Sous le même toit, un film de Dominique Farrugia : Critique

A sa façon, Sous le même toit marque une tentative de la part de Dominique Farrugia d’en revenir à une tradition de comédie de mœurs qu’il nous a déjà prouvé vouloir travailler. Malheureusement pour lui, son envie de s’exprimer avec une certaine tendresse est mise à mal par son humour gras. Un paradoxe qui a touché l’ensemble de sa filmographie.

Synopsis : Après 15 ans de vie commune, le couple que forment Yvan et Delphine est arrivé à bout. Leur décision de se séparer à pour première conséquence de mettre Yvan à la rue. Après quelques jours à abuser de l’hospitalité de ses amis, il n’a pas d’autre choix que revenir chez son ex-femme. Leur cohabitation au quotidien, et sous les yeux de leurs enfants, se montre rapidement chaotique.

La stratégie de la lose

sous-le-meme-toit-louise-bourgoin-et-gilles-lelloucheEn 1996, alors que les Nuls venaient de rencontrer le succès grâce à La Cité de la Peur deux ans plus tôt, Dominique Farrugia est le premier de la bande à s’essayer à la réalisation. Il signe alors Delphine 1 – Yvan 0, une comédie romantique assez maladroite mais surprenante par son ton léger en rupture avec les gags à tendance scato auxquels nous avait habitué son réalisateur sur le petit écran. Pourquoi ce rappel ? Parce que, vingt ans et quatre films plus tard, c’est très clairement vers ces racines que revient Farrugia. En mettant en scène le divorce d’un homme et femme quadragénaires prénommés Yvan et Delphine, c’est même très clairement une fausse suite qu’il nous propose.  Le premier reproche pourrait alors être de ne pas avoir refait appel aux mêmes acteurs, mais ce serait oublier que le couple de 1996 était composé de Julie Gayet, que l’on sait rare sur les écrans et occupée par son amant qui sera lui aussi chassé de chez lui sous peu, et de Serge Hazanavicius, qui est loin de posséder le talent de son frère Michel. En les remplaçant par Louise Bourgoin et Gilles Lellouche, Farrugia compose l’un des couples les plus glamour que l’on puisse imaginer dans le cinéma français.

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Pourtant le charme de ses deux acteurs principaux ne fait pas tout. Et les faire se balader à poil pour l’un et en robe sexy pour l’autre ne suffit même pas pour faire oublier le manque de passion qui se dégage de leurs scènes en commun. C’est bien là le premier véritable souci de ce film : Lellouche et Bourgoin sont en roue libre et lâchent quelques répliques amusantes de temps en temps, mais dès qu’ils sous-le-meme-toit-louise-bourgoinsont ensemble, l’alchimie ne passe pas. Qu’il faille qu’ils s’engueulent ou qu’ils se réconcilient, les deux comédiens semblent être en compétition et entrent dans une surenchère théâtrale qui, certes peut être drôle, mais qui en l’occurrence vient s’opposer à l’effet émotionnel recherché. L’une des conséquences directes est que seules leurs scènes individuelles fonctionnent, ne faisant qu’amplifier un second problème, plus gênant encore : son rythme en dent de scie.

Il semble qu’il sorte une comédie française toutes les semaines en ce moment. La preuve d’une production en effervescence mais surtout un calendrier surchargé qui bouchonne leur exploitation respective. Dans le lot, entre un Boule et Bill 2 et un A Bras Ouverts tous deux exécrables, le vaudeville de Dominique Farrugia est sans doute la meilleure occasion de rigoler un peu… en attendant Jour J la semaine prochaine.

Puisque la comparaison est impossible à éviter, Sous le même toit mélange les formules de Papa ou Maman et de L’économie du Couple, sans jamais réussir à atteindre ni l’humour grinçant du premier ni, moins encore, la sincérité poignante du second. C’est sans doute sa construction qui empêche à ses effets de se faire ressentir. Avec un scénario qui met au moins une demi-heure à poser son postulat de départ, et qui de plus prend la forme d’un flashback illustré de façon terriblement pénible, les ruptures de rythme se multiplient et les gags en viennent à se faire attendre. Si, à l’inverse, un surplus de gags lourdingues se serait fait au dépriment du sujet, ici les scénaristes semblent presque en mal d’inspiration tant la plupart des situations paraissent déjà-vu et exploités sans grande originalité puisqu’elles s’orientent immanquablement vers une certaine vulgarité pas forcement opportune.

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sous-le-meme-toit-gilles-lellouche-beau-gosseIl faut au moins reconnaitre à Dominique Farrugia d’avoir voulu aborder des sujets graves. Pourtant, en poussant chaque situation jusqu’à l’absurde, le regard qu’il porte notamment sur le drame de cet homme à la rue ou de ces enfants privés de repères familiaux, tout en gardant à leur égard une certaine complaisance, ne dégage aucune émotion et ne fait que trop rarement sourire. N’en reste pas moins, entre deux blagues de cul assumées, quelques effets comiques relativement réussis. Ce sont souvent aux personnages secondaires qu’on les doit. Les plus visibles sont les deux jeunes acteurs qui prêtent leurs traits à Violette et Lucas – les enfants d’Yvan et Delphine – et qui volent littéralement la vedette aux adultes chaque fois qu’ils en ont l’occasion, et ce dès les tous premiers plans. A l’inverse, à chaque fois qu’ils sont entre eux, les enfants semblent réciter leur texte sans y croire, en particulier dans les dialogues lors du mariage (marque évidente de scènes tournées à posteriori du reste malgré le poids qu’elles font peser sur la narration !). Les scènes où les deux divorcés sont entre amis, parmi lesquels Manu Payet et Marilou Berry livrent une prestation sympathique dans des rôles qui leur sont familiers, sont clairement les meilleurs moments du film. Des passages qui se comptent sur les doigts d’une main mais où l’équilibre entre l’humour et l’émotion se stabilise et sauvent ainsi le long-métrage du naufrage total. On notera aussi la présence accablante de caméos parfaitement superflus, à commencer par ceux de Marie-Anne Chazel et de Dominique Farrugia en personne, qui semblent n’être là que pour le plaisir d’être vus.

Sous le même toit est symptomatique de la comédie consciente de manquer d’idées : elle essaie de compenser ses lacunes en étirant chacune de ses scènes et en misant sur ses acteurs pour faire de leur cabotinage le principal effet comique. Bien que les rares scènes et répliques un tant soit peu rigolotes aient la décence de ne pas tomber systématiquement à l’eau, l’ensemble reste relativement anodin. Il vire même au médiocre dès qu’il s’agit de traiter de thématiques aussi épineuses que la crise du logement. En somme, un petit film idéal pour une première partie de soirée  sur TF1.

Sous le même toit : Le bêtisier (parce que la bande annonce, c’est déjà les scènes les plus drôles!) 

Sous le même toit : Fiche technique

Réalisation : Dominique Farrugia
Scénario : Dominique Farrugia et Laurent Turner
Interprétation : Gilles Lellouche (Yvan), Louise Bourgoin (Delphine), Kolia Abiteboul (Lucas), Adèle Castillon (Violette), Manu Payet (Nico), Marilou Berry (Melissa), Julien Boisselier (William)…
Image : Rémy Chevrin
Montage : Antoine Baudoin
Musique : Julien Jaouen
Production : Dominique Brunner
Société de production : ProductionEuropaCorp, TF1 Films Production
Distribution : Europacorp
Récompenses et festival : Prix du Jury au Festival de l’Alpe d’Huez 2017
Durée : 93 minutes
Genre : Comédie
Date de sortie : 19 avril 2017
France-2016

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