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Devdas de Sanjay Leela Bhansali : Critique du film

Devdas de Sanjay Leela Bhansali : Roméo et Juliette au pays de Ghandi ?

Synopsis : Devdas, le fils d’un riche propriétaire, et Paro, la fille d’un modeste voisin, s’aiment passionnément. Malheureusement, le père de Devdas n’accepte pas l’entrée de Parvati dans sa famille en raison des différences de classe sociale. Paro va alors épouser contre son gré un propriétaire plus âgé qu’elle, et Devdas, parti à Calcutta, sombre dans l’alcoolisme…

Prêt à vilipender cette sucrerie Bollywoodienne qui avait tout l’air du parfait produit calibré pour plaire au plus large public occidental possible, je me réjouissais à l’avance des railleries que j’allais pouvoir en tirer à des fins purement démagogiques. Cette avalanche de mauvais gout kitchissime surlignée par de la musique sirupeuse pour midinettes en manque de merveilleuses romances ne pouvait évidement pas plaire au cinéphile exigeant que je suis. C’était couru d’avance : sitôt vu, aussitôt oublié. Et pourtant!

A mon corps défendant, et malgré toute la mauvaise volonté caractérisée que je n’avais de cesse de mettre en avant pour me persuader de le détester, je ne peux que m’avouer vaincu devant une telle merveille! Ma fourberie et ma mauvaise foi se sont littéralement effondrées devant ce qu’il faut bien considérer comme un véritable bijou.

Par où commencer? Choisir est un défi ardu car il y aurait tellement à dire et à argumenter sur la fascination qu’il exerce. Partons du principe que c’est bien plus qu’une simple comédie musicale sauce curry saupoudrée d’une pincée de Roméo et Juliette au pays de Gandhi. Derrière tout ce faste et cette préciosité, se cache en effet un appel d’air à une Inde faisant fi des singularités de cette immense territoire spirituel divisé par tant de rancœurs idéologiques et religieux vieux de plusieurs siècles. Composée de castes appartenant à différents milieux sociaux s’opposant avec acharnement, la famille hindou a cette particularité qui la déchire en son sein même. Rivalité, désir de revanche et envie d’élévation sociale sont un frein majeur à la prospérité et à la réunification de l’ancienne colonie anglaise. Dans un geste d’apaisement, ce film tente, à son petit niveau, une réconciliation fraternelle. Et il use pour cela de toute une tradition séculaire de l’expression artistique qui a fait la réputation à travers le monde de ce pays.

Constitué de tout un panel de séquences dansées et chantées qui correspondent à l’avancée et à l’état d’esprit des protagonistes (tristesse, espoir, joie…..), montées en plans séquences fluides et magiques, ce long-métrage sert ces morceaux de bravoures avec un enthousiasme démesuré plus que jouissif. Les immenses palais ornés d’or et de couleurs vives sont un pur enchantement pour nos rétines. La beauté irréelle de ces amants éplorés et de ses courtisanes finissent par nous achever pour de bon. Si la profusion d’intrigues de cours et de personnages peuvent facilement déstabiliser par instant, c’est pour mieux nous perdre dans ces sentiments exacerbés, aidés en cela par les différents points de vue nous permettant de mieux comprendre leurs raisons profondes. L’empathie que l’on ressent alors, bien qu’elle ne soit pas la même pour tous, en est alors plus aisée.

Car s’il s’agit bien d’une somptueuse et déchirante histoire d’amour entre deux magnifiques éconduits, elle prend une signification autrement plus symbolique qu’une simple amourette. Devdas (Shah Rukh Khan), ce riche héritier d’une famille de propriétaires revenu d’une très longue absence de Londres, sous des aspects lisses d’amoureux transi depuis sa plus tendre enfance de Paro (Aishwarya Rai, égérie de luxe pour une célèbre marque de shampoings qu’elle promeut tous les ans à Cannes, mais ici troublante car sublimement radieuse), ne sait qu’aimer par simple arrivisme et égoïsme et en paiera cher les conséquences. L’Amour est la grande question de sa vie car son manque d’assurance lui vient d’une profonde blessure qu’il cache sous des allures autoritaires. Fils d’une longue fratrie, rejeté par celle ci, mal aimé par sa mère mais surtout par son père, il reproduit inconsciemment ce schéma avec sa dulcinée.

Frustrée de ce manque de considération à son égard, elle qui l’a tant attendu, n’aura d’autre solution que de subir un mariage arrangé avec un homme fortuné pour ne pas déshonorer sa famille. La séparation brutale et l’exil forcé qui en découle lui serviront de prise de conscience de cette fatale erreur. La mort paternelle ainsi que sa rencontre avec une courtisane prostituée de rang et d’estime largement inférieure confirment son mépris exécrable envers la pureté du cœur. Cette rencontre décisive , si elle lui ouvre les yeux sur le chemin d’une possible rédemption, s’avère surtout le châtiment ultime pour ne pas avoir su saisir cette chance et s’être enfermé dans une auto destruction indigne d’une bonté à portée de main. Son dernier voyage est l’occasion d’un bouleversant plan séquence final, filmé avec une telle maestria qu’il en devient presque amer de terminer sur cette note là.

Fonctionnant sur un rythme frénétique particulièrement envoûtant et proposant une lecture radicalement différente de ce à quoi l’on pouvait s’attendre, le réalisateur nous propose une oeuvre unique en son genre qui fera sans doute date dans la longue histoire du cinéma. Un vrai bonheur qui a bien failli m’échapper par péché d’orgueil et dont vous auriez tort de vous priver !

Fiche Technique Devdas

Inde – 2002
Réalisation: Sanjay Leela Bhansali
Scénario: Sanjay Leela Bhansali, Prakash Kapadia d’après: la nouvelle de: Sarat Chandra Chatterjee
Interprétation: Shahrukh Khan (Devdas), Aishwarya Rai (Paro), Madhuri Dixit (Chandramukhi), Jackie Shroff (Chunnilal), Kiron Kher (Sumitra), Smita Jaykar (Kaushalya)…
Genre: Comédie Musicale, Drame
Durée: 3h02
Image: Binod Pradhan
Montage: Bela Segal
Musique: Ismail Darbar, Birju Maharaj, Monty
Producteur: Gajendra Mishra, Mohan Nayyar, Bharat Shah
Parolier: Sameer
Choréographies: Saroj Khan, Birju Maharaj, Vaibhavi Merchant
Voix de play-back: Udit Nurayan, Madhuri Dixit, Shreya Ghoshal
 Auteur de la critique : le Cinéphile Dijonnais