Critique Halt & Catch Fire

Synopsis : Au cœur des années 80, au Texas, un visionnaire, un ingénieur et un prodige spécialisés dans la micro-informatique confrontent leurs inventions et innovations aux géants de l’époque. Leurs relations sont alors mises à rude épreuve, entre convoitises, jalousies et crises d’ego.

Du génie à la folie

Joe MacMillan (Lee Pace) débarque dans une petite entreprise texane, Cardiff Electric, dirigé par John Bosworth (Toby Huss), pour créer un ordinateur capable de concurrencer le géant IBM. C’est un visionnaire, guidé par le besoin de tuer le père, un ponte d’IBM, lui-même étant un ancien cadre de cette multinationale, qui a disparu durant un an. Le choix de Cardiff Electric, n’est pas anodin, il veut tirer la quintessence d’un génie qui vit dans l’échec de sa seule œuvre informatique, Gordon Clark (Scoot McNairy), qui a failli le mener à la folie et détruire son mariage avec Donna Clark (Kerry Bishé). Joe McMillan injecte du sang frais, en ramenant Cameron Howe (Mackenzie Davis), une jeune femme surdouée en informatique, au caractère bien trempé et convoitée par diverses firmes. L’association de ce trio improbable, doit mener à la création d’un ordinateur innovant et capable de concurrencer IBM, au risque de sacrifier l’esprit de chacun et Cardiff Electronic, pris en otage par la folie de Joe McMillan.

En associant les années 80 avec l’informatique, les créateurs Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers, surfent sur la nostalgie d’une époque revenue à la mode, en attestent les sorties de Ping Pong Summer ou Les Gardiens de la Galaxie, et un outil qui est devenu incontournable au 21ième siècle, déjà traité sous le ton de la comédie dans l’excellente série d’HBO Silicon Valley.

La série repose sur un trio de personnages aux personnalités contrastées. Lee Pace use de son charisme, de son manque d’empathie pour mener à bien son projet. Un homme mystérieux et manipulateur, qui n’a ni morale, ni limites. Scoot McNairy est un artiste fragile, qui tente d’oublier son échec dans un travail ennuyeux, pour ne pas perdre la femme de sa vie, Kerry Bishé. Mackenzie Davis, jeune et donc rebelle, ne vit que pour sa passion de l’informatique, loin des conventions, tout en entamant une romance avec Lee Pace. Au cours du récit, le trio va devenir un quatuor, Kerry Bishé prenant de plus en plus d’importance dans la création de cet ordinateur, qui devient une obsession pour les deux hommes, flirtant avec la folie et l’autodestruction.

Le plaisir de suivre l’évolution des rapports entre ces personnages atypiques, est la principale qualité de la série. En se focalisant sur un trio, le casting n’avait pas droit à l’erreur. Là aussi, c’est réussi avec Lee Pace en leader, bien loin de son personnage dans Pushing Daisies. Il revient dans un rôle sombre, ou ses faux-airs de John Cusack et sa grande carcasse font merveille. En opposition, Scoot McNairy avec son frêle physique, sa barbe et sa situation familiale stable, en apparence. Un génie au rêve brisé, retrouvant de sa splendeur au contact de Lee Pace, pour le meilleur et le pire. Mackenzie Davis, au physique androgyne, des airs de Robin Wright avec sa blondeur, en contradiction avec la noirceur de Lee Pace et Scoot MacNairy. Elle est encore naïve, n’a pas encore été confrontée au monde du travail et à son vice. Elle est le rayon de soleil, mais pas une victime. Chacun a sa personnalité, mais surtout, un fort caractère.

La réalisation est simple, parfois trop, pour donner un peu plus le sentiment d’être dans les années 80. Heureusement, l’interprétation, l’intrigue et les dialogues rendent l’ensemble captivant. Les rapports entre les personnages devenant plus important que la construction de cet ordinateur, qui doit changer leurs vies et le monde.

Le couple Scoot MacNairy/Kerry Bishé est le plus intéressant. Il a déjà failli imploser, par la faute de celui-ci. Cette nouvelle aventure, va encore mettre à mal leur famille. La folie n’étant jamais très loin, ni les tentations. On se passionne pour ses parents de deux adorables jeunes filles.

Lee Pace et Mackenzie Davis forment un couple improbable, aussi instable, que lui se montre détestable. Derrière leurs masques, se cachent des douleurs et une fragilité insoupçonnée. La complexité des personnages est en osmose avec les différents obstacles et rebondissements, qui doit mener à la réussite de leur entreprise. Rien ne sera simple pour eux. Comme toute œuvre née d’un esprit torturé, cela se fera dans la douleur, au prix de nombreux sacrifices.

Malgré de bonnes notes et des critiques élogieuses, la série n’a pas rencontré son public. On reste suspendu à la décision d’AMC de renouveler celle-ci pour une seconde saison, au risque de nous laisser sur notre faim, sans nous offrir un dénouement digne de la qualité de cette série originale et captivante.

Fiche technique – Halt & Catch Fire, Saison 1

Halt & Catch Fire
USA – 2014
Créateurs : Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers
Réalisateurs : Juan José Campanella, Jon Amiel, Ed Bianchi, Larysa Kondracki, Karyn Kusama, Terry McDonough, Johan Reck et Daisy Von Sherler Mayer
Scénaristes : Jamie Pachino, Jason Cahill, Dahvi Waller, Zack Whedon et Jonathan Lisco
Casting : Lee Pace, Scott McNairy, Mackenzie Davis, Kerry Bishé et Toby Huss
Production : Christopher Cantwell, Christopher C. Rogers, Jonathan Lisco, Mark Johnson et Melissa Bernstein
Chaîne de diffusion : AMC
Saison : 1
Nombre d’épisodes : 10 de 42 minutes

Auteur de la critique: Laurent Wu