Alors que #MeToo est devenu un véritable phénomène de société, pour le meilleur et pour le pire, la condamnation de certains comportements outranciers envers les femmes au cinéma ne date pas d’hier. Violence, viol, soumission sont, bien que moins qu’aujourd’hui, mis sur la table afin d’exposer toute leur dégueulasserie aux yeux de tous. Et en cela, Répulsion est un pionnier du genre.
Synopsis : Deux sœurs belges, Helen et Carol, vivent ensemble à Londres. Un soir, alors que Carol est renvoyée chez elle de son travail de manucure, sa sœur lui apprend qu’elle part en voyage en Italie avec Michael, un homme marié que Carol déteste. La jeune femme se retrouve dès lors seule dans leur appartement, laissant le champ-libre à ses démons.
Second long-métrage d’un tout jeune Polanski, pas encore accusé de viol sur mineur, Répulsion est un réquisitoire contre le traumatisme lié à une agression pendant l’enfance. Période de socialisation primaire, l’enfance permet à l’individu de construire ses repères dans le monde ainsi que ses premières interactions sociales. C’est en cela que les adultes sont la clé de l’éducation, l’enfant leur confiant la responsabilité de façonner leur personnalité. Un complexe d’Œdipe mal assumé peut ainsi amener à rechercher une figure maternelle chez les femmes, là où un homme abusant d’une petite fille la condamne à un monde de terreurs et de misandrie.
Nous nous en doutons, c’est ce dernier exemple qui constitue le cœur du film : cet homme (son père ou un ami de la famille) que Carol alors enfant fixe avec véhémence sur une photo, où personne ne semble remarquer le malaise. Cet élément est découvert par Helen, et le spectateur en même temps à la fin du film, ce qui nous fait comprendre que personne n’était au courant. Carol vivait donc très probablement seule avec ce secret, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus le supporter et voit son appartement se transformer en terrain de jeu de ses cauchemars.
Le caractère très organique du film représente évidemment la psychose de son personnage en proie à la paranoïa, revivant en boucle ce que devait sûrement être la nuit de son viol. Son état psychique est alors incarné par un lapin qui pourrit lentement dans la cuisine, et dont Carol garde la tête dans son sac. Cette tête est le symbole de son innocence bafouée, qu’elle porte partout avec elle, et qui représente une trace indélébile tel le sang séché dans son sac. Cette symbolique se comprend aussi par le fait qu’elle est elle-même un lapin, mignonne et innocente : une proie de la chasse des hommes qui la poursuivent jusque chez elle.
En effet, avec la venue de son propriétaire dans l’appartement, qui tentera par la suite de la violer, Carol revit son calvaire, alors qu’un homme entre de force au sein de son intimité (son appartement devenu le reflet de sa psyché chaotique) pour s’emparer d’elle. Son réflexe est cependant viscérale, et elle le tue avec un rasoir. Il s’agit de son second meurtre, Carol ayant précédemment tué Colin, un homme qu’elle a simplement croisé, puis qui a trouvé son adresse et défoncé sa porte car elle refusait de le laisser entrer. Les hommes ne lui laissent aucunement le choix de les rejeter, comme si elle se devait d’être à eux. Carol n’a dès lors d’autre option que de chasser à son tour.
Nous pouvons aussi voir dans son métier de manucure une mauvaise plaisanterie de Polanski. Alors que le travail de Carol est le paraître, la beauté extérieure, elle souffre intérieurement d’attirer les hommes.
Paradoxalement, si le comportement très enfantin et névrotique du personnage de Catherine Deneuve peut agacer, il représente néanmoins, peut-être d’une manière effectivement caricaturale, un blocage qui l’empêche d’avancer et l’emprisonne dans cet état de gamine abusée et presque mutique.
Trop long pour certains, Répulsion reste une introduction pertinente et ironique sur le rapport de Polanski avec les femmes. On se rappellera ici Chinatown ou Rosemary’s Baby, présentant des femmes elles aussi victimes d’abus sexuels. Le jeu de Deneuve est, comme nous le disions, quelque peu irritant mais va de pair avec cette plongée en enfer et les différentes idées visuelles qui l’accompagnent, la rendant tout de suite iconique. Pour poursuivre sur l’aspect technique, Polanski insista pour travailler avec Gilbert Taylor, directeur de la photographie, ayant adoré son travail sur Docteur Folamour de Kubrick. Le résultat est impressionnant et accentue la sensation transmise par la mise en scène de Polanski, à savoir que Carol semble errer comme un fantôme dans le dédale de son esprit, que représente l’appartement. Le cœur du film se situe dans ce ressenti d’une âme en peine, mais incapable de trouver en elle les moyens de s’en sortir.
En outre, s’il comporte des défauts, Répulsion présente une vision différente pour son époque des rapports hommes-femmes, où la souris n’est plus poursuivie par un chat, mais par une horde de chiens.
Répulsion – Bande-annonce
Répulsion – Fiche technique :
Réalisation : Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski, Gérard Brach, Davis Stone
Photographie : Gilbert Taylor
Genre : Thriller
Casting : Catherine Deneuve
Pays d’origine : Royaume-Uni
Durée : 105 minutes
Année de sortie : 1965