Avant d’initier la valse des zombies de The Walking Dead sur la chaine AMC, Frank Darabont portait à l’écran une nouvelle méconnue du romancier de l’horreur : Rita Hayworth and The Shawshank Redemption (Les Evadés). Ou comment voir Morgan Freeman et Tim Robbins se donner la réplique dans un drame carcéral typé 50’s prônant l’espoir et l’abnégation comme seules voies de rédemption.
S’il n’incarne aujourd’hui qu’un des nombreux showrunner à s’être fait débarquer d’une série populaire pour cause de différents créatifs (l’excuse typique à Hollywood), Frank Darabont n’en a heureusement pas toujours été ainsi. Jeune premier des années 1980 à la recherche de succès, l’américain s’échina initialement à vouloir percer dans le milieu horrifique. Après un court-métrage directement inspiré de la nouvelle Chambre 312 de Stephen King, il fait ses classes auprès de Chuck Russell (The Blob, Les Griffes de la Nuit) et Chris Walas (La Mouche 2). Un parcours haut en couleur, qui de son aveu n’est mu que par une intention tout autre : obtenir le respect de la profession et lui permettre de concrétiser un vieux rêve ; l’adaptation d’une autre nouvelle du romancier de l’horreur, cette fois-ci sur grand écran : Rita Hayworth and The Shawshank Redemption (Les Evadés en VF). Le pitch ? Une odyssée carcérale nichée en plein milieu des années 50 voyant 2 prisonniers que tout oppose, se rapprocher et desceller malgré l’enfer ambiant, une petite dose d’espoir (salvatrice). Autant dire une interlude humaniste dans le vivier horrifique du romancier qui sous ses atours de drame carré, recèle bien plus qu’il n’y paraît. Une manne qui n’a pas dû échapper au réalisateur, entre temps adoubé en personne par King, et dont l’opiniâtreté lui permettra de signer l’un des films les plus appréciés de tous les temps.
Vol au dessus d’un nid de coucou
Bien sur à l’époque, rien n’indiquait que le film deviendrait un succès d’estime auprès des cinéphiles. Loin de là même. Happé dans le tourbillon généré par Forrest Gump sorti quelques mois avant, Les Evadés sera ce qu’on appelle plus communément dans le jargon, un four. Il n’empêche que ses nominations aux Oscars commenceront gentiment à l’imposer en outsider et permettront même une certaine réévaluation de l’oeuvre originale. Car pour beaucoup, cette histoire de relation fraternelle derrière les barreaux ne sera qu’une itération de plus dans le genre du drame carcéral. Mais là où le génie de King et celui de Darabont s’affirment, c’est bel et bien en ayant pris le soin de se détourner de ce modèle et en imposant au sein du récit, le seul sentiment que n’éprouvent plus les prisonniers au sein de leur geôle : l’espoir. Ainsi, qu’il soit transmis par la grâce des répliques, le score musical composé par Thomas Newman ou l’image jamais soumise à l’obscurité, l’espoir habite tous les plans du film et se mélange très vite à l’abnégation et la persévérance, deux autres sentiments majeurs du récit. Autant dire une belle trouvaille du romancier, qui n’en oublie pas son crédo horrifique, en dépeignant au milieu de ces moments de grâce, des pointes d’effroi non dissimulées comme lors d’une session de violence voyant le gardien chef molester un prisonnier criard ou que le héros Andy Dufresne est la cible d’attaques répétées d’autres détenus. Mais on sent bien que Darabont, non content de pouvoir adapter son maître, est un homme éminemment positif dans l’âme. Son sens de la mise en scène et de la composition incarne presque tout le temps cette alternative à l’horreur quotidienne. On ressent ainsi de nombreuses fois la camaraderie, la malice, la fronde, ce cheptel de sentiments irrémédiablement liés à l’amitié et somme toute à la joie, quitte à proposer carrément plusieurs franches rigolades. Un contraste qui amuse tant par sa surprise, que par sa cohérence : en voulant montrer qu’une prison n’empêche pas le lien social, les rêves ou le confort, Darabont propose une tranche de vie sincère, humaniste et belle. Le contraste en est d’ailleurs tellement appuyé que lorsqu’on s’attarde sur l’extérieur de la prison (la société donc), les scènes en plus d’être furtives sont beaucoup plus dures aussi bien en terme d’émotions que de récit, ce qui renforce en substance cette idée que Darabont transmet à travers son film : pour quiconque y croit, l’espoir peut se trouver n’importe où.
En sacralisant l’espoir et la persévérance au détriment de l’horreur quotidienne d’une prison, Frank Darabont, bien aidé par Stephen King, signe une œuvre à la beauté singulière et au cachet inégalable. Un chef d’œuvre d’émotions, de délicatesse et de douceur à voir absolument.
Les Evadés : Bande-Annonce (VOST)
Synopsis : En 1947, Andy Dufresne, un jeune banquier, est condamné à la prison à vie pour le meurtre de sa femme et de son amant. Ayant beau clamer son innocence, il est emprisonné à Shawshank, le pénitencier le plus sévère de l’Etat du Maine. Il y fait la rencontre de Red, un Noir désabusé, détenu depuis vingt ans. Commence alors une grande histoire d’amitié entre les deux hommes…
Les Evadés : Fiche Technique
Titre original : The Shawshank Redemption
Titre français : Les Évadés
Réalisation : Frank Darabont
Scénario : Frank Darabont, d’après le roman Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, de Stephen King
Décors : Terence Marsh
Costumes : Elizabeth McBride
Photographie : Roger Deakins
Montage : Richard Francis-Bruce
Musique : Thomas Newman
Production : Niki Marvin, Liz Glotzer et David V. Lester
Société de production : Castle Rock Entertainment
Société de distribution : Columbia Pictures
Budget : 25 000 000 $
Langue originale : anglais
Format : Couleurs Technicolor – 1,85:1 – Dolby / SDDS – 35 mm
Genre : Drame
Durée : 142 minutes
Dates de sortie :
• États-Unis : 23 septembre 1994
• France : 1er mars 1995
Etats-Unis – 1994