Je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer physiquement Philippe Pallin. Il n’était pour moi « que » pphf, un cinéphile érudit avec qui j’interagissais de temps à autre sur Sens Critique. On se lisait régulièrement, on s’interpellait parfois, on entretenait des rapports cordiaux et constructifs. J’ai appris avec regret sa maladie, puis son décès, à travers les textes bouleversants de son fils François.
J’ai fouillé dans mes souvenirs pour savoir quel a été notre dernier échange. Il me semble qu’il portait sur une recension que j’avais consacrée au livre d’Alain Korkos et Florence Arié, Filmer la légende. Philippe saluait alors l’idée de fonder la retranscription de l’histoire d’une nation sur une étude comparée de ses films. C’est à la fois anecdotique et important. Car le cinéma était notre passion commune et c’est à travers lui que nous nous retrouvions ponctuellement.
J’ai encore le souvenir de plusieurs de ses critiques passionnées et étayées, sur Orange mécanique, 1984 ou Network. Sens Critique a sans conteste perdu l’une de ses plumes les plus affutées et moi, l’un des « éclaireurs » dont j’admirais l’acuité du regard et la capacité de verbaliser le septième art. Philippe nous a quittés, mais il laisse derrière lui une œuvre littéraire de grande qualité.
J’ai eu l’opportunité de parcourir le premier tome de son Histoire du cinéma français, coécrite par Denis Zorgniotti. On y trouve, de sa plume, une évocation de Sous les toits de Paris de René Clair, premier film français parlant notable, un portrait inspiré d’Albert Préjean, « l’homme de la France de la reconstruction, des années folles, de l’espérance », un autre concis et remarquable de Jean Gabin, « l’incarnation du réalisme poétique », ou encore, précisément, un dossier sur ce courant célèbre et quelque peu fourre-tout incarné notamment par le prolifique Julien Duvivier.
Nous déplorons aujourd’hui collégialement la disparition d’un cinéphile et critique estimé. Mais nous vous invitons aussi, si vous le désirez, à soutenir LettMotif dans l’édition d’Une histoire du cinéma français, un projet encyclopédique qui a longtemps occupé Philippe : https://fr.ulule.com/histoire-cinema-francais/
Nous garderons le souvenir d’un homme affable, fasciné par le septième art et prompt à en décrypter les codes dans des textes passionnants. Que chacun soit aujourd’hui en mesure de les découvrir, c’est tout ce qu’on peut lui souhaiter…
Jonathan Fanara
Pour moi, Philippe Pallin, c’est pphf (son pseudo, son avatar, ses critiques, etc.) sur le site Sens Critique, où nous étions éclaireurs/abonnés depuis de nombreuses années, pour des échanges enrichissants. Sur le site, le passionné pphf a fait profiter de ses connaissances au-delà du cercle familial (on sait la complicité entretenue avec son fils). Et puis, en plein confinement, j’ai eu son numéro de téléphone par une connaissance commune qui, à juste titre, s’inquiétait de son état de santé. C’est ainsi que je l’ai appelé un après-midi, alors qu’il était hospitalisé, ce qui nous a permis d’échanger sur nos passions. Il m’a expliqué son parcours, sa maladie (sans s’étendre) et son projet éditorial qui lui tenait particulièrement à cœur. De mon côté, je lui ai dit qu’un des points que j’apprécie avec les écrits accumulés sur Sens Critique, c’est qu’en lisant régulièrement les productions des uns et des autres, on se fait une idée de leur personnalité et de leur vécu, d’après ce qu’ils racontent, leur façon de s’exprimer, etc. À mon avis, sur Sens Critique, Philippe Pallin avait trouvé un espace intéressant mais pas tout à fait adapté à sa personnalité. En effet, sur un film qu’il connaissait bien, il avait énormément à dire, peut-être trop par rapport à ce que la moyenne peut attendre. Avec cette encyclopédie, Philippe Pallin trouve enfin un espace à sa dimension. Si l’homme nous a malheureusement quittés, ses écrits restent et je suis fier d’avoir modestement contribué à la réalisation de ce projet.
Laurent Gallard