Film hors du commun d’une vie à première vue ordinaire, What’s Eating Gilbert Grape retrace les moments de vie d’une famille à l’écart de la société, perdue dans une petite ville campagnarde de l’Iowa. Gilbert, l’ainé de la famille, endosse la responsabilité de s’occuper des siens, malgré les difficultés auxquelles il fait face.
Avec ce film, Léonardo Di Caprio reçoit sa première nomination aux Oscars en tant que meilleur acteur secondaire ; la statuette revient cependant à Tommy Lee Jones pour Le Fugitif. A tout juste dix-neuf ans, le jeune acteur fait pourtant l’unanimité au sein des critiques : sa performance en tant que jeune autiste convainc le milieu, et représente un tremplin pour la suite de sa brillante carrière d’acteur.
La caméra au service des acteurs
La force de What’s eating Gilbert Grape est la performance de ses acteurs : que ce soit Leonardo Di Caprio, Johnny Depp, ou encore Darlene Cates, qui joue Bonnie, tous offrent une sensibilité unique qui crève l’écran. Les mouvements de caméra sont moindres et les plans restent stables, presque figés sur les acteurs, comme si l’image n’était qu’un témoin qui se cachait pour laisser place entière aux personnages. Tout est dans l’action, dans le jeu des acteurs : il n’y a pas d’effet visuel particulier, ni d’impulsion esthétique. La caméra laisse la nature et les personnages s’exprimer : là est toute la beauté du film.
Une mise en scène épurée, voire apaisante
Endora est un village simple, presque vide. Les rues sont silencieuses et peu visibles à l’écran, puisque la maison des Grapes est excentrée du village. De ce fait, l’isolement est double : au-delà des cris d’Arnie, le spectateur entend la brise matinale et le chant harmonieux des oiseaux. Ainsi, le spectateur reste extérieur aux problèmes de la famille Grape, car celle-ci est entourée d’un décor calme et apaisant qui nous submerge.
Le seul instant où la présence du village se fait sentir est lorsque Bonnie sort de chez elle pour la première fois depuis la mort de son mari. Les regards intransigeants se posent avec brutalité sur elle, et le poids de ces regards troublent et submergent aussi bien Bonnie que le spectateur.
Gilbert, ou le rôle inversé du protagoniste
Nous retrouvons Johnny Depp là où on ne l’attendait pas, lui qui joue à merveille les rebelles (notamment dans Cry Baby sorti trois ans plus tôt). Ici, il livre une performance à fleur de peau, déchirée entre la responsabilité et la culpabilité qui inonde son personnage.
Par ailleurs, What’s eating Gilbert Grape reste avant tout une histoire de famille : c’est l’histoire d’une lutte pour l’amour des siens. Gilbert ne vit pas pour lui ; il vit pour sa famille, quitte à s’oublier lui-même. Lorsque Becky lui demande ce qu’il veut réellement, il ne parle de ce qu’il veut lui, mais de ce qu’il veut pour sa famille. Même si le titre du film met Gilbert en avant, celui-ci met de côté sa propre identité.
Becky est la seule personne qui lui permet l’introspection ; elle l’aide à se concentrer sur lui-même, au-delà de toutes les responsabilités qui l’accablent. Elle est la seule personne dont il n’est pas obligé de s’occuper. En d’autres termes, elle lui permet de reprendre le contrôle de son identité.
Finalement, pour Gilbert, son entourage est à la fois une source de problème et d’émancipation. Il vaque à son existence, entouré d’un amour familial qui subsiste au-delà des mots.
Bande annonce : What’s eating Gilbert Grape de Lasse Hallström
Fiche technique : What’s eating Gilbert Grape
Titre : Gilbert Grape
Titre original : What’s eating Gilbert Grape
Réalisation : Lasse Hallström
Scénario : Peter Hedges, d’après son propre roman What’s eating Gilbert Grape
Avec Leonardo DiCaprio, Johnny Depp, Juliette Lewis, Mary Steenburgen, John C. Reilly, Darlene Cates…
Production : David Matalon, Bertil Ohlsson et Meir Teper
Musique : Björn Isfält et Alan Parker
Photographie : Sven Nykvist
Montage : Andrew Mondshein
Pays d’origine : États-Unis
Format : couleur – 1,85:1 – Dolby – 35mm
Genre : comédie dramatique
Durée : 118 minutes (1 h 58)
Date de sortie : 25 décembre 1993 (États-Unis), 6 avril 1994 (France)