Un prof pas comme les autres, un film de Bora Dagtekin : Critique

Synopsis: Zeki (Elyas M’Barek) sort de prison après une peine de 13 mois pour braquage de banque. Il est heureux car il va retrouver le butin caché par sa compagne, la prostituée Charlie (Jana Pallaske). Problème, celle-ci l’a enterré sur le site d’un chantier où se dresse maintenant le gymnase d’un collège. Zeki va donc devoir devenir le professeur remplaçant de la pire classe d’un établissement à la dérive. Il y fera la connaissance de Lisi (Karoline Herfurth, qui ressemble étrangement à Sara Forestier), jeune professeure stagiaire pleine de bonne volonté mais pas d’autorité.

Great Teacher Zeki

De l’exotisme du cinéma commercial allemand

Les films qui nous viennent de l’étranger se répartissent globalement en deux catégories : les films anglo-saxons, et le cinéma d’art et d’essai.

Un prof pas comme les autres (Fack Ju Göthe) ne rentre dans aucune de ces deux catégories. Il s’agit en effet d’une grosse comédie populaire allemande, deuxième du box-office germanique l’année dernière derrière le Hobbit, affirmant un peu plus le duo gagnant Bora Dagtekin (réalisateur) et Elyas M’Barek (acteur) de Türkish für Anfänger (inédit en France).

L’occasion de rappeler que le couple franco germanique ne marche pas très bien en terme d’échange de comédies : si Intouchable et Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? ont  cartonné outre-Rhin, nous n’avons pas eu la chance de goûter aux délices des films avec Erkan et Stefan, des comédies romantiques avec Til Schweiger ou des Sept nains version Otto Waalkes. Tout au plus a-t-on pu se délecter en vidéo des films si fins de Bully Herbig, tels que Space movie : la menace fantoche ou Vik le Viking.

Un prof pas comme les autres est donc l’occasion de savoir s’il faut ouvrir en grand les frontières des salles de cinéma ou au contraire reconstruire la ligne Maginot.

Grosse Lehrer Zeki

Un prof pas comme les autres se situe à la croisée des deux approches traditionnelles du film de prof : celle comique où l’on se moque gentiment des profs, ces gens plus ou moins loufoques qui font face à des élèves plus ou moins motivés, que l’on a pu voir dans Le plus beau métier du monde, P.R.O.F.S , la Vraie vie des profs et enfin les Profs, et celle plus sérieuse du professeur confronté à une classe privée de tous repères, qui va s’imposer grâce à des méthodes inhabituelles, dont le prototype serait Esprits rebelles.

Zeki est un professeur peu banal, il fait des fautes de grammaire à chaque phrase, ne connaît pas les bonnes manières et ne comprend pas ce qu’il est censé enseigner. Il va se trouver confronté à une classe qui, de toute façon, a décidé de punir tous les enseignants qui viendraient. Si cette prémisse vous dit quelque chose, ce n’est certainement pas un hasard. Un prof pas comme les autres rappelle en effet très fortement le manga Great teacher Onizuka de Tôru Fujisawa, au point que ses lecteurs fidèles joueront au jeu des sept différences tout au long de la projection.

Le film est parfois plus fidèle qu’une adaptation officielle car Bora Dagtekin a bien compris ce qui en faisait l’essence : la relation amicale semi-amoureuse avec la jeune prof, la pédagogie par les muscles dans un premier temps, puis par la compréhension des problèmes des élèves dans un deuxième temps, et enfin l’humour bien lourd qui passe par une constante humiliation du personnage principal.

Un film qui ne Freinet jamais

Visuellement, on pourrait dire qu’Un prof pas comme les autres est laid, avec ses couleurs saturées et son montage cut. Mais le film ne possède aucune réelle ambition de ce côté là, et rappelle bien plutôt les émissions de télé-réalité type « Les Ch’tis à Hollywood », avec ses dialogues bien vulgaires et un certain penchant pour le trash : on retiendra notamment une sortie pédagogique à base de vomi d’héroïnomane qui réjouira les fédérations de parents d’élèves.

Mais cette tonalité bien particulière sert un film qui respecte toutes les étapes d’une bonne comédie populaire : si la partition est connue, elle a le mérite d’être bien exécutée. Le film ne baisse jamais de rythme, car il y a toujours quelque chose pour attirer l’attention du spectateur : gestion de la classe, de la love-story, de l’opération récupération d’argent, avec à chaque fois un gag pas fin mais sympathique pour conclure les scènes.

De sorte que comme au McDonald, on sait que l’on n’est pas en train de manger quelque chose de bon pour son corps, mais il y a suffisamment d’additifs pour que l’on ait envie d’aller jusqu’au bout.

Un film qui est Meirieu que rien

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Fack Ju Göthe (titre original qui joue sur l’incapacité des élèves à écrire même les insultes) a eu autant de succès en Allemagne : sous son aspect gentiment trash bat un cœur tendre : il a tout de la comédie dont on sort content, empli de l’espérance que même les pires élèves peuvent s’en sortir, pour peu qu’on les inscrive au club de science et que l’on croie en eux.

Si la France ne lui a pas réservé un accueil très chaleureux (il n’apparaît même pas dans le box office), ses effets clipesques et son découpage parfait pour y insérer de la publicité, devraient en faire un incontournable de la TNT.

Note : Les jeux de mots des intertitres font références aux pédagogues Célestin Freinet (1896 – 1966) et Philippe Meirieu (1949 – …)

Un prof pas comme les autres – Bande-annonce VOST

Fiche technique – Un prof pas comme les autres

Titre original : Fack Ju Göthe

Réalisateur : Bora Dagtekin
Scénariste: Bora Dagtekin
Acteurs : Elyas M’Barek, Karoline Herfurth, Jana Pallaske, …
Directeur De La Photographie: Christof Wahl
Compositeur : Michael Beckmann
Genre : Comédie
Date de sortie : 12 novembre 2014
Durée : 01h58