Gold est typiquement ce genre d’histoire dont raffolent les américains, celle d’un quidam dont l’obstination va permettre de voir ses rêves devenir réalité. Avec un peu de recul, il s’agit en fait des magouilles d’un fils-à-papa disgracieux et quelque peu ahuri. Un ersatz de Donald Trump, en somme. Le pouvoir d’adhésion n’est donc lié qu’à son interprète. Peut-être en faudra-t-il un peu plus.
Synopsis : 1988. Kenny Wells, un beau-parleur plein de rêves, a mené à la faillite la société minière qu’il a héritée de son père. Dos au mur, il décide de faire équipe avec Michael Acosta, un géologue qui, lui aussi, est la risée de ses pairs. Leur projet de chercher de l’or au fin fond la jungle indonésienne se révèle vite fructueux. La côte de la société explose aussitôt, mais plutôt que profiter pleinement de la belle vie, Wells tient à garder le contrôle de ses affaires.
Un Rise and fall en plaqué or
Depuis Dallas Buyers Club et la première saison de True Detective, Matthew McConaughey s’est imposé, aux yeux des spectateurs, comme un excellent transformiste. Que son image de jeune premier qu’il cultivait dans ses premiers films, et même son physique avantageux tel qu’il en jouait dans Magic Mike, paraissent loin aujourd’hui ! Dès les premières images de son tournage, Gold a fait sa réputation sur son nouveau look anti-glamour, identifiable à sa calvitie avancée et à sa silhouette bedonnante. Croire qu’il s’agit là d’un atout suffisant pour faire le succès du film serait oublier que, avant lui, Christian Bale (American Bluff), Johnny Depp (Strictly Criminal) mais aussi Tom Cruise (Tempêtes sous les tropiques) ont adopté un physique comparable sans que cela attire massivement le public. Qu’a alors à proposer ce long-métrage ? Son autre argument est d’être inspiré d’une histoire vraie. En l’occurrence, celle de l’affaire dite de la mine d’or de Bre-X Busang. En dire plus sur celle-ci reviendrait à spolier sévèrement le scénario, pourtant il est légitime de dire que celui-ci n’en garde que peu d’éléments pour aboutir un récit tristement convenu.
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Son auteur est pourtant bien connu pour son talent à recycler des histoires vraies et s’en servir pour bâtir une dramaturgie solide, puisque Stephen Gaghan a rédigé les scénarios de Traffic et de Syriana. Or, comme pour ce dernier, sa mauvaise idée a été de le réaliser lui-même alors qu’il est loin de posséder le talent d’autres cinéastes qui s’étaient dits intéressés par le projet, à savoir Paul Haggis, Michael Mann ou bien encore Spike Lee. Autant dire que les sujets abordés dans cette histoire avaient de quoi faire un grand film, mais se retrouvent en fin de compte étouffés par la mise en scène bien trop démonstrative de Gaghan. Tel qu’il les filme, il ne parvient ni à faire vivre l’émotion qui anime cette variation, pourtant dramatique, du rêve américain ni à insuffler un souffle épique à la partie consacrée aux voyages en Indonésie ni moins encore à rendre cinglant son discours sur le cynisme des marchés financiers.
Gold est finalement à l’image de son personnage principal : Bavard, vulgaire et futilement tape-à-l’œil. Il aurait pu s’agir d’un parti-pris payant si le réalisateur avait le savoir-faire des frères Coen ou de David O. Russell. Entre les mains de Stephen Gaghan, le résultat ne relève que de la maladresse, pour ne pas dire de la ringardise.
A aucun moment l’arc narratif de Kenneth Wells ne s’éloigne du schéma classique qui consiste à voir à suivre le parcours d’un homme vers des sommets et sa déchéance. Une fois le dispositif en place, le storytelling n’a aucune surprise à offrir. C’est donc indubitablement la prestation de Matthew McConaughey, et elle seule, qui rend ce personnage intéressant à suivre. Le moindre de ses sourires en coin s’avère ainsi un moment bien plus étonnant que ses relations si prévisibles avec ses partenaires. Parmi eux, on n’en dénombre d’ailleurs que deux qui soient un minimum développés. La première est sa femme, incarnée par Bryce Dallas Howard qui, elle aussi, fait preuve d’une belle transformation puisque, même si elle n’est présente que dans la première moitié du film, elle semble y grossir à vue d’œil. Le second est l’expert incarné par Edgar Ramirez, dont on regrettera que le jeu assez placide ne rende pas compte de toute l’ambiguïté du personnage.
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Dès la première scène, le dialogue et la voix-off, tous deux lourdement explicatifs, posent les bases de ce qui sera l’un des plus gros défauts de l’écriture : une tendance à se montrer bien trop expansif. Les effets de montage iront d’ailleurs dans le même sens, appuyant bien davantage sur cette volonté d’étaler le déroulement des évènements que sur l’installation d’un tant soit peu de tension. Même le rebondissement, à une demi-heure de la fin, n’arrive pas à générer l’intensité que l’on peut attendre d’un tel retournement de situation. Le parcours de ce prospecteur exubérant et antipathique se retrouve à se dérouler sous nos yeux, sans que jamais ni le thriller financier ni la fresque historique qu’il voudrait être ne parviennent à exister. N’en reste que le portrait d’un homme haut en couleur, un résultat certes honorable mais bien plus anecdotique. Définitivement, son seul atout reste la transformation de son acteur principal, de quoi en venir à espérer que McConaughey pourra retrouver le succès sans avoir systématiquement recours à de tels artifices.
Gold : Bande-annonce
Gold : Fiche technique
Réalisation : Stephen Gaghan
Scénario : Patrick Massett et John Zinman
Interprétation : Matthew McConaughey (Kenny Wells), Edgar Ramírez (Michael Acosta), Bryce Dallas Howard (Kay), Corey Stoll (Brian Woolf), Toby Kebbell (Paul Jennings), Bruce Greenwood (Mark Hancock), Stacy Keach (Clive Coleman)…
Image : Robert Elswit
Montage : Douglas Crise
Direction artistique : Peter Rogness
Décors : Maria Djurkovic
Costumes : Danny Glicker
Productions : Patrick Massett, John Zinman, Teddy Schwarzman, Michael Nozik, Matthew McConaughey
Sociétés de production : Black Bear Pictures, Living Films
Distribution : StudioCanal
Budget : 30 millions de dollars
Durée : 120 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 19 avril 2017
Etats-Unis – 2017
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