On the Road
Le réalisateur français relance la machine à idées, trois ans après avoir adapté L’écume des jours de Boris Vian, et principalement reconnu pour son Eternal Sunshine of the Spotless Mind, le cinéaste se tourne aujourd’hui vers la comédie initiatique et itinérante, à mi chemin entre le road movie et le buddie movie : Ambiance weirdo, décors champêtres, Michel Gondry signe un film personnel, au potentiel comique évident, mais qui ne dépasse pas son statut de film estival, modeste mais très agréable.
Les histoires de vilains petits canards, d’exclus, de marginaux ne sont pas d’un genre nouveau dans les cours de récré, et lorsque l’on voit l’inventivité excentrique de Gondry on imagine ce que l’école, dans sa férocité, a pu lui imposer durant son enfance. Le réalisateur s’inspire de sa différence, et insuffle, pour rendre sa fiction romanesque, des airs d’aventures, fougueuses et enfantines. Si le monde de l’adolescence passionne, obsède parfois, Gondry le dépeint de belle manière, entre la mélancolie de l’enfance, et la peur curieuse d’une vie d’adulte où s’affronte le sexe, la mort, et les autres. Le film met en scène deux collégiens, le premier, petit, chétif, discret, peintre ; le second, fils d’immigrée et d’alcoolique, mécanicien et philosophe à ses heures perdues. L’un est « microbe », l’autre est « Gasoil ». Seule leur différence les rapproche à première vue, mais ils se prennent d’affections, poussés par une solitude imposée, mais surtout grâce à leurs esprits, aussi compatissants que compatibles.
Et lorsqu’en tombant sur un vieux moteur de tondeuse, les deux enfants décident d’en faire une voiture ; et lorsque cette voiture devient également une maison, les deux amis prennent la route, direction les nichons du fantasme d’enfance de Gasoil (dans le massif central). Gondry touche presque au merveilleux avec sa maison roulante, ou du moins caresse de sa caméra les rêves homériques de tous les gamins. C’est un peu du Miyazaki, une fable à la fois tendre, à la fois dure ; bricoleuse et imaginative ; sur l’enfance et la société. Les deux ados délurés, dans leur fuite se libèrent, et le voyage entrepris, déchargés de toute pression parentale, Microbe et Gasoil cohabitent, dans les conserves et les duvets, couchants près des fossés, roulant largement en dessous des vitesses autorisées. Les frasques et les farces ponctuent habilement ce voyage, le rendant drôle et léger. Gondry maîtrise l’art de rendre ses personnages vifs et attendrissants, les portraits de ses deux « fils » sont réussis, et leurs altercations sont parfois très savoureuses, entre tirades philanthropiques et questionnements pré pubères.
Microbe et Gasoil, séduit et divertit intelligemment avec cette grande promenade périlleuse, et derrière des aspects sobres voir simplistes, le récit se joue de sa naïveté narrative pour bâtir une réelle complicité avec ces adolescents si particuliers, dans lesquels on retrouve forcément une once de notre enfance. Et même si la différence est encouragée, voir souhaitée, elle et belle et bien agressive dans sa réception par les autres, elle n’est pas que vecteur de talent et de personnalité, elle isole, exclue, attaque. Le film apparaît presque revanchard par ailleurs, sur ces attitudes corrosives des années collèges, dans le traitement des amoureuses et des populaires, des Moldus immatures. Finalement c’est une quête de soi, que Michel Gondry met en scène, sur ses jeunes cherchant à se faire accepter en premier lieu par eux même. C’est déjà vu, mais ça fonctionne, grâce à une écriture personnelle et des personnages efficaces; le nouveau film du réalisateur devrait plaire avec son humour et son scénario décalé.
Synopsis: Les aventures débridées de deux ados un peu à la marge : le petit « Microbe » et l’inventif « Gasoil ». Alors que les grandes vacances approchent, les deux amis n’ont aucune envie de passer deux mois avec leur famille. A l’aide d’un moteur de tondeuse et de planches de bois, ils décident donc de fabriquer leur propre « voiture » et de partir à l’aventure sur les routes de France…
Microbe et Gasoil >>Bande Annonce
Microbe et Gasoil : Fiche Technique
Réalisation: Michel Gondry
Scénario: Michel Gondry
Interprétation: Ange Dargent (Daniel Guéret dit Microbe), Théophile Baquet (Théo Leloir dit Gasoil), Audrey Tautou (Marie-Thérèse Guéret), Diane Besnier (Laura)…
Image: Laurent Brunet
Décor: Stéphane Rozenbaum
Costume: Florence Fontaine
Son: Guillaume Le Braz
Montage: Élise Fievet
Musique: Jean-Claude Vannier
Producteur: Georges Bermann
Genre: Comédie
Distributeur: StudioCanal
France – 2015
Date de sortie: 8 juillet 2015
Durée: 1h43