Passeport pour Pimlico, un film de Henry Cornelius : Critique

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Les sorties du mercredi sont généralement synonymes des nouveautés cinéma. Pourtant, il arrive que certains distributeurs décident de ressortir certains titres anciens et d’en faire des reprises dans quelques salles françaises. C’est le cas de Passeport pour Pimlico à l’affiche cette semaine.

Issu du mythique studio Ealing, sa ressortie en salles est une volonté du français Tamasa Distribution qui a décidé de sortir en catimini quelques longs métrages issus de l’Age d’Or de la comédie britannique des années 1940 et 1950. Intitulée « My British Comédies – Alec Guinness & Friends », cette rétrospective met en avant des comédies légères mais cyniques qui dépeignent la société britannique et ses concitoyens dans une approche pleinement satirique. Présenté à Cannes en 1949, le film est une vraie réflexion sur l’identité nationale au sortir d’une guerre qui n’a fait qu’interroger les peuples sur leurs convictions politiques. Dans un Londres où la réglementation est devenue très stricte, et après quelques recherches archéologiques accidentelles, des habitants d’un quartier de Londres se rendent compte qu’ils sont en fait rattachés à une province française, la Bourgogne. Saisissant l’opportunité historique de se montrer indépendant, les habitants vont se rendre compte de la difficulté de se soulever contre l’Etat. Et c’est le point de départ d’un formidable et amusant brûlot politique.

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A la tête de ce projet, on trouve un certain Henry Cornelius dans ce qui est son premier long-métrage. Né en Afrique du Sud mais également d’origine allemande, Cornelius trouva dans l’Allemagne de l’entre-deux guerre un formidable terrain d’expérience où il apprit l’art de la direction auprès de Max Reihnardt, un célèbre metteur en scène de théâtre autrichien. Cet apprentissage allemand lui aura permis de faire ses mains d’armes sur quelques pièces de théâtre mais il écourte son séjour pour s’exiler en France lorsqu’Hitler arrive au pouvoir. Il étudiera à la Sorbonne et aura même l’opportunité de travailler avec René Clair. Son arrivée à Londres à la fin de la guerre va l’amener à travailler sur du montage de longs-métrages, dont celui d’un réalisateur notable, Le lion a des ailes de Michael Powell. Il fût à l’origine de l’édition finale de cinq films et sera même producteur à trois reprises. Il s’engage dans un projet monté par les studios Ealing qui souhaite se diversifier après la célèbre anthologie horrifique Dead of Night ou de très nombreuses incursions dans le documentaire de guerre réaliste. Scénarisé par un ancien journaliste et auteur de nombreux romans, Thomas Ernest Bennett Clarke (T.E.B. Clarke) imagine Passeport pour Pimlico en se démarquant du tout-venant par un style qui croise un humour fin et un sens de l’observation rigoureux sur les classes populaires et les conséquences d’une guerre dont le traumatisme sera sans fin. C’est par hasard qu’après une discussion avec Henry Cornelius lui narrant un fait divers sur un homme condamné au nom d’une loi médiévale jamais abrogée que T.E.B. Clarke achève le scénario du film. Ce même hasard voudra que Henry Cornelius soit à la charge de la réalisation du projet. Comme si la légende s’était écrite d’elle-même.

Ce qu’il faut retenir de ce Passeport pour Pimlico et qui est la principale raison de sa reprise au cinéma par Tamasa Distribution, c’est que ce film est une comédie tout ce qu’il y a de plus sympathique et légère. Avec un vrai sens de la narration et des dialogues qui visent juste, Passeport pour Pimlico est une comédie satirique qui offre un regard sur l’absurdité politique qui peut régir même les démocraties les plus modernes. On ne rit pas à gorge déployée dans ce film mais on s’amuse de la situation dans laquelle s’embourbe ce petit quartier londonien, exaspéré des rationnements, du couvre-feu et d’interdiction en tout genre. C’est cette touche d’humour typique de la Grande Bretagne qui ajoute un charme indéniable à ce film que l’on regarde avec un sourire en coin et un œil malicieux. Il n’y a pas de recherche constante du gag, même si quelques figures de répétitions sont présentes, mais il règne comme une ambiance chaleureuse et conviviale dans ce petit quartier où tout le monde se connaît qui contrebalance avec un contexte social réaliste à la limite de l’oppression. Malgré les difficultés devant lesquels doivent faire face les habitants du quartier, il y a toujours cette bonne humeur insouciante qui peut tranquillement se dérouler jusqu’à la prévisible réconciliation nationale.

