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Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, un tirage favorable

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Retour sur Panem, retour dans l’arène. Les Hunger Games n’ont pas fini de dévoiler tous leurs secrets et quoi de mieux qu’un préquel pour en détailler l’origine. Avant de devenir le président et le patriarche de ces jeux de la faim, Snow était un jeune homme rêveur et plein d’ambition. C’est à travers son regard et celui du Capitole que Francis Lawrence relance le nouvel arc de Suzanne Collins, en revenant à l’essentiel et en valorisant l’étude des personnages. Est-ce un retour triomphant ou bien la suite de trop ?

Synopsis : Le jeune Coriolanus est le dernier espoir de sa lignée, la famille Snow autrefois riche et fière est aujourd’hui tombée en disgrâce dans un Capitole d’après-guerre. À l’approche des 10ème HUNGER GAMES, il est assigné à contrecœur à être le mentor de Lucy Gray Baird, une tribut originaire du District 12, le plus pauvre et le plus méprisé de Panem. Le charme de Lucy Gray ayant captivé le public, Snow y voit l’opportunité de changer son destin, et va s’allier à elle pour faire pencher le sort en leur faveur. Luttant contre ses instincts, déchiré entre le bien et le mal, Snow se lance dans une course contre la montre pour survivre et découvrir s’il deviendra finalement un oiseau chanteur ou un serpent.

Pressenti pour relancer Keanu Reeves, aka Constantine, parmi les démons de l’univers DC et en pole position pour l’adaptation du jeu vidéo Bioshock pour Netflix, le réalisateur de Je suis une légende, De l’eau pour les éléphants, Red Sparrow et du récent La Petite Nemo et le Monde des rêves revient aux commandes d’une saga qui s’est achevée en demi-teinte. Bien avant la naissance de Katniss Everdeen, Suzanne Collins offre un nouveau regard sur Panem et les origines des Hunger Games. Ces fameux jeux de tuerie ont la particularité de prendre le contre-pied des jeux télévisés, où la survie des candidats constitue à la fois l’enjeu et la récompense. Pourtant, il ne s’agit pas de nous jeter grossièrement dans l’arène. On change de point de vue, mais l’histoire reste la même. Les jeux sont toujours vus de l’intérieur, mais les coulisses nous sont dévoilées.

Au carrefour de l’espoir

La guerre fait rage pour des raisons inconnues et les ventres crient famine à l’ouverture. Coriolanus Snow (Tom Blyth) connaît donc bien ce sentiment d’inconfort et d’insécurité, quand bien même il est issu d’une lignée estimable du Capitole. Pourtant, il vit encore dans les anciennes ruines de la guerre auprès de sa sœur (Hunter Schafer) et de sa grand-mère (Fionnula Flanagan). Le jeune orphelin a un avenir prometteur devant lui, car tout ce qui compte à ses yeux est de mettre sa famille à l’abri de la misère, qui existe bel et bien au Capitole, siège suprême de Panem. Son apprentissage parmi l’élite du Capitole ne se passe malheureusement pas comme prévu, car le mauvais audimat des Hunger Games vient bouleverser la remise de prix qui aurait dû mettre fin à son calvaire. Casca Highbottom (Peter Dinklage) invite, arbitrairement et obligatoirement, ses élèves à se soumettre au mentorat des futurs participants. Sous les apparences progressistes de cette démarche, visant à reconquérir le cœur des spectateurs, la scientifique Volumnia Gaul (Viola Davis) rajoute une pression supplémentaire sur les épaules de cette jeunesse encore sauvage et immature. Ces deux nouvelles figures se révèlent être les créateurs des jeux, dont le but est de tuer dans l’œuf tout espoir de révolte . Ce plan se dessine peu à peu avec l’appui insoupçonné de Snow et sa naïveté.

Nous arrivons à la dixième édition des jeux et il est capital de faire gonfler le rang des spectateurs autour de cet événement, méprisé par l’ensemble des districts qui composent le pays. Tout l’enjeu est de prolonger le divertissement, tout en créant une attache émotionnelle entre celles et ceux qui se situent de part et d’autre de l’écran de diffusion. C’est ainsi que l’autrice nous amène subtilement sur le terrain inattendu des Hunger Games, où la compétitivité bat son plein dans les rangs du Capitole. Collins nous rappelle alors que cette lutte ne concerne pas uniquement les tributs, mais également les mentors, qui s’affrontent pour un titre prestigieux qui les mettrait définitivement à l’abri de la famine et de toute pression politique. S’il faut attendre une bonne heure avant de faire couler du sang dans l’arène, le combat le plus passionnant et le plus psychologique se situe hors-champ des caméras, loin des regards indiscrets.

