S’inspirant d’un fait divers authentique qui marqua la France des années 70, Yves Boisset nous livre un film policier musclé et engagé.
Synopsis : à Saint-Etienne, le juge d’instruction Jean-Marie Fayard enquête sur une affaire d’assassinat qui semble cacher la préparation d’un gros coup et une implication politique.
Le Juge François Renaud
Le 3 juillet 1975, à Lyon, est assassiné le juge François Renaud. C’est le premier magistrat français à être abattu depuis l’Occupation. C’est de cette affaire que s’inspirera Yves Boisset pour faire son Juge Fayard dit le Shériff.
Le cinéaste cache à peine son influence. Il se contente de déplacer l’action de Lyon à Saint-Etienne (le Gang des Lyonnais deviendra Gang des Stéphanois). Le reste est presque totalement identique. Il faut dire que le sujet correspond pleinement aux thèmes politiques du cinéma de Boisset.
Le portrait d’un homme
Le Juge Fayard dit le shériff est avant tout le portrait d’un homme. Dès les premières images, nous voyons un personnage qui avance droit devant lui, sans s’arrêter, sans faiblir, certain de ce qu’il fait parce qu’il n’agit que selon sa conception de la justice. Une conception que ses détracteurs n’hésiteront pas à qualifier de « gauchiste », mais qu’importe ! S’il faut faire arrêter un chef d’entreprise bien en vue parce qu’il contourne la loi, alors il ne se posera pas deux fois la question.
Et il n’a pas peur des pressions, Fayard. Tous ses supérieurs jusqu’au Garde des Sceaux se réunissent pour le rappeler à l’ordre, pour l’intimider, mais le petit juge représente la justice à lui tout seul. Et cette idée de la justice pourrait être mise en parallèle avec l’idée du cinéma de Boisset, tant Fayard paraît être un alter ego du cinéaste, lui aussi qualifié de « gauchiste » et n’ayant pas peur de foncer dans le tas quand il le faut.
Parce que Fayard, il peut être brutal. Il cogne dur. Il intimide lui aussi. Il interroge des témoins sur leur lit d’hôpital, n’hésitant pas à les secouer. Et plus la pression augmentera, plus il va devenir nerveux, y compris avec sa compagne.
Bien entendu, Fayard, c’est Patrick Dewaere et, comme d’habitude, l’exceptionnel acteur qu’il fut (un des meilleurs acteurs du cinéma français) apporte au personnage toute l’intensité de son jeu. Il est impressionnant, son charisme habite littéralement l’écran. L’ensemble du casting est au même niveau, vraiment remarquable, avec quelques-uns des grands acteurs français de l’époque comme Philippe Léotard ou Marcel Bozzuffi.
À l’américaine
La mention d’un shériff dans le titre annonce la couleur : Boisset s’inspire du cinéma policier américain et ne le cache pas. Lorsque l’on voit ce juge inflexible, ne reculant devant rien pour faire appliquer sa conception de la justice, détesté par des supérieurs dont on peut douter de la détermination, impossible de ne pas penser à Harry Calahan, toutes proportions gardées, bien évidemment.
On est bien ici dans un polar à l’américaine : préparant d’un « gros coup », courses-poursuites, fusillades, évasion, meurtres, tout y est.
Mais ce film est aussi, et avant tout, une œuvre politique. Boisset n’a jamais caché ses sympathies politiques, et le film commence par l’arrestation d’un patron indélicat accusé de maltraiter ses employés. Alors que le même patron est relâché et que fayard est dessaisi du dossier, on comprend où le cinéaste veut en venir.
Le Juge Fayard, dit le Shériff met en évidence la collusion entre politiciens et réseaux mafieux, mais surtout il dénonce l’impossibilité de mener une enquête honnête lorsque des enjeux politiques sont présents. C’est donc toute une pratique de la justice qui est questionnée ici.
Le Juge Fayard dit Le Shériff: Bande-annonce
Fiche technique – Le Juge Fayard dit le Shériff
Date de sortie originale : 12 janvier 1977
Date de nouvelle sortie nationale : 10 juin 2015
Nationalité : France
Réalisation : Yves Boisset
Scénario : Yves Boisset et Claude Veillot
Interprétation : Patrick Dewaere (le juge Jean-Marie Fayard), Aurore Clément (Michèle Louvier), Philippe Léotard (l’inspecteur Marec), Jean Bouise (le procureur général Arnould), Henri Garcin (le substitut Picot), Jacques Spiesser (le juge Jacques Steiner), Marcel Bozzuffi (Joanno, le Capitaine), Roland Blanche(Paul Lecourtois, dit Paulo), Bernard Giraudeau (le juge Davoust), Jean-Marc Thibault (Camus)
Musique : Philippe Sarde
Photographie : Jacques Loiseleux
Décors : Serge Sommier
Montage : Albert Jurgenson et Laurence Leininger
Production : Yves Peyrot, Yves Gasser et Lise Fayolle
Société de production : Production Companies, Action Films, Filmédis et Société Française de Production
Société de distribution : Compagnie Commerciale Française Cinématographique, Jupiter Communications
Budget : NR
Genre : drame, policier
Durée : 112’
Récompenses : Prix Louis-Delluc 1976