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All Eyez on me, un biopic pas vraiment à la hauteur

Voilà des années que l’on attendait le biopic sur l’immense rappeur qu’était Tupac, il est enfin là. Avec All Eyez on me, Benny Boom retrace la vie de cet activiste, poète et même acteur qui a laissé une trace indéniable de par son œuvre mais surtout un grand vide suite à sa disparition prématurée.

Tupac Amaru Shakur méritait son biopic. Plus de 20 ans après son assassinat, qui ne fut jamais élucidé, il est important de transmettre aux jeunes générations l’impact que des artistes de sa trempe ont eu dans le rap mais également auprès des communautés afro-américaines opprimées dans l’après-ségrégation américaine. À défaut d’être un grand film, on espère que les nouvelles générations se rueront sur la discographie de cet artiste au parcours atypique.

Et le premier gros problème du film est justement qu’il s’intéresse surtout au parcours, aux différentes étapes de sa vie plus qu’à l’homme lui-même. Pourtant, prenant le parti de raconter sa vie à travers une interview qu’il a donnée en prison, l’introspection semblait pouvoir se mettre en place, mais seules quelques scènes arriveront à sortir du simple schéma de sa vie pour entrer un peu plus à l’intérieur, essayer de comprendre Tupac. Car chacun a déjà entendu parler de 2Pac, un rappeur gangster, plus rappeur, plus gangster, assassiné à un feu rouge etc. On ne pourra pas reprocher au film de zapper les grandes lignes de sa vie. On pourra lui reprocher bien d’autres choses.

La première partie du film enchaîne différentes scènes de sa jeunesse sans jamais que l’on puisse s’attacher au personnage. Il est évidemment important de parler de ses parents, sa mère qui a une influence considérable dans l’œuvre de Tupac (activiste au sein Black Panthers, mouvement révolutionnaire Afro-américain, elle est enceinte de lui lorsqu’elle est emprisonnée pour complot contre le gouvernement). Seulement l’enchaînement de ces « vignettes », participe à un melting pot de clichés peu inspirés (descentes du FBI dans le foyer familial, passage à tabac de jeunes Noirs par la police ou autres règlements de comptes entre gros bras du quartier) sans vraiment s’intéresser au fond du problème. On nous explique simplement que Tupac n’a pas une vie facile (on en doutait encore…) en montrant le contexte de l’époque. La mise en scène on ne peut plus classique participe à cette impression de facilité et on a déjà peur de rester en surface pendant tout le film.

All-Eyez-On-Me-film-Review-2017-TupacEt les évènements continuent de s’enchaîner les uns après les autres sans véritables transitions si ce n’est la multitude de fondus au noir, synonymes d’autant d’ellipses. Tupac déménage, Tupac fait un sermon à sa mère qui se drogue, Tupac a des problèmes avec la police. Puis Tupac commence le rap, enchaîne les auditions, obtient un contrat, part en tournée. Vous trouvez que ça va vite ? Nous aussi. Pas une seule scène où l’on voit l’artiste travailler, écrire, rien. La réussite arrive comme un cheveu sur la soupe alors qu’on a encore du mal à saisir les nuances du personnage. Le film s’attardera donc sur les évènements connus, les étapes clés de sa vie, pas celles de l’homme. On a abandonné l’espoir d’avoir un semblant de virtuosité dans la mise en scène, un semblant d’audace. Des biopics comme ça, on en voit tous les ans.

On attend alors les scènes musicales, toutes coupées après trois vers, frustrant. Jusqu’à ce que Biggie arrive à l’écran. L’acteur qui avait joué le rappeur new-yorkais dans le biopic Notorious BIG reprend ici le rôle de biggie small. Et sa première entrée en scène est assez remarquable, mais on reste encore sur notre faim. On attendra l’époque Death Row.

Évidemment plus on se rapproche de la fin, plus les scènes coup de poings, prévisibles, s’accumulent. Son procès pour viol, son agression dans un studio au cours de laquelle il se fera tirer dessus à 5 reprises. La vitrine s’élargit, mais on connaît déjà toute l’histoire. Le récit rejoint par la suite le point de départ du film : son passage en prison. On espère à ce moment que le film prenne un virage et que la caméra, libérée des flash-backs, se rapproche de Tupac, qu’elle aille au plus près de l’homme. Rien n’y fait, la transition est à peine marquée. On se demande pourquoi le choix de l’interview si ce n’est uniquement pour mettre en place les flash-backs jusqu’ici. C’est léger et simpliste.

all-eyez-on-me-film-biopic-Demetrius-Shipp-JrVient finalement l’époque Death Row, label de Big Suge que rejoint 2pac à sa sortie de prison et qui fera sa gloire. On sent (enfin !) la volonté du réalisateur de mettre le doigt sur le changement du rappeur. Lui qui souhaitait exprimer les maux d’une société, d’une classe sociale inaudible auprès des puissants se mue en star bling-bling aux textes vengeurs empreints de violence. Tupac est connu pour ces deux visages. Seulement le film paye son manque de profondeur dans la première partie, alors que la question est à peine esquissée, et on ne s’attarde pas sur cette ambiguïté. À aucun moment le réalisateur tente de saisir la nuance entre le symbole et la réussite, entre l’homme et la star. On prend ce qu’on nous donne et mises à part quelques scènes (visite de sa mère en prison) ses motivations ne sont que des slogans plus que de réelles réflexions personnelles. Cette dernière partie est donc très prévisible, bien que certaines scènes arrivent à nous sortir de notre torpeur, notamment l’enregistrement de California love en studio qui redonne le sourire et du punch au film. Également les scènes du concert en live, filmées sans grandes convictions, mais efficaces. Au moins ça.

Le film se clôt donc par l’issue tragique qu’a connu Tupac Shakur dans une scène qui semble durer une éternité (en plus d’être incohérente par rapport aux faits), très voyeuriste et donc très dispensable alors que sa mort est sûrement l’évènement le plus ancré dans les mémoires car le plus médiatisé. Il y avait tellement d’autres choses à dire, à montrer.

Les acteurs, bien que physiquement ressemblants, frôlent par moment la caricature à l’image de Big Suge. Demetrius Shipp Jr., interprète de Tupac, alterne lui entre sur jeu et prestation correcte.

La déception est grande, ce biopic ne dépasse jamais sa fonction de raconter la vie, à travers les grandes lignes, d’un personnage connu. On aurait aimé plonger dans l’intimité de ce rappeur disparu trop tôt. Au lieu de ça, on a une simple piqûre de rappel. On espère néanmoins que cela initiera les novices, les plus jeunes ou ceux qui ne connaissaient tout simplement pas l’œuvre de Tupac et on attendra avec impatience le prochain documentaire sur le rappeur par Steeve McQueen.

All Eyez on me: Bande Annonce

All Eyez on me: Fiche technique

Réalisation : Benny Boom
Scénario : Jeremy Haft
Interprétation : Demetrius Shipp Jr., Danai Gurira, Kat Graham
Montage : Joel Cox
Musique : John Paesano
Production : James. G Robinson
Société de production : Emmett/Furla Films
Durée : 2h20
Genre : Biopic
Date de sortie : Inconnue (dans quelques mois sur Netflix France)

USA – 2016