À armes inégales

Dans la seconde partie, le jeune Snow doit s’en remettre à son tribut Lucy Gray Baird, au caractère bien trempé et encore plus insolente que le geai moqueur qui libérera Panem de son emprise. Personne ne se porterait volontaire pour cette jeune femme qui n’a que sa voix pour se défendre. Il n’est donc pas surprenant de voir Rachel Zegler camper ce rôle, elle dont on a découvert les talents dans le fabuleux West Side Story de Steven Spielberg. Sa voix ensorcèle tous les reptiles qu’elle croise et ce Snow pourrait bien en faire partie. Leurs destins sont intimement liés, mais qui tiendra le plus longtemps dans le jeu de manipulation qu’ils ont eux-mêmes mis en place ?

Pas le temps de tergiverser à ce sujet, c’est finalement en plein Hunger Games que cette interrogation est laissée en suspens. Dans ce théâtre de la mort, le cinéaste est contraint de négocier un virage radical, avec moins d’artifices. Il doit donc compenser avec une violence tribale et en intensifiant l’impact des coups, mais sa mise en scène ne fait que les ramollir et désamorce même plusieurs moments de tension qui échouent sur un cut inapproprié. Filmer de l’action pure, il ne semble pas être déterminé à le faire dans les temps et avec la rigueur exigée. La narration se veut presque omnisciente et les allers-retours entre l’arène et l’esprit embrumé de Snow ne permettent pas de maintenir un enjeu émotionnel suffisant, sachant que certains connaissent forcément la poignée de vainqueurs au sein du district 12.

Le coup du sort est pourtant favorable aux protagonistes, qui ont droit à une caractérisation en bonne et due forme, contrairement aux autres archétypes. Seuls les quelques personnages cités plus haut ont droit à un traitement de faveur. Même le petit malin pas si malin, Sejanus Plint (Josh Andrés Rivera), camarade de Snow, aura une trajectoire linéaire et expéditive. Les jeux ne sont donc plus au cœur du récit et il fallait oser prendre ce risque.

Les amants maudits

Malheureusement, tout s’écroule assez rapidement à la fin des jeux. La tension retombe et l’intrigue conclut sa tournée au-delà des frontières du Capitole, là où on a pu retrouver une explosion de couleurs dans le code vestimentaire, comme pour oublier la couleur cendrée de la guerre passée. C’est à partir de là qu’un nouveau chapitre s’ouvre et que Snow devient peu à peu le félon conquérant qui est prédestiné à créer un nouvel ordre sur Panem. Lors de son pèlerinage à ciel ouvert, ses émotions sont effacées et l’ambiguïté reste totale quant au sort de son entourage. Ce dernier acte semble de trop dans un film qui cumule déjà beaucoup d’interrogations sans réponse. Là où les deux parties de La Révolte n’avaient pas lieu d’être, on se serait bien gardé une tranche pour un autre épisode. Une suite est de toute façon dans les tuyaux, car ce n’est pas une unique édition des Hunger Games qui changera la donne. À voir si le fait d’avoir déterré la hache de guerre en valait vraiment la peine.

Francis Lawrence a ainsi temporisé nos attentes en jouant sur la reconstitution des éléments emblématiques, évoqués autrefois. L’arbre des pendus, l’hymne révolutionnaire qui en découle, des illustrations plus explicites aux récits mythologiques qui inspirent les jeux (Thésée et le Minotaure notamment), tout y est. De plus, James Newton Howard excelle toujours dans sa composition, afin d’iconiser les protagonistes ou bien de tirer sur la corde nostalgique et mélancolique. Tous les arguments sont bons pour relancer la licence, à l’image des Animaux Fantastiques qui avaient tenté de raviver la magie de la saga de Harry Potter. Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur se situe dans le même sillage, avec le net avantage d’avoir Michael Arndt comme scénariste. Force de proposition sur Tron : l’héritage, Toy Story 3, Oblivion et L’Embrasement, probablement l’épisode le plus divertissant porté par Jennifer Lawrence, il parvient à trouver un équilibre redoutable dans les deux premières parties du récit.

En somme, ce spin-off s’adresse aussi bien à ceux qui ont grandi avec Katniss que ceux qui souhaiteraient directement en découdre avec les lois impitoyables de Panem. Le jeu de pouvoir ne fait que commencer. Reste à savoir si la noirceur, parfois mal intégrée et souvent peu assumée dans la quadrilogie, peut davantage s’accentuer dans cette nouvelle épopée. Espérons également que la contrainte du raccord avec le roman original de 2008 n’empêche pas l’innovation des jeux ou la maturité de la lutte des classes, dont le portrait reste à achever.

Bande-annonce : Hunger Games – la Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur

Fiche technique : Hunger Games – la Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur

Titre original : The Hunger Games : The Ballad of Songbirds and Snakes
Réalisation : Francis Lawrence
Scénario : Michael Arndt, Suzanne Collins
Directeur de la photographie : Jo Willems
Montage : Mark Yoshikawa
Musique : James Newton Howard
Production : Lionsgate, Color Force
Pays de production : États-Unis
Distribution France : Metropolitan FilmExport
Durée : 2h37
Genre : Science-fiction, Action, Aventure
Date de sortie : 15 novembre 2023

Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, un tirage favorable
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