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Ricki and the Flash, un film de Jonathan Demme : Critique

Ricki and the Flash : Une affaire de famille… et de musique.

Parce qu’elle n’a depuis fort longtemps plus rien à prouver en tant qu’actrice, Meryl Streep, du haut de ses 66 ans, enchaîne depuis quelques années les prestations musicales. On l’a ainsi vu, avec brio (quoiqu’on puisse penser des films) pousser la chansonnette dans Mama Mia en 2008 ou dans Into The Woods en 2014. A l’occasion de Ricki and the flash, elle a suivi pendant plusieurs mois des cours de guitares, et le résultat est là dès la scène d’ouverture : L’énergie qu’elle dégage en reprenant la chanson American girl de Tom Petty and The Heartbreakers semble annoncer un film pêchu sur le rock, un sous-genre dans les personnages féminins sont trop souvent secondaires. Difficile de ne pas penser d’ailleurs à la transformation physique et aux exercices de chants de Tom Cruise dans Rock Forever. Et le fait que les morceaux soient tous interprétés en live, à tel point que Ricki and The Flash en devient un groupe crédité au générique, participe à faire de chaque prestation musicale un moment d’audace artistique. Mais voilà, le sujet principal se révèle rapidement ne pas être le rock, ni la vie compliquée de cette chanteuse underground inspirée de la propre belle-mère de la scénariste, mais ce que le personnage de sa fille va elle-même qualifier de « psychodrame pourri ».

Les thématiques du retour aux sources et des réconciliations de familles brouillées sont devenues des archétypes du cinéma indépendant américain. Nebraska en était un parfait exemple, à présent Ricki and the Flash en est un nouveau. Et tous les personnages de cette petite histoire sont forgés dans le même moule des stéréotypes de la comédie dramatique : Du père bourgeois (Kevin Kline, que l’on a rarement vu aussi peu investi par son rôle), à la fille dépressive (Mamie Gummer, la propre fille de Meryl Streep qui, loin d’avoir autant de talent qu’elle, se révèle une comédienne pleine de ressources), en passant par un fils gay et un autre sur le point de se marier. Seul personnage intéressant, la belle-mère qui ne sait pas comment réagir au retour de cette femme qui a abandonné les enfants qu’elle s’est efforcé d’élever en son absence. Mais ce personnage n’a droit qu’à une seule et unique scène dialoguée, qui n’est d’ailleurs pas pour rien le meilleur échange du film. Le clivage entre les modes de vie de cette rockeuse, qui vit dans une certaine précarité, et celle de ses enfants bobo est poussé, dans la dernière partie du film, jusqu’à la caricature la plus grotesque.

On a l’habitude de Diablo Cody qu’elle intègre à ses scénarios de comédie un fond féministe, mais ici la seule problématique posée dans ce sens est celui de savoir si une femme peut à la fois vivre ses rêves et être une bonne mère. La question est clairement posée lors d’une amusante scène de pêtage de plombs de Ricki sur scène, mais n’a pour unique développement que lorsqu’elle est résolue dans un final aussi niais que vintage. La naïveté de cette conclusion s’accorde en fait tout à fait au sentiment de retenue que l’on ressent tout au long du film, et dont on ne doute que l’origine est la volonté des producteurs de toucher un public familial : Le fait que la scène où les parents fument un joint avec leur fille ait été grossièrement coupée au montage en est la marque la plus frappante. En nait un décalage déplorable entre l’esprit de liberté et l’excentricité de l’héroïne et la frilosité de la mise en scène. D’ailleurs, il faut le reconnaître : Si Jonathan Demme restera à jamais le réalisateur de Philadelphia et du Silence des agneaux, cela remonte déjà à plus de vingt ans et il n’a depuis signé de remarquable que des documentaires musicaux. Son talent pour filmer des concerts se ressent donc, mais également ses difficultés à donner du corps aux émotions de ses protagonistes. Peut-être aurait-il alors dû consacrer à Ricki and the flash un documenteur à la façon de Spinal Tap plutôt qu’une fiction puérile.

Ainsi, on ne retiendra de Ricki and the Flash que les scènes chantées, et par extension sa bande originale, pendant lesquels l’inénarrable Meryl Streep nous prouve qu’elle n’en a pas fini de nous impressionner et qu’elle possède une énergie sans borne. Mais au-delà de ça, le reste du film n’est fait que de mélodrame déjà-vu, de personnages caricaturaux et de morale cul-cul-la-praline. Un tel travail musical pour une utilisation aussi puérile est purement un gaspillage décevant.

Synopsis : Depuis des années, Linda vit son rêve de chanteuse de rock’n roll en officiant sous le pseudo de Ricki dans un pub californien avec son groupe, et ce même si son travail en journée de caissière l’aide à peine à boucler ses fins de mois. Mais quand elle reçoit un appel de son ex-mari, qu’elle n’a plus revu depuis des années, l’avertissant que sa fille est en pleine dépression nerveuse après un divorce brutal, elle décide de renouer le contact avec sa famille qu’elle a délaissé depuis si longtemps.

Ricki and the Flash : Fiche technique

Titre original : Ricki and the Flash
Date de sortie : 2 septembre 2015
Nationalité : Américain
Réalisation : Jonathan Demme
Scénario : Diablo Cody
Interprétation : Meryl Streep (Linda/Ricki), Kevin Kline (Pete), Rick Springfield (Greg), Mamie Gummer (Julie), Audra McDonald (Maureen)…
Musique : Ricki and the Flash
Photographie : Declan Quinn
Décors : Stuart Wurtzel
Montage : Wyatt Smith
Production : Mason Novick, Marc Platt, Diablo Cody, Gary Goetzman
Sociétés de production: TriStar Pictures, LStar Capital, Clinica Estetico
Société de distribution : Sony Pictures Releasing France
Budget : 18 millions de $
Genre : Comédie dramatique, musical
Durée : 1h 42min

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