Jubilatoire, jouissif et complètement en phase avec notre époque, l’un des plus grands cinéastes québécois livre une œuvre incontournable qui tire à boulets rouges sur notre société et ses dérives actuelles qui confinent à l’idiocratie. Testament enchaîne les séquences cultes à mourir de rire, en plus d’être fines et extrêmement bien vues. Entre pamphlet et satire, le long-métrage risque de faire grincer les dents de la bien-pensance sans oublier d’être beau, sur le fond comme sur la forme, avec un zeste de tendresse et un script qui ne faiblit jamais. Un futur classique !
Synopsis : Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie… et celle des autres.
Au vu de l’âge très avancé de Denys Arcand (80 ans tout de même), il est fort possible que son Testament soit une œuvre au titre prémonitoire pour lui. Et si c’est le cas, l’un des cinéastes québécois les plus compétents, illustres et reconnus à l’international risque de sortir par la grande porte. On lui doit quand même des classiques tels que les inoubliables Les Invasions barbares ou La Chute de l’Empire américain, des œuvres d’une acuité folle qui analysent et décortiquent aussi bien la société de la Belle province que notre monde dans sa globalité. Son dernier film est le carton de l’automne au Québec et c’est amplement mérité.
Testament se présente véritablement comme le premier long-métrage à poser un regard acerbe et critique sur l’idéologie woke. Ou plutôt ses dérives lorsqu’elle devient extrême, car au début c’était plutôt un courant progressiste et bienveillant. Et que l’on soit en phase ou pas avec le propos (mais c’est peut-être mieux si on l’est), c’est d’une justesse de regard et d’une finesse d’esprit qui frôlent la perfection. Le film est merveilleusement écrit tant les situations et les dialogues sont en or massif. Il est également à l’origine du scénario qui parvient en moins de deux heures à traiter en profondeur tous les aspects des errances de nos sociétés modernes. Rarement on a vu satire aussi mordante, affutée et réussie. Un véritable pamphlet qui donne à réfléchir et nous fait nous poser des questions sur une minorité silencieuse bruyante et agaçante à qui on donne peut-être (volontairement) une tribune trop importante.
Tout y passe au rouleau compresseur de son écriture incisive et surtout très drôle. La cancel culture est tristement épinglée au travers de la disparition des livres et de la perte de la notion de l’art. Les nouvelles formes d’écriture abusivement inclusives y sont moquées à raison, avec une démonstration empirique implacable. La discrimination positive, ou plutôt ses excès, sont démontés avec bruit et fracas. Les dérives totalitaires de la période Covid et la bêtise de nos dirigeants politiques sont mises en évidence avec une drôlerie déconcertante. Les médias sont ridiculisés par leur côté sensationnaliste et d’information par le vide. La bêtise ambiante qui gangrène le monde est présentée telle qu’elle est et cela fait du bien de voir qu’un long-métrage ose défier les narratifs qui polluent tous les canaux d’information.
Mais, attention, Testament n’est pas un film réactionnaire ou cynique (ce que des médias forcément susceptibles ont pu lui reprocher). Il ne dénigre pas les progrès sociétaux et les avancées identitaires il démolit juste les excès de ces nouvelles normes, montrant que dans chaque avancée, la mesure est de rigueur. C’est à la fois politique, sociétal et un peu moqueur mais jamais méchant. En revanche, pour qui goûte à ce type d’humour, c’est complètement jubilatoire et galvanisant. Car c’est avant tout une comédie satirique où humour sarcastique et bons mots ne déméritent pas durant près de deux heures. Et le rire est sincère, les séquences où on se plie en quatre sont amenées à devenir cultes et s’enchaînent sans temps mort.
S’il n’y avait que le fond qui soit probant, maîtrisé et génial. Mais non. La mise en scène d’Arcand est élégante et pleine de style avec une caméra qui sait capter avec aisance les moments drôles comme ceux plus nostalgiques. Il nous procure de très belles images automnales à l’étalonnage très agréable à l’œil. Testament dévoile également des aspects tendres avec le fil rouge de la relation entre le personnage de Rémy Girard, qui est un peu le grand sage du film et grâce à qui on perçoit cette société moderne et qui se cherche, et la directrice de la maison médicalisée où il réside. Girard et Sophie Lorain sont tous deux impeccables. Le film prône ainsi et aussi les vertus de l’amour et des gestes gratuits avec beauté et panache.
Le dernier long-métrage de Denys Arcand pourrait donc devenir un classique et sera peut-être même vu comme avant-gardiste sauf si ces tendances menant à une sorte d’idiocratie meurent d’elles-mêmes. Alors il passera comme périmé mais aura eu le mérite de tirer l’alarme. Et on se souviendra longtemps de certaines séquences vraiment amusantes et jouissives. De l’entame, avec la remise de prix, à la tirade sur les nouvelles habitudes de vie végan et consorts en passant par les scènes à la Chambre (l’équivalent de notre Assemblée nationale, où bêtises et hypocrisie règnent) ou celles avec les boomers manifestants pour des peccadilles, c’est du caviar fait film. Un futur classique et un sacré défouloir à recommander sans modération. Réjouissant de bout en bout !
Bande-annonce : Testament
Fiche technique : Testament
Réalisateur : Denys Arcand.
Scénaristes : Denys Arcand.
Production : Denise Robert.
Distribution France : Jour2fête.
Interprétation : Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai, …
Durée : 1h55.
Genres : Comédie – Satire – Drame.
22 novembre 2023 en salles.
Nationalités : Québec.