Pour autant, derrière ses allures de comédie absurde, Passeport pour Pimlico s’avère particulièrement dissipé et voir un tel film qui revendique avec autant de fierté cette prise de conscience cette volonté d’indépendance par le peuple au sein-même d’un pays royaliste mais démocratique, c’est plutôt osé. Il s’agira au final d’une caractéristique récurrente des comédies Ealing qui mettront en avant ces aspirations de l’air du temps et cette sensation d’affranchissement de la société. Pour ceux qui douteraient de la crédibilité d’une telle situation, il faut savoir que ce sont des faits réels de la seconde guerre mondiale qui ont également inspiré T.E.B. Clarke. En effet, la Hollande occupée par les nazis, la famille royale fut contrainte de s’exiler au Canada. La future Reine Juliette y donna naissance à la princesse Margriet, à la maternité de l’Hôpital Civique d’Ottawa. La localité fut donc déclarée extraterritoriale, afin que la jeune héritière ne perde pas son droit à trône. T.E.B. Clarke a simplement adapté ce récit incroyable dans une Angleterre qui aurait vu une parcelle de son territoire appartenir à la France. Dans ce sens, l’arrivée du québécois Paul Dupuis est assez savoureuse, représentant avec tout le charme et l’élégance l’image qu’à le Royaume Uni de la France.

Au-sein même de ce film, il faut reconnaître qu’hormis son scénario d’une certaine audace, Passeport pour Pimlico ne brille pas particulièrement pas l’audace de sa mise en scène. Classique jusqu’au-boutiste, l’image du film n’est pas l’élément primordial et c’est davantage le récit qui a finalement intéressé les gens, ce que les studios savaient très bien. Il se dit même que la mise en scène du film fût une opération très collective, chacun des membres de l’équipe technique contribuant avec plus ou moins de fermeté dans ce qui fût une véritable « affaire de famille ». Pour l’anecdote, Henry Cornelius quittera les studios Ealing en bons termes pour partir produire ses films de manière pleinement indépendante. D’une courte durée, Passeport pour Pimlico ne s’essouffle jamais vraiment grâce à l’enchaînement de petites scénettes des avantages et des inconvénients d’être une nouvelle nation tandis que tous les personnages avec leurs qualités et défauts personnels apportent une vraie chaleur humaine au film.

Très bonne initiative donc de Tamasa Distribution que de proposer cette rétrospective des comédies des Studio Ealing et particulièrement de ce Passeport pour Pimlico. Pas dénué de défaut, Henry Cornelius réalise un premier long métrage fort sympathique, plutôt inventive et délicieusement porté par une troupe de comédiens enjoués. Ajouté à cela une réflexion sur nos sociétés démocratiques d’après-guerre et vous obtenez ce récit audacieux qui aurait mérité un traitement plus approfondi mais qui se regarde assurément sans déplaisir. Il serait fort dommage de bouder ce plaisir « so british ».

Synopsis: A Pimlico, un quartier de Londres, l’explosion d’une bombe, dernier vestige de la guerre, met à jour un trésor du XVe siècle ainsi qu’un édit royal certifiant que Pimlico est la propriété des ducs de Bourgogne. Aucun décret n’ayant annulé depuis cet héritage, les habitants décident de proclamer leur indépendance à l’égard du Royaume-Uni.

Passeport pour Pimlico : extrait

Fiche Technique : Passeport pour Pimlico

Titre originale: Passport to Pimlico
Royaume-Uni
Réalisation: Henry Cornelius
Scénario: T.E.B. Clarke
Interprétation : Stanley Holloway (Arthur Pemberton), Betty Warren (Connie Pemberton), Barbara Murray (Shirley Pemberton), Paul Dupuis (Duke of Burgundy), John Slater (Frank Huggins), Jane Hylton (Molly)
Genre: Comédie
Durée: 94min
Image: Lionel Banes
Décor: Roy Oxley
Costume: Anthony Mendleson
Montage: Michael Truman
Son : Georges Auric
Producteur: Michael Balcon & E.V.H. Emmett
Production: Ealing Studios & J. Arthur Rank Films
Distributeur: Tamasa Distribution
Budget : /
Festival: Nominé à l’Oscar du Meilleur Scénario en 1950 et au BAFTA du Meilleur Film Britannique en 1950

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné