« Ma famille Afghane » : quand dessiner, c’est rendre vrai

Dans la veine des films d’animation aux discours politiques et nécessaires dans nos sociétés contemporaines, à l’image de Persepolis et Parvana, Ma famille Afghane permet de dire le monde d’hier, tout en éclairant celui d’aujourd’hui.

Synopsis de Ma famille Afghane : Kaboul, Afghanistan, 2001. Herra est une jeune femme d’origine tchèque qui, par amour, décide de tout quitter pour suivre celui qui deviendra son mari, Nazir. Elle devient alors la témoin et l’actrice des bouleversements que sa nouvelle famille afghane vit au quotidien. En prêtant son regard de femme européenne, sur fond de différences culturelles et générationnelles, elle voit, dans le même temps son quotidien ébranlé par l’arrivée de Maad, un orphelin peu ordinaire qui deviendra son fils…

L’animation pour dessiner le monde

L’animation s’impose, depuis quelques années déjà, comme le moyen privilégié pour mettre en lumière la complexité du monde. Un monde authentique qui s’anime par ces images dessinées. Un monde prouvant le pouvoir d’un cinéma longtemps associé à des histoires jugées triviales, enfantines. De nombreux films ont prouvé le contraire : l’animation, en liant le monde de l’enfance à celui des adultes, crée un univers commun instructif. Un univers dont les clés de compréhension traversent les générations et dont la violence, bien présente dans ses thèmes, reste suggérée avec une certaine pudeur.

Ce rapport à la violence n’incarne en rien une simplification du propos. Pour le dire autrement : lorsque les prises de vues réelles filment, l’animation dessine. D’une certaine manière, l’animation propose une nouvelle trinité : le monde, l’humain, la main. Le cinéma d’animation devient donc ce troisième œil nécessaire qui incarnerait un rapport au monde annexe et pourtant fondamental.

Les choses qu’on écrit, les choses qu’on dessine

Ma famille Afghane s’inscrit dans cette conception d’un cinéma du dessin direct : ce qui est vécu s’incarne par le dessin. Le film de Michaela Pavlátová est porté par un scénario d’une grande précision, écrit par Ivan Arsenyev, Yaël Giovanna Lévy et Petra Procházková, l’écrivaine du roman dont est adapté le film. Un scénario qui parvient à alterner la lumière et l’obscurité. Un scénario qui invente un monde qui effleure le documentaire, habité par des personnages de fiction sensibles, d’une grande intensité.

Michaela Pavlátová, réalisatrice tchèque diplômée l’École des arts appliqués de Prague, s’essaye ici pour la première fois à l’animation. Sa réalisation rejette toute forme de stylisation inutile en donnant matière au scénario avec véracité. Pavlátová ne cherche pas à bien faire et, de fait, fait bien car juste. Ma famille Afghane est un corps à corps, une manière d’incarner la vie vécue et écrite, par le dessin.

Récits de vies, récits de familles

Certes, Ma famille Afghane n’est pas autobiographique. Cependant, le minutieux travail de documentation opéré autour de l’univers géographique permet au film de toucher le spectateur et de rendre palpable la situation dramatique. En suivant ce choc des cultures, l’œuvre est une véritable immersion dans des questions d’altérité, de partage et d’apprentissage et tente de s’éloigner des clichés communs autour de l’Afghanistan. Ma famille Afghane a des allures de conte qui dit un désir de vivre, malgré une vision latente.

Il est vrai qu’il est difficile de dire que le film documente avec un réalisme immuable une situation qui reste lointaine. Mais la force de Ma famille Afghane est justement de ne pas chercher la perfection, un point de vue naturaliste constant. Non, Ma famille Afghane fonctionne tel un véritable récit familial plus universel qu’il nous semble. Un hommage aux Afghans qui semble dire que, parfois, il faut voir plus loin que les images réelles pour trouver la beauté, la vie, le vrai.

Bande-annonce – Ma famille Afghane

 

Fiche technique – Ma famille Afghane

Réalisation : Michaela Pavlátová
Scénario : Ivan Arsenyev, Yaël Giovanna Lévy et Petra Procházková
Durée : 1h20
Genre : Animation
Date de sortie : 27 avril 2022
Pays : France, République Tchèque, Slovaquie