[Critique] Le Voyage d’Arlo
Synopsis : Et si la catastrophe cataclysmique qui a bouleversé la Terre et provoqué l’extinction des dinosaures n’avait jamais eu lieu ? Et si les dinosaures ne s’étaient jamais éteints, et vivaient parmi nous de nos jours ? Ainsi va débuter le voyage d’Arlo, jeune Apatosaure maladroit et craintif, qui va faire la rencontre d’un étonnant compagnon.
Cinq mois après le très touchant Vice-Versa (Inside Out), les studios Pixar, avec Peter Sohn aux commandes, reviennent sur grand écran pour leur nouveau film, Le voyage d’Arlo, bien moins médiatisé que leur précédente oeuvre, mais également bien moins convaincant car plus inabouti et enfantin.
Avec Le voyage d’Arlo, le spectateur effectue un voyage dans le temps et se retrouve à l’ère des dinosaures. Arlo est un charmant apatosaure, porté par une famille parfaite : un père chef de famille souhaitant faire de ses enfants de braves et vaillants apatosaures, une mère plus qu’aimante, un frère qui joue les gros durs et une sœur qui se veut mignonne, mais forte. Impossible donc pour les studios, malgré une créativité débordante, d’échapper à des lieux communs récurrents et qui leur sont chers, ainsi qu’à un schéma narratif des plus classiques, commun à bon nombre de films d’animation pour enfants. Moments de grâce et moments tragiques s’alternent durant une heure et demie. Arlo côtoiera des bons, des méchants ou des gentils qui se révèlent être méchants. Du déjà-vu pour un scénario qui arrive malgré tout à capter l’attention du spectateur. Mais si l’on effectue des comparaisons avec d’autres films, certaines scènes ne peuvent qu’interroger sur le plagiat, tant elles rappellent d’autres films d’animation comme Le Roi Lion ou Le Livre de la Jungle.
Vice Versa avait mis la barre haute, proposant un voyage dans l’esprit des plus imaginatifs, ici, le voyage est restreint et tourne en rond. Les décors se répètent tout au long du film ; les personnages sont attachants, bien qu’un peu surfaits et sans réel intérêt, n’étant pas tous très aboutis (mention pour Le Collectionneur, doublé par Eric Cantonna), soulevant une légère impression de combler des failles scénaristiques. Car oui, un voyage, chez Pixar, est jalonné de rencontres toutes plus inattendues les unes que les autres.
Cependant, l’oeuvre de Peter Sohn ne se cantonne pas à une histoire charmante et normée. L’odyssée d’Arlo se transforme en réel road-movie à travers des contrées hostiles, où la loi du plus fort règne, même si les plus impressionnants ne sont pas toujours les plus forts.
Le voyage d’Arlo pèche également par une esthétique bancale. Les décors sont à certains moments d’un réalisme qui ne peut que rappeler la prise de vue réelle, notamment en ce qui concerne le mouvement naturel, comme les mouvements d’eau de la rivière (élément clé du film) ou le souffle du vent dans la forêt. Parallèlement, les personnages, notamment Arlo et toute sa famille d’apatosaures, ne sont pas des plus enchanteurs. On voit en eux des personnages inaboutis, aux détails esthétiques inexistants. Le contraste entre personnages cartoonesques et décors photo-réalistes percute, et scinde l’image. Ce n’est pas un coup d’essai chez Pixar d’instaurer dans leurs œuvres des protagonistes « cartoonesques » : le très réussi Là-haut nous le proposait déjà, mais les partis pris et les intentions étaient clairement énoncés, or, dans ce nouveau film, les ambitions semblent confuses.
Toutefois, la 3D est réussie, les effets visuels sont minutieusement répandus et conquièrent le spectateur, mais cela ne suffit pas. Au passage, on regrettera les différentes compositions des frères Danna (Oscar de la meilleure composition en 2013 pour L’Odyssée de Pi), pas assez soutenues et mises en avant pour se révéler être des atouts du film.
Mais si Le Voyage d’Arlo est intéressant et mérite un coup d’œil amusé, c’est pour un fait scénaristique spécifique. En effet, les codes sont bouleversés et les rôles inversés. Arlo apprend grâce à la nature. Durant une heure et demie, ce dernier, issu d’une famille d’apatosaures agriculteurs, s’instruit et tire des enseignements de la nature : il grandit, découvre un monde inconnu et pourtant si proche, à la manière d’un enfant qui découvre le monde et la civilisation qui l’entoure. L’animal se construit, et c’est l’homme qui se conforme dans un état sauvage, où seul son instinct (et son flair!) lui permettent d’avancer. A la manière d’un chien de salon, Spot joue à ramener le bâton, tandis qu’Arlo joue au maître éducateur, lui parlant comme s’il comprenait sa langue.
Peter Sohn joue avec les codes et détournent les lieux communs afin de d’apporter une légère touche de subtilité et de révolution dans son œuvre.
Le voyage d’Arlo est donc un Pixar fade, incapable de réinventer le genre dans lequel il excelle pourtant. De cette année 2015, on gardera plutôt en tête le très bon Vice-Versa, qui a davantage su briller par son originalité.
Fiche Technique : Le Voyage d’Arlo
Réalisateur : Peter Sohn
Scénario : Meg LeFauve, Peter Sohn, Erik Benson, Kelsey Mann, Bob Peterson
Doublage (VF) : Jean-Baptiste Charles, Olivia Bonamy, Xavier Fagnon…
Animateur : Dovi Anderson, Benjamin Su, Jayson Price, Jude Brownbill, David Torres…
Montage : Stephen Schaffer
Musique : Mychael Danna, Jeff Danna
Producteurs : Denise Ream,
Attaché de presse : Floriane Mathieu
Production : Pixar Animation Studios, Walt Disney Pictures
Distributeurs France : The Walt Disney Company France
Genre : Animation, Aventure
Durée : 93 minutes
Date de sortie : 14 novembre 2015
Etats-Unis – 2015