n’y paraissent : le séduisant Xavier (Joshua Sasse, vu dans Galavant) est-il un scientifique de génie ou un barjot fini ? Qu’en est-il de l’avenir d’Evie (Tori Anderson, KillJoys, Reign) et, accessoirement, de celui de la planète ? Sans doute la jeune femme devra-telle choisir entre s’en inquiéter ou « profiter du jour présent ».
Après un premier épisode prometteur, on est vraiment tenté de creuser l’histoire et pressé de savoir comment la relation entre les héros va évoluer dans cette atmosphère pré-apocalyptique.
Créée entre autres par Corinne Brinkerhoff (scénariste sur The Good Wife, Jane The Virgin & Elementary), No Tomorrow est une série SF comique qui remet les pendules à l’heure et du baume au coeur !

Kristell Guerveno

People of Earth 

Peut-on considérer comme un gage de qualité si les producteurs de The Office, Park and Rec et Brooklyn Nine Nine ont fait confiance à David Jenkins, nouvel recrue dans l’univers du showrunning ? Sa comédie, sous des angles SF décalés, suit l’arrivée d’un journaliste un peu déphasé (cliché du rasta) enquêtant sur des personnes prétendant avoir été enlevées par des extra-terrestres. On en compte 3 types différents, le reptilien vert, le gris aux énormes yeux noirs convexes et Legolas. Autour de ce groupe de soutien « Alcooliques Anonymes » gravite le personnage principal qui rêve sans cesse d’avoir percuté un cerf, plus humain qu’il n’y paraît. L’humour est basé sur un comique de caractère, mais n’est pas le premier atout de People of Earth. Il faut compter sur beaucoup de tendresse semblable à Man Seeking Woman ou moins vraisemblablement le court métrage Pixar Lifted qui présentait un jeune alien aux commandes d’un vaisseau spatial pour son permis de voler. Conscience du second degré, intrigues aux accents de super héros type Superman qui devient journaliste incognito, et duo rappelant Simon Pegg et Nick Frost dans Paul, cette comédie, ne manquant pas de piquant, mérite sérieusement que l’on s’y arrête…

Antoine Mournès

Speechless (ABC) 

Nouvel ajout à la Line-up déjà très solide du mercredi soir sur la chaîne ABC, Speechless suit encore une fois la thématique à succès de la famille atypique américaine. Un père-enfant sans gène ; une mère à l’humour « So British » et une fougue souvent mal placée ; un fils aîné atteint de paralysie cérébrale ; un cadet trop mature pour son âge et constamment laissé pour compte ; une benjamine accroc à la course à pied et peut-être hyperactive. Voici donc une bonne sélection de personnage qui promettent autant de “Punchlines” insensés et de péripéties rocambolesques que dans un épisode de Modern Family. Cette formule presque trop utilisée fonctionnerait-il toujours en 2016 ? La série de Scott Silveri, d’une certaine manière, nous prouve que oui. Ce scénariste des années 90 ayant travaillé sur les 10 saisons de Friends et cocréé le décevant Joey et le « Community-esque » Go On, reprend ici ce qu’il sait faire de mieux, c’est à dire, l’humour noir et l’empathie de la « middle class » américaine. La famille DiMeo est très modeste et elle l’assume. Les parents dépensent tout leur argent dans le bien être de leur fils aîné handicapé et n’hésitent pas à négliger le reste de leur vie pour cette cause. Leur quotidien est dépeint comme une lutte continue, entremêlé de scènes presque burlesques et de déceptions inavouées envers la société. Si le propos du pilote est suffisamment solide pour soutenir une saison tout entière, le point fort du tout reste néanmoins les personnages, notamment Maya (joué par la sublime Minie Driver), avec son accent et son attitude très « Northern England ». Elle n’hésite pas a défier l’autorité pour arriver à ses fins et lutter contre et pour ses enfants. Speechless, du moins le long du pilote, parvient à nous dépeindre le quotidien de cette famille au bord de l’implosion suite à 16 ans d’aménagement de vie autour de la maladie de J.J. S’il lui reste de la marge pour atteindre un certain niveau d’aisance en comédie , nous pouvons lui reconnaître du potentiel dans cette direction.

Pascal Topige

The Good Place (NBC) 

Entre la folle bonne humeur en carton pâte de Truman Show et le message pseudo philosophique à la lisière de la science fiction sur le manichéisme enfantin dans nos choix de vie quotidiens que l’on pourrait retrouver dans Bruce Tout Puissant, le point commun de casting Jim Carrey laisse place à Kristen Bell. Le paradis est un monde de suburbs Disney Landesque et l’on y vient terminer ses vieux jours… Comme si la vie après la mort pouvait se résumer à une allégorie du rêve américain ! Alors certes, tout cette farce est à prendre à un degré reculé, mais la satire du monde moderne capitaliste n’est pas assez évidente pour continuer à comparer les comédies dans lesquelles l’humoriste et acteur américain précédemment cité a joué. La superficialité apparente est donc le principal reproche à faire à cette nouvelle sitcom iconoclaste. En suivant les premiers pas de cette usurpatrice d’identité étape par étape dans un monde magique écrit pour des enfants en bas âge, le spectateur ne trouve pas sa place et son seul intérêt pourrait se résumer à l’approche fantastique sur quelques niveaux de lecture simplifiés. Ted Danson n’a rien d’un Willy Wonka et pourtant Charlie et la chocolaterie pourrait être une référence visuelle. On est loin de la magie burtonienne, mais le ton à la Mary Poppins avec la fadeur prosélytique d’une télé réalité sur les bienfaits du mariage (Mariés au premier regard sur M6) constitue un gage malgré soi d’intérêt limité…

Antoine Mournès

The Great Indoors (CBS) 

Deux ans après l’arrêt de Community, Joel McHale fait son grand retour dans la comédie. Crée par Mike Gibbons, la série suit les aventures de Jack Gordon, aventurier à la Bear Grylls qui rejoint un magazine sur la nature dirigé par un vieil ami, Roland. Malheureusement, le format papier de ce magazine va être mis en arrêt de production et tout va se passer désormais sur Internet. Pour mener à bien sa mission, Jack va donc devoir bosser sous les ordres de Brooke, la fille de Roland et son ancienne petite-amie. On retrouve là, un des schémas classiques de sitcom, le personnage obligé de travailler avec une de ses anciennes conquêtes. En plus de Brooke, Jack va être associé à une bande de jeunes adulescents, et à partir de cette confrontation vue mille fois, l’humour ne décolle jamais. En effet, le choc des générations entre Jack Gordon le quarantenaire et ces jeunes parmi lesquels on retrouve Christopher Mintz-Plasse (Kick-Ass 1&2, Flacked), l’un des acteurs les plus énervants de sa génération, va déboucher sur une quantité de blagues concernant les clichés de leur génération Y. Entre addiction aux réseaux sociaux, sensibilités exacerbés, fainéantise, tout y passe, parfois de façon peu légitime. Résultat : les blagues tombent la plupart du temps à plat. Le personnage de Gordon fait d’ailleurs un peu penser à celui que Joel McHale jouait déjà dans la comédie de Dan Harmon, un homme hautain et sûr de lui, condescendant avec des personnes plus jeunes, à l’exception que pour la première sur 6 saisons (aucun commentaire), l’humour était varié et ne reposait pas que sur des clichés, The Great Indoors a l’air d’en faire son crédo (si on oublie les 2-3 blagues sous la ceinture). En conclusion, cette nouveauté sera très vite oubliée…

Maxime Thiss

 

 

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