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Le Baron de Crac, un film de Karel Zeman : Critique

Un personnage haut en couleurs

Le Baron de Münchhausen, de son vrai nom Karl Friedrich Hieronymus, a inspiré nombre d’écrits et de filmographies. Officier allemand et mercenaire du 18ème siècle, l’homme était surtout connu pour embellir et surenchérir ses exploits de sorte qu’on le prenait pour un mythomane. Engagé pendant 10 ans dans l’armée Russe, c’est à son retour en Allemagne qu’il confie à l’écrivain Rudolf E. Raspe le récit de ses soi-disant « extraordinaires aventures » : il aurait voyagé sur la Lune sur un boulet de canon et dansé avec Vénus. Pour cette raison, on le surnomma le Baron de Crac en rapport à l’expression « raconter des cracs » (des mensonges) et le nom de « Münchhausen » a lui-même été utilisé pour qualifier une maladie mentale.

Son histoire a donné naissance à de nombreuses parodies notamment les histoires de Cami et de Bürger ainsi que les illustrations de Gustave Doré qui garnissent le film de Karel Zeman. Alors que la première adaptation cinématographique par Josef Von Baky 1943 connût un franc succès, la version de 1988 par Terry Gilliam (L’Armée des Douze Singes, Tideland) avec Robin Williams et Uma Thurman est un échec immédiat, qui sera applaudi bien plus tard.

Un chef d’œuvre de l’animation

Réalisé en 1962 par le cinéaste Tchèque Karel Zeman, Le Baron de Crac est un film d’animation magnifique et exceptionnel pour son époque. Associant les magnifiques gravures de Gustave Doré, les effets spéciaux et les personnages réels, cette œuvre de Zeman est un fabuleux voyage au confins de l’étrange, là où la réalité rencontre la fiction, d’où ce mariage parfait de techniques variées. Le Baron de Crac entraîne le spectateur à l’intérieur de son monde imaginaire. La voix off du personnage nous conte des aventures aussi rocambolesques qu’oniriques tandis qu’il tente de séduire la princesse Bianca, malheureusement éprise du jeune cosmonaute.

Plus tard, le Baron nous confiera ses pensées, sous un ciel étoilé, entouré de créatures fantastiques alors qu’il vogue sur une barque avec la princesse endormie :

« Si seulement elle savait que le vrai visage de la Lune est tout aussi ennuyeux que son habitant. Quel dommage qu’elle ne comprenne pas mon monde magique ! »

Ainsi, le film est une véritable parodie du conte de fée, une comédie fantastique farfelue et sans limite hormis celle de l’imagination du Baron, habile bonimenteur. Le sujet du Baron de Crac laisse une grande liberté au réalisateur, Karel Zeman, passionné par la sciences-fiction et par Jules Verne.

Un précurseur de la science-fiction

Dans Voyage dans la Préhistoire en 1955 et dans Les Aventures Fantastiques en 1958, Zeman s’attaquait déjà au monde merveilleux de Jules Verne. Pour Le Baron de Crac, c’est encore chez l’auteur de science-fiction qu’il puise son inspiration. Dès le début, le cosmonaute Toník découvre l’inscription « Jules Verne, De la Terre à la Lune, 1865 » sur une fusée échouée sur la Lune, comme un hommage à l’auteur et sans doute un peu comme une transition d’un film vers un autre, une suite logique. Les clins d’oeil à Jules Verne sont nombreux : Toník rencontre ensuite Impey Barbicane, un personnage de l’oeuvre De la Terre à la Lune, il croise un ballon dirigeable puis vogue sur l’océan où une baleine l’engloutit…

D’abord dessinateur, Zeman intégra en 1943 les studios d’animation de Zlin fondés par Hermina Tyrlová, s’inscrivant ainsi dans une foisonnante école tchèque d’animation. Il développe par la suite un genre hybride, entre animation et prise de vue réelle et dépeint un monde de progrès scientifiques où prolifèrent machines et autres inventions phénoménales. Dans l’époque de Jules Verne, Zeman puise des effets visuels, des illusions d’optique. Lors des scènes aquatiques, il manipule l’image qu’il fait danser, onduler et dans le palais du Sultan, il joue avec les profondeurs et la successions de dessins et de plans, semblables à un labyrinthe. Le travail artistique est minutieux et l’effet « magique » garanti. Zeman est un esthète de génie qui en a inspiré bien d’autres tels que Terry Gilliam, Tim Burton, Georges Lucas et Steven Spielberg tant au niveau de la technologie numérique qu’en termes de créativité.

Synopsis : En posant le pied sur la lune, le cosmonaute Toník découvre à sa grande surprise qu’elle est habitée par des personnalités légendaires : Impey Barbicane, Cyrano de Bergerac et le Baron de Münchhausen. Prenant Toník pour un habitant de la lune, le Baron décide de lui faire visiter Terre à sa façon. Ils atterrissent à Constantinople d’où ils délivrent la princesse Bianca, prisonnière du Sultan. et amoureuse de Toník. Le trio s’échappe du palais sur un navire hollandais et s’élance dans des aventures plus extraordinaires les unes que les autres.

Le Baron de Crac/Baron Prásil: bande-annonce

Le Baron de Crac : Fiche Technique

Titre original : Baron Prásil
Réalisateur : Zeman, Karel
Acteurs : Jana Brejchová, Milos Kopecký, Rudolf Jelínek, Karel Höger
Genre : Aventures, Fantastique
Editeur : Malavida
Nationalité : Tchèque, Slovaque
Date de sortie : 1962
Durée : 1h23mn