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Cannes 2016 : Captain Fantastic, de Matt Ross (Un Certain Regard)

Captain Fantastic, un film familial de Matt Ross avec notamment Vigo Mortensen : entre drôleries, drame familial déjà vu, feel-good movie et paradoxes.

Synopsis : Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes. Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.

            Une famille marginale, composée d’un père et de six enfants plus ou moins âgés, vit son quotidien : séance d’entrainement et développement physiques intensifs ; ils lisent puis analysent leurs lectures ; ils ont des discussions philosophiques sur le monde, profondément fondées sur des théories marxistes, anticapitalistes, et anarchistes entre autres ; au soir ils lisent et/chantent autour du feu ; enfin ils vont se coucher. Une question se pose : où est la mère ? À l’hôpital, entend-on, pour se soigner. « Mais tu as dit qu’on rentrait à l’hôpital pour y mourir » dit le plus jeune enfant, « Et que les médecins étaient au service des labos pharmaceutiques » dit une adolescente (attention, la retranscription est vulgaire, et n’est pas toujours au mot près). « Oui mais ce sont les seuls à pouvoir la soigner » répond le père. Ce dialogue met en avant deux choses : premièrement, la force comique du film, qui joue sur les paradoxes de la famille, et sur leurs principes et modes de vie, leur quotidien, par exemple le père, qui a dit ne jamais mentir à ses enfants (un mensonge ou paradoxe du film) répondra directement aux questions du plus jeune gosse à propos des relations sexuelles. Autre exemple, les enfants ont des couteaux de chasse et des arcs pour leurs anniversaires et ils en sont heureux.

            Deuxièmement, l’échange met en avant les paradoxes de cette famille en marge de la société mais qui fonctionne tout de même avec, et parfois plus qu’elle ne le croit (violence = capitalisme). Et explicite indirectement le paradoxe du film. En effet, le long métrage, un film donc, est un produit certes artistique, mais aussi essentiellement (dans son essence) industriel. Le film est d’ailleurs produit par Fox Searchlight, sous-société de la Twenty Century Fox, l’une des plus grandes sociétés hollywoodiennes de cinéma et de télévision (qui a aussi une part sur le marché du jeu vidéo). Le réalisateur Matt Ross a aussi co-écrit le scénario, aussi il apprécie et partage bien des pensées avec cette famille. Mais alors, produire un film avec un certain budget, qui passe certes par des sociétés de productions et distribution relativement indépendantes et/ou liés au monstre nommé Hollywood, ne serait-il pas un non sens ?

             Nous laisserons cette question en suspens, afin de vous laisser le soin d’y réfléchir et peut-être formerons nous une réponse collective. La situation de la famille Cash (nom qui crée déjà une blague) va être bouleversée par la mort de la mère, qui s’est suicidée. Le grand-père ne veut pas voir son beau-fils à qui il en veut d’avoir fait vivre de telles conditions à sa fille (qui partageait toutefois les mêmes idées et cette volonté d’être en marge ou presque), et de pratiquer toujours cela avec les enfants. L’adolescent, lui, hait son père. Il le considère comme responsable de la mort de sa mère. Mais la famille est prête à tout pour revoir leur mère une dernière fois, et même à empêcher l’enterrement chrétien afin de respecter les volontés de cette maman bouddhiste, qui veut être « incinérée puis balancée dans le chiotte le plus proche ». Commence un road trip qui remettra en question bien des principes de la famille, qui est loin d’être aussi sage qu’elle le prétend. Et celle-ci n’a pas fait attention au radicalisme et l’extrémisme de certaines de leurs pensées et alors de leurs mœurs, dangereux pour eux-mêmes, pas forcément moraux, et qui les diviseront. Captain Fantastic se lance comme un road-movie familial, un feel good movie agréable, très drôle, parfois très maladroit et alors bête et méchant à cause du radicalisme et de l’extrémisme de certaines idées, propres à cette famille hors du commun. Si avec ces derniers éléments, le film cherche à être en marge des productions du genre, son récit est au final tout à fait banal et déjà vu. On lui préfèrera le drôle, dramatique, magnifique, pudique et parfois déjanté, humain donc, The Descendants d’Alexander Payne.

Captain Fantastic : Bande-annonce

Captain Fantastic : Fiche Technique

Réalisation: Matt Ross
Scénario: Matt Ross
Interprétation: Viggo Mortensen, Frank Langella, George MacKay, Samantha Isler, Annalise Basso, Nicholas Hamilton, Shree Crooks, Charlie Shotwell, Ann Dowd, Erin Moriarty, Missi Pyle, Kathryn Hahn, Steve Zahn, Elijah Stevenson, Teddy Van Ee, Trin Miller.
Direction artistique: Erick Donaldson
Décors: Tania Kupczak et Susan Magestro
Costumes: Courtney Hoffman
Photographie: Stéphane Fontaine
Montage: Joseph Krings
Production: Jamie Patricof (en), Lynette Howell, Monica Levinson et Shivani Rawat (producteurs), Declan Baldwin et Nimitt Mankad (producteur délégué), Samantha Housman, Crystal Powell et Louise Runge (coproducteurs), Louise Runge (productrice exécutive)
Sociétés de production: Electric City Entertainment et ShivHans Pictures
Sociétés de distribution: Bleecker Street (en) (États-Unis) , Mars Distribution (France)
Genre: Drame
Durée: 118 mn
Sortie: 12 octobre 2016

Etat-Unis – 2016