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Les figures féminines dans La Mouche noire (1958) et La Mouche (1987)

A la fois personnages secondaires mais au cœur de l’histoire, les deux femmes – Hélène dans La Mouche noire et Veronica dans La Mouche – incarnent des figures tout autant érotiques que monstrueuses.

Dans cette analyse comparative du film original La mouche noire (1958) de Kurt Neumann, et son remake La Mouche (1986) par David Cronenbergon cherche à montrer comment les deux films entrent en résonance par leur façon de porter le personnage féminin comme agent de la mutation du héros. C’est à partir de la formation du couple, du lien érotique, que la transformation de l’homme en monstre, opère. De ce point de vue, chacun des films serait une romance horrifique, où l’amour conduit vers la mort. 

Eros et Thanatos : Le couple engendre la mort

Dans La Mouche noire de 1958, le récit commence avec la mort d’André (David Hedison) dont on ne sait encore rien de l’expérience scientifique ratée. Sa femme, qui assiste à son suicide, est alors accusée de l’avoir tué. Le film débute comme un drame policier et le fantastique n’apparaît qu’au fur et à mesure qu’Helene (Patricia Owens) raconte sa version, qui passe bien sûr pour un délire destiné à couvrir son meurtre. Le beau frère (Vincent Price), secrètement amoureux d’Hélène, sera le seul à la croire et mènera l’enquête pour prouver son innocence. A partir de là, l’amour du beau frère sert de vecteur pour sauver Hélène, mais aussi détruit le couple initial d’Hélène et André. 

Le récit place Hélène comme narratrice et témoin de l’expérience de son mari, transformé en mouche. Comme elle en témoigne, sa relation avec André était, au début du récit, très marquée par la distance. Son mari travaillait dans le soussol constamment au lieu de passer du temps avec son fils et sa femme. Le besoin sexuel du couple est fortement réprimé et déplacé dans la passion d’André pour la science. 

C’est pourtant grâce à l’échec de son expérience que le couple renaît de ces cendres. Lorsqu’André se transforme en Homme-mouche et n’a plus de bouche, seule Hélène sera celle avec qui il pourra communiquer. Et au fur et à mesure que la bête s’empare de l’esprit de l’homme, ce sont les sentiments pour sa femme qui perdurent jusqu’au bout quand il écrit en  dernier message «Kill the fly please, Love you ». Hélène tente de sauver son mari, de la même manière qu’elle tente de sauver son couple. Mais impuissante face à la mutation progressive de son mari en mouche géante, elle l’aide à se suicider et abréger ses souffrances. 

La mouche et la veuve noire

Finalement, Hélène tue bel et bien son mari et finit avec son beau-frère. Sans la dimension horreur et science-fiction du film, elle incarne la figure de la veuve noire, véritable manipulatrice, en faisant croire à son entourage une histoire fantaisiste d’expérience scientifique ratée qui aurait poussé son mari au suicide. Son personnage a donc cette ambivalence de victime et de bourreau. Même si elle tente de sauver son mari, c’est elle qui détruit la bête mi-mouche, mi humaine. 

Dans le remake de Cronenberg, la relation amoureuse de Seth (Jeff Goldblum) et Veronica (Geena Davis) n’a rien à voir avec celui de La Mouche noire. Leur rencontre introduit le film et prend un enjeu beaucoup plus érotique et passionnel. Au fur et à mesure que leur relation évolue, l’implication de Seth dans ses expériences devient de plus en plus périlleuse. C’est en partie à cause de sa passion pour Veronica que Seth finit par se muter en mouche. Après une dispute avec Veronica, Seth se saoule et utilise la machine de téléportation sur lui-même sans se rendre compte qu’une mouche était également dans la cabine. Cette expérience engendrera BrundleFly ou la mutation progressive et viscérale de Seth en mouche humaine. 

Figure féminine de monstre érotique

Lorsque Seth se transforme en mouche, ses aptitudes physiques se décuplent également. Sa relation physique avec Veronica devient très intense et sensuelle. Le film montre alors la liberté sexuelle des années 80 et ses conséquences par rapport aux MST. Dans un contexte où le sida fait rage, on ne peut s’empêcher de voir à travers la mutation dégénérative de Seth, l’allégorie du VIH – une interprétation hypothétique qui sera démentie par Cronenberg, préférant interpréter la mutation en mouche comme une maladie foudroyante et viscérale. 

Veronica prend conscience du changement physique et comportemental de Seth, qui devient violent et déraisonnable. Afin de la protéger du monstre en lui, Seth rompt avec Veronica. Cependant, celle-ci apprend qu’elle est enceinte. A partir de là, Veronica n’est plus la figure érotique de l’amante du héros mais celle de mère qui engendre le mal et transmet le virus.  

Dans une scène devenue culte, Veronica rêve qu’elle accouche d’une larve géante. Comme dans Chromosome 3, on retrouve cette figure de mère monstrueuse qui sort de son ventre des enfants tueurs. Dans La Mouche, c’est la peur d’engendrer un monstre qui pousse Veronica à vouloir avorter. Et ce contre l’avis de Seth qui tente de l’en empêcher en la kidnappant sur la table d’opération. 

Contrairement à la version originale, La Mouche aborde la peur de la propagation du mal. André est la seule victime de sa mutation et n’a pas le pouvoir de répéter son expérience sur d’autres. Alors que Seth, à cause de sa relation avec Veronica, peut transmettre, tel un virus, et perpétuer lmonstruosité de son expérience ratée. Veronica, en voulant avorter devient l’héroïne, qui empêche cette propagation. Finalement, elle n’arrive pas à sauver Seth et sa dégénérescence en mouche. Tout comme Hélène dans La mouche noire, c’est elle qui actionne la machine qui met fin à la vie de Seth/Brundlefly.   

En conclusion, d’un film à l’autre, les personnages féminins adoptent des figures d’héroïnes et de victimes, à la fois érotiques mais aussi monstrueuses. Sans elles, l’histoire ne pourrait être racontée ou vue. Mais c’est aussi à cause de leur relation amoureuse, que notre héros court à sa perte. Que ce soit dans les années 50 ou 80, les films d’horreur sont là pour mettre en lumière les peurs de la société. La femme reste cette figure à la fois d’horreur et de désir qui est essentielle au récit du héros.