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Moonwalkers, un film d’Antoine Bardou-Jacquet: Critique

Près de douze années après le documenteur Opération Lune, lui-même inspiré de Capricorn One, une fiction datant de 1978, qui a lancé la folle rumeur autour du tournage par Stanley Kubrick de l’alunissage d’Apollo 11 le 20 juillet 1969, ce fantasme de complotistes cinéphiles a gangréné dans de nombreux esprits retors (les meilleures illustrations en sont sans conteste les hypothèses farfelues développées dans Room 237).

Synopsis : Londres, juillet 1969, John, un éternel loser en quête d’argent pour renflouer le groupe de punk hippie dont est l’agent, croise la route de l’agent Kidman, un agent de la CIA envoyé à Londres pour monter une supercherie surréaliste : Embaucher Stanley Kubrick pour filmer un faux alunissage. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu et les conséquences de cette rencontre va les mener dans une course contre la montre complètement déchaînée.

On a tripé sur la Lune

Grâce à un scénario signé par le britannique Dean Craig, déjà scénariste de My Best Men ou Joyeuses Funérailles, et avec le soutien de Georges Bermann, le producteur de Michel Gondry (qui a personnellement soutenu le projet), Moonwalkers est le premier film d’un jeune réalisateur français parfaitement inconnu mais qui a déjà – et ça se voit à sa mise en scène – fait ses preuves dans la publicité et qui, à n’en point douter, est promis à une belle carrière internationale. Autant dire que Moonwalkers est un film parfaitement inattendu, mais dont le Prix du Public obtenu en septembre dernier lors de l’Étrange Festival prouve qu’il saura créer la surprise.

A la tête du casting, deux acteurs qui cherchent à s’affirmer : D’une part Ron Pearlman, qui du haut de ses 65 ans n’aura pu compter que sur son ami Guillermo del Toro pour lui offrir un rôle principal sur grand écran, et de l’autre Rupert Grint, qui contrairement à ses deux anciens complices Daniel Radcliffe et Emma Watson n’a pas réussi à se forger une carrière post-Harry Potter. Dans leurs rôles respectifs d’un agent de la CIA taciturne et d’un agent artistique malchanceux, les deux comédiens livrent des performances absolument convaincantes et offrent un choc intergénérationnel digne des meilleurs buddy-movies. Mais davantage que leurs prestations comiques, c’est la représentation rétro-frapadingue que le réalisateur donne de la fin des années 60 qui est hilarante. D’entrée de jeu, grâce à un générique d’ouverture animé à la façon du célèbre clip Yellow Submarine des Beatles, que l’on pourrait d’ailleurs imputer à Gondry, l’esprit psychédélique de l’ère hippie est annoncé comme étant le cœur même du long-métrage. C’est que viendra nous confirmer l’excellent travail offert par la direction artistique, avec notamment des costumes criards et des décorations ultra-kitsch -dont une peinture murale mémorable-, mais aussi des scènes de trips sous acide. Le tout assure une succession sans temps morts de pures réussites visuelles et comiques. L’autre source de rires est la violence décomplexée dont fait preuve le personnage de Pearlman tout au long du film et qui réussit à faire des scènes de fusillades ou de castagne de vrais moments de brutalité jubilatoire sans jamais perdre en qualité graphique.

Le déroulement de l’intrigue, qui vire inéluctablement à l’imbroglio général, et la façon dont est traité par l’absurde ce prétendu recrutement de Kubrick par le gouvernement américain, ne sont pas sans rappeler l’écriture survoltée mais toujours maitrisée et fluide de Guy Ritchie, une autre source d’inspiration évidente d’Antoine Bardou-Jacquet. Une comparaison amplifiée par la présence, autour du duo d’enfer Grint-Pearlman, d’un large panel de personnages secondaires pittoresques et hauts en couleurs que leur caractérisation archétypale n’empêche en rien d’être désopilants, allant du général américain débonnaire au réalisateur excentrique en passant par le gangster amateur de maquettes ou le manager cocaïnomane. Ajoutez à cela une bonne dose de répliques trash, une surenchère de situations parfaitement loufoques et beaucoup de références culturelles, et l’on obtient ce sympathique scénario agréablement déjanté. Un esprit et un humour « à la cool » que la bande originale -qui ne comprend finalement que peu de morceaux mais tous choisis avec le plus grand soin- nous aide à ancrer dans la folie hallucinatoire du Londres hippie de la fin des années 60. Un pur délire pop que l’on suit agréablement pendant que, dans l’espace, la grande Histoire est en train de s’écrire.

Sans non plus être un film mémorable, Moonwalkers est une petite comédie étonnante, assurée d’être la première bonne surprise de l’année 2016 et la découverte d’un jeune réalisateur à suivre de très près.  Mais il s’agit surtout d’une farce audacieuse, dans le sens où elle prend le risque, en jouant la carte d’un humour absurde so british et d’une vision outrageusement caricaturale mais non moins jouissive de l’époque qu’elle dépeint, de dénoncer la crétinerie de son propre pitch.

MOONWALKERS, le teaser:

MOONWALKERS : Fiche technique

Titre original : Moonwalker
Date de sortie : 6 janvier 2016
Réalisateur : Antoine Bardou-Jacquet
Nationalité : Britannique
Genre : Comédie
Année : 2015
Durée : 107 minutes
Scénario : Dean Craig
Interprétation : Rupert Grint (Johnny), Ron Perlman (Kidman), Robert Sheehan (Léon), Eric Lampaert (Glen)…
Musique : NR
Photographie : Glynn Speeckaert
Montage : Bill Smedley
Producteur : George Bermann
Maisons de production : Nexus Factory, Potemkino
Distribution (France) : Mars
Récompenses : Prix du Public à l’Étrange Festival
Budget : NR

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