En 2012, le prix Un Certain Regard du festival de Cannes est attribué à Michel Franco pour son film Después de Lucia. Le réalisateur mexicain avait déjà troublé la croisette en 2009 avec son premier long métrage Daniel y Ana sur deux frères et soeurs kidnappés et forcés à coucher ensemble par leur ravisseurs. Son second film, Después de Lucia, aborde de nouveau la torture mais présenté cette fois dans le cadre du lycée, où nos tortionnaires sont de simples lycéens. Et c’en est d’autant plus choquant.
Peu loquace au début, Después de Lucia se dispense d’explications et présente nos personnages : Roberto et sa fille Alejandra démarrent une nouvelle vie à Mexico. Lui en tant que chef cuisinier dans un restaurant chic, et elle dans un lycée bourgeois. Les images parlent d’elle même et on comprend très vite qu’ils sont en réalité en deuil. Lucia, la mère de Alejandra, est récemment morte dans un tragique accident de voiture, qui ne sera d’ailleurs que suggéré (voire presque caché) tout au long du film. Une ambiance dès le début très peu loquace et très lente, pour mieux créer le malaise et monter crescendo dans l’histoire insoutenable du harcèlement.
Le lycée comme théâtre du drame
Dans son nouveau lycée, Alejandra, jolie et intelligente, se fait rapidement une nouvelle bande d’amis, avec qui elle fume et boit. Mais lors d’une soirée très arrosée et sans adultes, Alejandra finit par coucher avec l’un des garçons, qui filme leur ébats sur son portable. Le lendemain, la vidéo a déjà circulé dans tout le lycée et le cauchemar commence pour Alejandra. Au début, elle n’est victime que de rires et de moqueries dans les couloirs. Mais la vie continue et elle pense que ça passera. Puis, elle se fait véritablement insulter de « puta » par messages, humilier par les autres filles et harceler dans les toilettes par les garçons. Même face aux pires situations, Alejandra est murée dans son silence, trop accablée par la honte et la culpabilité.
Un certain regard sur la cruauté
Le film est d’autant plus insoutenable à voir, que les scènes sont filmées en plans larges. Le spectateur est alors témoin distant et impuissant des pires humiliations subies par notre personnage principal. Une distance perturbante mais nécessaire aussi pour ne jamais s’identifier ni aux bourreaux ni à sa victime. C’est en ça que le film est d’autant plus efficace : il n’y a pas de pathos ou de moralité. Nos émotions face à cette injustice sont déclenchées uniquement à travers la brutalité des images et sans une lourde mise en scène.
Quand la victime devient le bourreau
Le pire drame du film se déroule lors de la sortie scolaire, où Alejandra devient véritablement otage de ses camarades de classe. La cruauté de ces lycéens n’a plus de limites et « le drame » tant redouté pousse Alejandra à fuguer. Entre alors en scène le père, jusque là ignorant tout du harcèlement subi par sa fille. La colère intériorisée d’Alejandra se déchaîne en lui crescendo. Il veut se venger, mais pas seulement pour sa fille, mais pour tous les malheurs subis depuis la mort de sa femme. De nouveau le spectateur est complice d’une torture insupportable dans cette sorte de justice cruelle du père, qui prend pour unique responsable le lycéen qui a filmé les ébats avec sa fille. Une fin à la fois salvatrice mais dérangeante qui laisse le spectateur décontenancé et plein de questions.
Un prix Un Certain Regard largement mérité pour ce film aux images marquantes qui réussit en une simplicité déconcertante à attiser de vives émotions chez le spectateur. En 2017, Michel Franco revient avec un autre film coup de poing, Les filles d’Avril (Las hijas de Abril), qui remporte cette fois le Prix du Jury Un certain regard.
Synopsis : Lucia est morte dans un accident de voiture il y a six mois ; depuis, son mari Roberto et sa fille Alejandra tentent de surmonter ce deuil. Afin de prendre un nouveau départ, Roberto décide de s’installer à Mexico. Alejandra se retrouve, nouvelle, dans une classe. Plus jolie, plus brillante, elle est rapidement la cible d’envie et de jalousie de la part de ses camarades. Refusant d’en parler à son père, elle devient une proie, un bouc émissaire.
Después de Lucía : Bande Annonce
Después de Lucía : Fiche technique
Réalisation : Michel Franco
Scénario : Michel Franco
Photographie : Chuy Chávez
Son : José Miguel Enriquez
Production : POP Films, Filmadora Nacional, Lemon Studios, Stromboli Pictures, Lucia Films, Trebol Stone
Genre : Drame
Durée : 93 minutes
Date de sortie : 06 octobre 2012 (France)