Les Voies du Destin : Une incroyable histoire vraie traitée de manière académique
La Seconde Guerre Mondiale recèle encore bien des parts d’ombres. Un constat somme toute surprenant à l’heure où nous fêtons le 70ème anniversaire du D-Day, tant Hollywood a réussi à bâtir sa renommée sur ce genre de films avec une frénésie telle que l’on pensait la moindre parcelle de ce conflit éludé. Pourtant il arrive que parfois, des histoires resurgissent du passé ou jouissent d’une publicité inespérée, permettant alors de voir ces faits divers de nouveau sur les feux de la rampe.
Et l’année 2014 propose ainsi à travers 2 longs-métrages radicalement différents dans leurs constructions, de nouveaux faits sur ce conflit que l’on pensait depuis longtemps, qu’il n’avait plus rien à nous apprendre !
D’abord, la course aux œuvres d’arts à laquelle s’est adonnée la brigade des Monuments Men, brigade formée de chercheurs, de savants et d’artistes pour protéger le patrimoine culturel européen de la sauvagerie et de la soif démesurée de culture d’Hitler ; film ayant relativement déçu de par le traitement donné par le réalisateur George Clooney, qui a opté pour un buddy movie et a remplacé le suspense par un humour lourdingue made in USA.
Et ensuite avec le film Les Voies du Destin ou l’histoire incroyable et vrai d’Eric Lomax, jeune lieutenant écossais établi à Singapour et qui suite à la reddition anglaise, a dû participer à la construction d’un pont tristement célèbre et mondialement reconnu depuis le chef d’œuvre de David Lean en 1957 : le Pont de La Rivière Kwai.
Pourtant, là n’est pas l’aspect inédit de son histoire. En effet, torturé par ses geôliers japonais, celui-ci survivra à la guerre et sera alors confronté des années plus tard à un dilemme plus que cornélien, lorsqu’il retrouve la trace de son tortionnaire, encore en vie : Doit-il obtenir justice et vengeance ? Ou peut-il pardonner l’impardonnable ?
Cette incroyable histoire est dotée d’un potentiel rare. Car, après des décennies remplies de salves successives de films de guerre vantant le patriotisme et l’honneur, rares sont les films qui tout en offrant un réel divertissement arrivent à dresser un constat réaliste et non enjolivée des horreurs de la guerre.
Voyage au Bout de l’enfer, Full Metal Jacket, La Déchirure, Apocalypse Now, Taxi Driver, autant de longs métrages réalisés par des cadors du 7ème art, tels que Scorsese, Coppola, Kubrick ou Cimino, qui ont puisé leur succès de par leur proximité aux faits montrés à l’écran mais surtout de leur capacité à rendre plausible le quotidien de ces hommes, qui après un conflit violent, inhumain et dangereux, voient leurs vie brisées, les condamnant à errer sans but dans une société devenue aussi inhospitalière que l’enfer dont il se sont tirés.
De fait, l’histoire de ce lieutenant parait relativement intéressante, tant pour le conflit qu’elle cherche à éluder, à savoir la Seconde Guerre Mondiale, que pour sa propension à traiter les atrocités commises sur le continent asiatique, continent relativement oublié dans le traitement cinématographique de ce conflit, écrasé par la suprématie de l’Allemagne et de la France comme dans Les 12 Salopards ou encore Il Faut Sauver le Soldat Ryan.
Pourtant, le réalisateur, inconscient de la pépite qu’il a entre les mains, enterre tous les espoirs de voir une œuvre forte, mettant en avant le pardon, la dignité humaine et le sacrifice, et en livrant une œuvre purement académique.
Toutes les scènes attendues et purement clichées qu’un tel sujet peut véhiculer, se retrouvent en effet sur la pellicule. Entre la détresse psychique et émotionnelle que doit endurer le personnage de Colin Firth (qui joue merveilleusement bien et confirme le talent qu’on lui attribue depuis Le Discours d’un Roi), le rôle d’épouse décontenancée et impuissante campée par une Nicole Kidman presque transparente et faisant office de figuration et la première partie mettant en place les horribles hallucinations dont est victime Firth, l’entame du film est désastreuse non pas pour ses images, qui dans le plus pur style britannique sont réussies, mais plus pour son absence d’audace et sa flagrante conventionnalité.
Heureusement pourra-on compter sur une seconde partie, qui confronte alors le soldat face à son tortionnaire. L’affrontement, d’ordre verbal, est ici beaucoup plus travaillé, jouit d’élégants flash-back, et oppose ces deux hommes qui transformés par la guerre, se voient à l’heure de leurs retrouvailles comme autant détruits l’un que l’autre, entre regrets et déceptions pour l’un et vengeance et justice pour l’autre.
Une joute verbale qui non dénuée d’émotions et de tension parait pourtant à quelques moments comme relativement moralisatrice. Peut-être la faute à une mise en scène préférant s’attarder sur les scènes de guerre et expédiant bien trop rapidement les scènes se passant de nos jours. L’affrontement entre Colin Firth et Hiroyuki Sanada, vu précédemment dans Wolverine le Combat de l’Immortel, aurait gagné à être mieux exploité.
Cette histoire qui aurait pu avoir une odeur de brûlot si elle avait été réalisée par Coppola, Cimino ou Scorsese, voit son potentiel ravagé par une réalisation qui, emplie de classicisme et de retenue semble comme aseptisée et refuse d’en dévoiler trop.
Assurément une déception au vu de la sensationnelle histoire proposée, mais peut-être également le constat que les réalisateurs d’aujourd’hui sont trop jeunes pour aborder des histoires aussi complexes, humaines et réalistes sur un sujet aussi fort.
Synopsis: Le lieutenant écossais Eric Lomax, a été fait prisonnier par les Japonais à Singapour durant la Seconde Guerre mondiale et envoyé dans un camp en Thaïlande. Là-bas, il a été forcé de contribuer à la construction du fameux pont sur la rivière Kwaï. Des années après, il souffre toujours d’un stress post-traumatique. Sa femme, Patricia Wallace, décidée à l’aider à surmonter ses démons, découvre que le jeune officier japonais qui hante sa mémoire est toujours vivant. Doit-elle donner à Eric une chance de se confronter à celui qui l’a torturé ?
Fiche Technique: Les voies du destin
Les Voies du destin (The Railway Man)
États-Unis – 2013
Réalisation: Jonathan Teplitzky
Scénario: Andy Paterson, Frank Cottrell Boyce d’après: le roman Les armes du bourreau de: Eric Lomax
Interprétation: Colin Firth (Eric Lomax), Nicole Kidman (Patti Lopax), Jeremy Irvine (Eric Lomax jeune), Stellan Skarsgård (Finaly), Hiroyuki Sanada (Nagase), Sam Reid (Finlay jeune)…
Genre: Drame, Biopic
Image: Garry Phillips
Décor: Steven Jones-Evans
Costume: Lizzy Gardiner
Montage: Martin Connor
Musique: David Hirschfelder
Producteur: Andy Paterson, Chris Brown, Bill Curbishley
Production: Archer Street Productions, Latitude Media, Lionsgate
Interprétation: Colin Firth (Eric Lomax), Nicole Kidman (Patti Lopax), Jeremy Irvine (Eric Lomax jeune), Stellan Skarsgård (Finaly), Hiroyuki Sanada (Nagase), Sam Reid (Finlay jeune)…
Distributeur: Metropolitan FilmExport
Date de sortie: 11 juin 2014
Durée: 1h56