Harrison Ford, on ne peut pas lui retirer un talent rare : sa capacité à revenir conclure ses rôles au cinéma pour un résultat souvent efficace. Qu’on le déteste ou non, Star Wars : Le Réveil de la Force offrait une belle fin au personnage d’Han Solo (enfin, d’un certain point de vue…) et le chef-d’œuvre Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve permettait un retour plus que triomphal à Rick Deckard. Aujourd’hui, du haut de ses 80 ans, c’est le chapeau du plus célèbre archéologue que l’acteur décide d’enfiler, une dernière fois. Le résultat vaut le détour, à défaut de convaincre complètement.
I have a bad feeling about this
Vous le savez, il existe une belle malédiction qui plane sur les suites de films à succès, longtemps après les opus originaux. Les exemples de naufrages artistiques et financiers ne manquent pas. Indiana Jones et le Royaume du Crâne de cristal, quatrième opus de la saga en a même fait l’expérience, dix-neuf ans après La Dernière Croisade. Boudé par une partie des fans et de la presse, le film de Steven Spielberg avait déçu et c’est avec cet opus controversé que semblait s’achever la saga. Aujourd’hui, quinze ans plus tard, James Mangold ressort notre archéologue du placard pour une ultime aventure. Et, aux vues des dernières productions du Monsieur (le brillant Mans 66 et l’exceptionnel Logan), on s’est dit… Pourquoi pas ? Malheureusement, disons le d’emblée, le génie de Mangold déployé dans ses dernières productions peine à se dévoiler ici. Indiana Jones et le Cadran de la destinée se préoccupe surtout de respecter l’ADN de la saga et d’offrir un très sympathique divertissement. À cela, il réussit son pari. Très proche des films d’aventures acclamés dans les années 80/90, cette (vraie) dernière croisade offre un retour aux sources empli de nostalgie, retrouvant des codes cinématographiques presque désuets en 2023.
Le film débute en pleine Seconde Guerre mondiale avec un Indy rajeuni numériquement pour un résultat très honnête. D’une bonne vingtaine de minutes, cette introduction prend le temps d’introduire le méchant et le MacGuffin (l’objet à récupérer tout au long de l’aventure) avant de reprendre place en 1969. Indiana Jones est proche de la retraite et semble bien malheureux. Désormais âgé de 70 ans, c’est dans un tout nouveau contexte que nous retrouvons l’archéologue chapeauté par George Lucas et Spielberg en 1891. L’arrivée de sa filleule, Elena (Phoebe Waller-Bridge), va lui permettre de revêtir sa tenue une dernière fois, dans une chasse au trésor aux quatre coins du monde, le tout en échappant à un ancien nazi, incarné par Mads Mikkelsen. Hé, si ça c’est pas un pitch des années 80 ! Le résultat est sympathique et parfaitement respectueux de ce qu’est Indiana Jones, à quelques détails près.
Sa place n’est pas dans un musée !
Si tout se suit avec plaisir, on regrette l’absence de quelques gros éléments de la saga, comme la présence de serpents ou encore ce combat entre Indy et le sous-fifre du grand méchant. Les éléments les plus fâcheux restent les facilités scénaristiques, parfois difficiles à avaler et qui n’aident pas un scénario cousu de fil blanc. Si le personnage de Voller (Mads Mikkelson) est plutôt dans la veine des anciens antagonistes de la saga sur le fond, son traitement et ceux de ses alliés restent vraiment décevants, particulièrement sur le climax. D’ailleurs, le dernier acte en surprendra plus d’un et il est regrettable que Mangold et les scénaristes n’aient pas décidé d’exploiter pleinement ce nouveau potentiel. Malgré tout, on sent une réelle volonté de bien faire et d’honorer cet aventurier légendaire, que ce soit dans l’écriture ou dans la réalisation.
Car oui, Mangold n’est pas un Yes Man ou un réalisateur du dimanche comme Disney les aime bien depuis quelques années. Non, contrairement à la saga Jurassic Park, Spielberg a laissé son bébé à un homme talentueux. Tout ce que vous avez aimé dans les premiers films, vous le retrouverez ici, avec une fidélité qui en fera sourire plus d’un. Visuellement chiadé, assez drôle et empli d’un véritable sens du spectaculaire, le long métrage assure le spectacle, malgré sa durée inutilement étendue. Si les 2h30 passent assez vite, difficile de ne pas remarquer les quelques ventres mous après la quatrième course-poursuite. Ce que l’on aime aussi et surtout, c’est tout simplement le respect des auteurs pour le vieillissement du personnage et de son interprète. On craignait des cascades à l’ancienne ou la présence abondante d’effets numériques destinés à cacher l’âge d’Harrison Ford, il n’en est rien. Oui, Indy est désormais vieux et cette aventure le sait. À une époque ou les studios (surtout Disney) sont prêts à tout pour garder la jeunesse éternelle de leurs stars, on ne peut qu’apprécier. Alors, oui, on était en droit d’attendre un chef-d’oeuvre après Logan et Le mans 66. Oui, avec le passif de Mangold et celui d’Indiana Jones, ce cinquième opus peut ressembler à une très légère déception pour ceux qui auraient mis la barre trop haute. Mais, honnêtement, ça fait combien de temps que nous n’avions pas eu un film familial de cette trempe ?
Bande-annonce : Indiana Jones et le Cadran de la destiné
Fiche Technique : Indiana Jones et le Cadran de la destiné
Réalisation : James Mangold
Scénario : Jez Butterworth, John-Henry Butterworth, David Koepp, James Mangold d’après : les personnages de : Philip Kaufman, George Lucas
Interprétation : Harrison Ford (Indiana Jones), Phoebe Waller-Bridge (Helena Shaw), Mads Mikkelsen (Jürgen Voller), Antonio Banderas (Renaldo), John Rhys-Davies (Sallah), Karen Allen (Marion), Tobie Jones (Basil Shaw)…
Musique : John Williams
Producteur(s) : Kathleen Kennedy, Frank Marshall, Simon Emanuel, Steven Spielberg, George Lucas
Production : Walt Disney Pictures, Lucasfilms Ltd.
Distributeur : The Walt Disney Company France
Date de sortie : 28 juin 2023
Durée : 2h34