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Ed Wood, un film de Tim Burton : Critique

Loin des anti-héros gothiques et des univers expressionnistes qui ont jalonné ses précédents films, Tim Burton a pris à revers son public en signant la biographie d’un personnage depuis longtemps oublié, dont le seul point commun avec Pee-Wee Herman, Beetlejuice, Bruce Wayne et Edward aux mains d’argent est de vivre en décalage avec la réalité.

Synopsis : Dans les années 50, un jeune cinéaste naïf mais déterminé essaie de percer à Hollywood en réalisant des films de genre autoproduits, mais les échecs successifs de ses réalisations ne lui vaudront rien d’autre que la réputation d’être « Le plus mauvais réalisateur de tous les temps ». 

A Hollywood, tout est possible, à commencer par être médiocre.

Avec un sujet aussi peu attractif et un style réaliste aux antipodes des attentes des fans du réalisateur, l’échec commercial d’Ed Wood semblait garanti. Qu’est-ce qui a pris alors à Tim Burton de revenir sur le parcours du cinéaste le plus méprisé de son époque ? C’est sans nul doute une volonté de parler de son propre rapport à l’industrie hollywoodienne qui a servi de moteur à cette réalisation particulièrement personnelle.

Sans que l’envie de parler de soi ne vienne jamais parasiter la retranscription des déboires artistiques et personnels d’Ed Wood, le parallèle entre les deux cinéastes via leur envie commune de redonner ses lettres de noblesse au cinéma fantastique est évident et fait du long-métrage un miroir d’un microcosme qui n’a, en quarante ans, pas changé. La croyance aveugle de Wood en la magie du 7ème art en fait un personnage attachant, tout autant que son absence de talent le rend terriblement pathétique. Cet homme qui aimait tant le cinéma qu’il se pensait légitime à faire des films, de la manière qu’il aimait tant les femmes qu’il appréciait se travestir, est bel et bien un vrai rêveur, comme seul Tim Burton pouvait le transcender. Ses difficultés à financer ses films, le faisant constamment courir après des mécènes (tour à tour le producteur Georgie Weiss, l’actrice  Loretta King et l’église baptiste de Californie), et à coordonner sa vie amoureuse avec sa transsexualité, forment deux des principaux enjeux du long-métrage. Mais par-dessus ces deux approches matérielles du sujet, celui de la création artistique est évidemment la principale thématique du film.

Cette histoire vraie est filmée dans un noir et blanc d’une qualité esthétique saisissante, un choix qui désolidarisa La Columbia du projet, ce qui n’empêcha pas Tim Burton de poursuivre son travail selon ses propres envies. Le lien entre Burton et Wood fut ainsi renforcé par cette anecdote. La nostalgie qu’impose cette image léchée appuie merveilleusement la poésie de cette quête désespérée après le rêve américain. Elle donne surtout du crédit à la reconstitution de cette histoire qui pourrait sembler purement fictive, voire même tirée par les cheveux. En termes de réalisme, la façon dont sont filmés les tournages de La fiancée du Monstre et de Plan 9 from Outter Space relève d’un perfectionnisme remarquable, et ce tout particulièrement en ce qui concerne l’interprétation des acteurs. La performance de Martin Landau dans la peau de Bela Lugosi (dont l’amitié avec Ed Wood est elle-même calquée sur celle qu’entretenait Burton avec son idole Vincent Price) est la plus mémorable du film, et lui valut ses deux Oscars, celui du meilleur acteur dans un second rôle et celui du meilleur maquillage.

Les autres personnages, de Bunny Breckenridge (interprété par un Bill Murray délicieusement efféminé) à Criswell (Jeffrey Jones, hypnotique en charlatan pour télévision), en passant par Thor Johnson (incarné par le catcheur George Steele), sont autant de figures bigarrées que l’on croirait tout droit sorties de l’imagination fertile de Tim Burton. Et pourtant, la réalité des faits (que rappelle l’apparition surprise d’un individu dont personne n’oserait remettre en doute l’existence, Orson Welles interprété par un Vincent D’onofio très juste) est un signe fort de la loufoquerie ambiante à Hollywood, ville de tous les possibles. Sans pour autant être un happy-end, puisque l’on nous y rappelle que le grand projet d’Ed Wood fut un parfait nanar, la fin du film reste optimiste en vantant la façon dont, avec une volonté de fer, chacun peut réaliser ses rêves. Même une fois devenu une icône de la contre-culture, Ed Wood ne retenta jamais l’expérience du cinéma, il aura donc fallu attendre que ce soit Tim Burton qui réhabilite son travail, à défaut de son œuvre, prouvant ainsi à la fois son goût pour les causes perdues (déjà sensible dans ces réalisations antérieures) mais surtout son amour du cinéma, sous quelque forme que ce soit.

Ed Wood : Bande-annonce

Ed Wood : Fiche Technique

Réalisation: Tim Burton
Scénario: Larry Karaszewski, Scott Alexander
Interprétation : Johnny Depp, Martin Landau, Bill Murray, Sarah Jessica Parker, Patricia Arquette, Jeffrey Jones….
Directeur de la photographie : Stefan Czapsky
Montage: Chris Lebenzon
Compositeur : Howard Shore
Producteur: Tim Burton
Production: Touchstone Pictures
Budget : 18 000 000 $
Genre: Biopic
Durée: 125 min
Date de sortie: 21 juin 1995

Etats-Unis – 1994

Rédacteur