Voyage en terrain connu avec Quentin Tarantino
Alors que le dernier film de Quentin Tarantino Les Huits Salopards est toujours dans les salles, TCM rediffuse une discussion entre le réalisateur et Elvis Mitchell. Cette discussion de 28 minutes fait partie d’un programme appelé Sous Influence, enregistrée pour TCM Amérique en 2008, soit entre Boulevard de la Mort et Inglourious Basterds. Cependant, ce n’est pas une interview classique d’un réalisateur américain, comme on peut en voir des centaines à la télévision. Comme le titre l’indique, la discussion porte essentiellement sur les inspirations de Quentin Tarantino, ses plaisirs et déplaisirs de cinéma.
L’entretien est menée par Elvis Mitchell. Derrière ce nom très musical se cache un grand monsieur à petites lunettes paré de dreadlocks. Peu connu en France, c’est un critique de cinéma réputé aux Etats-Unis, écrivant pour le New York Times et dans d’autres journaux. Il anime aussi l’émission The Treatment sur la radio californienne KWCR, et enfin, présente pour TCM son émission Under the Influence. Elvis Mitchell a une manière bien à lui de conduire les discussions avec ses invités. Au lieu poser les questions habituelles et surfaites, Mitchell s’intéresse à ce qui fait véritablement la personne en face de lui, et cherche à sonder en profondeur ses motivations par des questions détournées. Pour cette interview par exemple, Quentin Tarantino vient de sortir il y a à peine un an son film Boulevard de la Mort. On aurait pu s’attendre à tout types de questions de la part du présentateur, comme « Pourquoi vous aviez envie de faire un film de genre ? » ou bien « De quoi vous vous êtes inspirés pour ce film ? ». Mitchell a l’intelligence d’ouvrir la discussion par « Quel est le premier film qui vous a fait peur ? ». Question très personnelle s’il en est, et Quentin Tarantino n’est pas avare de réponses. En répondant à cette question, on en apprend plus sur l’homme s’il nous intéresse, mais bien plus, on comprend comment il fonctionne, et donc comme il réagit, comment il agit, et enfin comment il conçoit ses films. Il est évident que si les films dont se souvient encore Tarantino sont Don’t look in the basement! de Brownrigg et La dernière maison sur la gauche de Wes Craven, leur manière de faire passer la peur va se retrouver dans le cinéma de Tarantino, d’une manière ou d’une autre.
Ainsi, au cours de cette discussion, QT parle du cinéma qu’il aime. Ce qui est impressionnant, c’est qu’il est incollable sur le sujet, faisant des parallèles entre tel réalisateur et tel réalisateur actuel, citant des acteurs oubliés des années 50 à qui il voue son admiration. On sait que Tarantino est un passionné de films en tout genres et notamment de films d’exploitations classés B, qu’il absorbe et réinjecte dans son cinéma (il le dit lui-même dans l’interview). Parfois, il lui arrive même de citer certains films qu’il apprécie par dessus tout, et Elvis Mitchell semble étonné. Parce que Tarantino est quelqu’un qui a ses goûts propres, son cinéma qu’il défend, sa manière bien à lui d’aimer le cinéma et de le transmettre. Parlant de ses influences, il cite des maîtres de la couleur : Minnelli, Almodovar, Sirk… et cela nous aide à appréhender son cinéma, qui est lui aussi indéniablement basé sur la couleur. Il suffit de voir les affiches de Pulp Fiction ou de Kill Bill. La couleur et les acteurs, voilà en effet deux éléments qu’on ne peut pas louper chez Tarantino. Grâce à l’interview, on peut aller chercher les références cachées qu’il nous propose. C’est là l’autre avantage. En grand connaisseur, Tarantino donne ici de nombreux noms tout droit sortis des années 50, que les premiers adorateurs de ses films ne connaissent pas forcément. Que Tarantino, maître du divertissement en personne, permette de faire redécouvrir de belles oeuvres, c’est absolument génial. De plus, l’interview est ponctué d’extraits de films cités qui permettent déjà une première approche, une première passerelle. Seul défaut de l’interview : sa durée, 28 minutes seulement, bien trop courtes pour explorer le cinéma de Tarantino.