Elser un héros ordinaire, de Oliver Hirschbiegel: Critique

Depuis quelques années, tout le cinéma allemand vole au secours de son histoire et de nombreux films sur des personnalités allemandes résistantes apparaissent (« Sophie Scholl, les derniers jours », de Marc Rothermund en 2005, « Walkyrie », film américano-allemand de Bryan Singer en 2008  etc.). Après le très beau « labyrinthe du silence » de Giulio Ricciarelli en 2014, qui évoquait le procès de Francfort, il est ici question de Georg Elser et de son attentat mené dans l’espoir de tuer Hitler.
Oliver Hirschbiegel, déjà réalisateur de « La Chute », en 2004, sur les derniers jours du Führer, s’attaque une nouvelle fois à cette période sombre de l’histoire allemande mais du point de vue de « la résistance ».  Si « la chute » avait déclenché une polémique (le film avait -entre autres- été accusé de trop humaniser le Führer), il avait aussi et surtout été l’un des plus gros succès de l’histoire au box office allemand, raflant un certain nombre de prix et une nomination à l’oscar du meilleur film étranger. Ainsi, les attentes autour de ce nouveau film étaient très importantes.

Après un passage pas vraiment réussi aux Etats-Unis avec « Invasion » en 2007 et « Diana » en 2013, Hirschbiegel renoue avec le cinéma de ses débuts.

Quand ils arrêtent Georg ­Elser, les hommes de la Gestapo demeurent perplexes : ce menuisier allemand vient de commettre un attentat à la bombe contre Hitler, qui n’en a réchappé que par miracle, en ayant écourté son discours de treize minutes. Plus ils le torturent, moins les nazis le comprennent : ni complices, ni alliés communistes ou anglais, ni groupe terroriste. Tout le pays se range derrière son Führer et un homme seul surgi de nulle part vient jouer le trouble fête.

Notons tout d’abord que dans les scènes de tortures, le refus du gros plan sur les coups et blessures est parlant. On nous épargne. De même, la secrétaire qui assiste à l’interminable interrogatoire et doit noter les aveux sort de la pièce pour ne pas faire face directement au supplice du résistant. C’est dit : l’une des qualités d’ Elser est d’être un film où perce l’humanité à chaque instant.

Elser se présente donc comme un biopic, un genre qu’on ne présente plus et qui n’a pas brillé dernièrement par son originalité.
Le film prend la forme d’un long flash-back mais le scénario est un peu trop mécanique, composé selon un schéma ultra classique en une suite d’allers retours ­—supposés éclairer la figure de l’héroïsme tout en l’humanisant—entre les séances d’interrogatoire et le passé d’Elser, un homme libre et amoureux de la vie. Ce portrait est enrichi par la performance de Christian Friedel (déjà aperçu en professeur dans « Le ruban blanc » d’Haneke en 2009 et en Heinrich von Kleist dans « Amour fou », de Jessica Hausner en 2014).

Mais le sujet lui-même (quoiqu’il arrive, cela reste le récit d’un échec) fait perdre toute efficacité à cette mécanique classique pourtant pas si mal huilée. Difficile de s’intéresser aux rouages d’une bombe après l’avoir vu manquer sa cible.

La mise en scène étant tout aussi classique que le scénario, le résultat est un éloge fade de la figure d’Elser, résumé à son absence d’appartenance politique et à ses talents d’artisan.

Il se considère lui-même comme un « homme indépendant ». Une indépendance d’esprit, d’abord, puisque qu’il n’est pas un militant politique. Il abhorre le régime dictatorial par humanité mais il n’est pas encarté, il affiche son soutien à l’union rouge mais ne se considère pas comme à la solde des communistes. Une indépendance dans son travail, ensuite, puisqu’il décide de se mettre à son compte et enfin une véritable indépendance de cœur car il n’hésite pas à suivre son instinct allant jusqu’à entretenir une relation avec une femme mariée. C’est cette attitude d’homme libre dans un pays contrit, qui va différencier Elser de n’importe quel autre résistant. (Pourtant le film laisse de côté la conviction de beaucoup d’historiens qu’Elser avait un lien avec les anglais. De plus, ici Georg affirme n’avoir jamais été qu’un sympathisant du parti communiste allemand alors qu’en réalité, il y a adhéré en 1928).

Si le film montre des événements qui ont marqué Georg pour lui faire prendre la décision de préparer cet attentat, il se concentre probablement trop sur son histoire d’amour avec Elsa. Ce choix scénaristique n’aide pas le film à devenir passionnant. La romance est comme l’ensemble du film, fade;  manque de réalisme, de profondeur et on se retrouve devant une oeuvre trop lisse, trop parfaite et trop ennuyeuse. L’absence d’empathie nuit complètement au film.

Oliver Hirschbiegel ne réussit pas à rendre son oeuvre intéressante. La petite histoire dans la grande histoire, ne trouve jamais le souffle dont elle a besoin. Cela permet au moins de découvrir ce personnage, ce « héros ordinaire », dans un film quelconque.

L’oeuvre, trop académique, présente un intérêt plus historique que cinématographique.

Au delà de l’histoire d’Elser et de ses amourettes, l’intérêt du film réside dans la peinture de l’Allemagne des années 30. Comment le nazisme est arrivé et a été vécu dans le quotidien par des citoyens lambda d’un petit village du fin fond du Württemberg. Comment les habitants se sont montrés enthousiastes, ou se sont simplement résignés. C’est cette mise en avant de ce pan de l’histoire, somme toute assez méconnu, qui est bien réussie dans ce film.

Synopsis :  Le 8 novembre 1939, en Allemagne, le modeste menuisier Georg Elser a failli changer l’histoire. Alors qu’Adolf Hitler vient de prononcer un discours devant les dirigeants de son parti dans la brasserie Bürgerbräu à Munich, une bombe explose. Elser est le seul auteur de cet attentat, indigné par la brutalité croissante du régime nazi. Mais il échoue dans sa tentative d’assassiner le Führer. Hitler et ses lieutenants ont déjà quitté les lieux. Rattrapé à la frontière suisse alors qu’il tentait de s’enfuir, Elser est arrêté puis transféré à Munich pour être interrogé par Heinrich Müller, le chef de la Gestapo, et Arthur Nebe, le directeur de la Kripo.

Elser, un héros ordinaire: Fiche Technique

Allemagne – 2015
Réalisation: Oliver Hirschbiegel
Scénario: Fred Breinersdorfer, Léonie-Claire Breinersdorfer
Interprétation: Christian Friedel (Elser), Burghart Klaußner (Arthur Nebe), Katharina Schüttler (Elsa), Johann von Bülow (Heinrich Müller)…
Distributeur: Sophie Dulac Distribution
Image: Judith Kaufmann
Décors: Thomas Stammer, Benedikt Herforth
Costumes: Bettina Marx
Son: Steffen Graubaum
Montage: Alexander Dittner
Musique: David Holmes
Producteur(s): Oliver Schündler, Boris Ausserer, Fred Breinersdorfer
Production: Lucky Bird Pictures
Date de sortie: 21 octobre 2015
Durée: 1H54
Genre: Drame, Film Historique

Auteur : Clement Faure